Jurassic World Renaissance : un blockbuster nostalgique mais bancal - critique
Le 30/06/2025 à 18:39Par Pierre Champleboux
Jurassic World Renaissance est un divertissement pop-corn qui coche les cases du grand spectacle estival : visuels époustouflants, rythme soutenu et dinosaures monstrueux qui claquent. Pourtant, ce retour sur une île sauvage, bien que porté par la réalisation soignée de Gareth Edwards, s’enlise dans un scénario paresseux, des personnages stéréotypés et une tonalité bancale qui hésite bien trop entre frissons horrifiques et aventure familiale. Si les fans de sensations fortes et de cinéma pop corn y trouveront leur compte, ceux qui espéraient trouver là un film audacieux qui apporte du neuf à la a risquent fort de rester sur leur faim. On tient un rollercoaster efficace, mais on a affaire à un énième ersatz aseptisé de Jurassic Park qui manque de mordant.
Avec Jurassic World Renaissance, Universal promettait un retour aux sources : une aventure sur une île hostile où la nature a repris ses droits. Mais si le film, réalisé par Gareth Edwards (Monsters, Rogue One), impressionne par sa maîtrise visuelle, il patine sévèrement dans la semoule côté écriture et ambition.
Des dinosaures qui claquent, une réalisation qui assure
Difficile de ne pas être bluffé par l’aspect visuel de Jurassic World Renaissance. Gareth Edwards, fidèle à sa réputation, livre des plans léchés et une mise en scène immersive qui sublime l’hostilité de cette nouvelle île.
Les dinosaures, notamment le terrifiant D-Rex, hybride génétique au design évoquant presque le xénomorphe d’Alien 4, marquent les esprits. Ce monstre, qui est en fait le résultat d’une expérience ratée, risque de diviser.
Mais on salue l’audace d’avoir imaginé une bestiole inédite, à la fois répugnante et effrayante, qui incarne parfaitement l’idée d’expérimentations génétiques qui tournent mal – un concept fort qui rappelle d’ailleurs les thématiques sombres des romans originaux de Michael Crichton.
Les séquences d’action, bien rythmées, tiennent en haleine, et le retour à une île sauvage, loin des parcs aseptisés des précédents opus, est une vraie réussite.
Un scénario qui sent la naphtaline
Malheureusement, le spectacle visuel ne compense pas un scénario écrit à la va-vite. Les grosses ficelles narratives et les raccourcis scénaristiques rappellent les blockbusters des années 90 ou les vieilles productions Bruckheimer… sans toutefois avoir le charme kitsch qui les rend attachantes.
Les personnages, caricaturaux à souhait, semblent tout droit sortis d’un moule éculé : le méchant, incarné par Rupert Friend, une sorte de sosie corporate de Christian Troy (Nip/Tuck) est écrit avec tant de lourdeur et de clichés qu’on croirait un antagoniste de série B des années 90 façon Carnosaur.
Les dialogues, surtout lorsqu’ils sont censés justifier les actions des personnages, sonnent souvent faux, à l’image d’une conversation écrite avec la finesse d’un pachyderme au cours de laquelle le capitaine du bateau (Mahershala Ali) et la mercenaire incarnée par Scarlett Johansson, évoquent leurs passés tragiques respectifs en deux lignes pour justifier l’action héroïque qu’ils réaliseront 5 minutes plus tard. Scarlett, d’ailleurs, peine à convaincre en mercenaire aguerrie qui en a vu de toutes les couleurs, et on aurait aimé une actrice plus brute de décoffrage pour ce rôle.
Au fil des pérégrinations de nos protagonistes sur l’île aux dinosaures mutants, les incohérences s’accumulent, parfois au point de frôler le ridicule.
Pourquoi une gamine phobique des dinosaures décide-t-elle d’adopter un bébé tricératops qu’elle trimballera ensuite durant tout le film ? Difficile de ne pas y voir une manoeuvre marketing pour vendre des peluches dans les parcs Universal.
Et que dire de la destruction des labos, déclenchée par… un emballage de Snickers coincé dans une porte, provoquant un bug du système de sécurité ? Une idée si absurde et débile qu’elle semble tout droit sortie d’un mauvais épisode de MacGyver, d’autant que le drame intervient dans un laboratoire supposément hautement securisé.
Un film schizophrène entre horreur et aventure familiale
Jurassic World Renaissance souffre d’un problème d’identité. D’un côté, les mercenaires menés par Scarlett Johansson affrontent des créatures cauchemardesques dans des séquences quasi horrifiques ; de l’autre, une famille naufragée vit une aventure à la Voyage au centre de la Terre 2 : L’île Mystérieuse, avec des moments “mignons” taillés pour plaire aux plus jeunes.
Un grand écart entre frissons (relativement soft) et bons sentiments qui donne l’impression d’être face à un long-métrage qui ne sait pas vraiment à qui s’adresser.
On devine dans ce mocktail la patte d’Universal, qui semble avoir poussé Edwards à appliquer la recette Disney/Marvel : un mélange de nostalgie référentielle, d’humour léger et de grand spectacle, qui gâche le train fantôme au pays des dinos monstrueux qu’on aurait pu espérer.
Au rayon des easter eggs, les clins d’œil au film de 1993, un poil trop nombreux, manquent terriblement de finesse et tiennent davantage du fan-service paresseux que de l’hommage habile et rusé.
Un premier volet qui manque de vision à long terme
Pensé comme le coup d’envoi d’une nouvelle trilogie, Jurassic World Renaissance a paradoxalement l’avantage de se suffire à lui-même.
L’histoire se boucle sans cliffhanger forcé, ce qui est appréciable, mais laisse planer un doute : Universal a-t-il vraiment un plan pour la suite ?
À l’heure où les franchises s’étendent à l’infini, ce manque d’ambition narrative pour poser les bases d’une trilogie cohérente à de quoi dérouter, et le film aurait gagné à explorer davantage le contexte mondial des dinosaures mourants ou les implications des manipulations génétiques, plutôt que de se contenter d’un énième survival sur une île qui ne donne guère le sentiment que le scénario d’une éventuelle suite à déjà été ne serait-ce qu’envisagé par la prod.
Un rollercoaster divertissant, mais…
Au final, Jurassic World Renaissance est un divertissement estival efficace, qui plaira à ceux qui cherchent du grand spectacle et des frissons sans avoir trop besoin de gamberger.
Les fans de dinosaures et les amateurs de nostalgie facile y trouveront leur compte, mais les amateurs de la saga originelle risquent de faire la grimace.
Trop formaté, trop aseptisé, ce septième opus manque de l’audace nécessaire pour redonner un souffle nouveau à la franchise.
Pour vraiment exploiter l’univers Jurassic Park / World, il serait peut-être temps d’oser des spin-offs : un film sombre et horrifique d’un côté, une aventure familiale de l’autre, plutôt que de tenter de satisfaire tout le monde dans un même blockbuster bancal.
En attendant, Renaissance reste un tour de manège sympathique, mais qui ne restera certainement pas dans les annales. Vite vu, vite oublié.