Harold et Kumar s'évadent de Guantanamo Bay
Le 25/06/2008 à 07:12Par Arnaud Mangin
Harold et Kumar 2 commence exactement là où le premier opus s'était arrêté. Scénaristiquement dans la piaule de deux colocs, cradingue et vicelard pour l'un, consciencieux et amoureux pour l'autre. Idéologiquement dans la recherche identitaire de deux losers en pleine quête de leurs plaisirs égoïstes, qui feront un extravagant tour d'horizon de l'Amérique des préjugés. Un portrait d'un cynisme tout simplement énorme (rire ouvertement des comportements post 11 septembre en 2008, c'était osé) et donc nécessaire pour le premier public visé. Un film néanmoins un peu trop handicapé par la pauvreté formelle de son esprit Beavis et Butt-Head, pas plus exploité que ça, pour ne rester qu'un road-movie délirant de plus... En attendant Harold et Kumar se shootent au guronsan.
Le monde d'Harold et Kumar, déjà dans le premier opus, est une sorte de réceptacle un peu fourre-tout dans lequel on aurait déversé tout ce que la société américaine aurait de diversifiée, mais surtout d'antinomique dans l'esprit de ses propres contemporains. La différence est une richesse... de regards en chiens de faïence ! Ce second film prend en tout cas l'aspect d'une visite de musée, où l'on a droit, tour à tour, aux différentes catégories d'ethnies caricaturées jusqu'à l'extrême. Comme un univers où les héros des blagues les plus lourdes (et parfois les efficaces) prendraient vie, confrontés les uns aux autres. Rien de tel, en tout cas, qu'un coréen et un indien pris en chasse par le FBI pour prendre le pouls des us et coutumes du nouveau continent après la plus grosse des méprises. Alors qu'on les a confondu avec des terroristes prêts à faire sauter un avion, les deux compères sont envoyés illico presto dans l'infernale prison de Guantanamo Bay. Clamant vainement leur innocence et alors qu'ils sont sur le point de manger - de force - un sandwich de bites organisé par les matons, ils se retrouvent embarqués dans une évasion.
Les voilà donc victimes, spectateurs et mêmes acteurs des préjugés en tous genres, étalés plus ou moins grassement avec un succès malléable. Tout ou presque passe à la moulinette : l'Amérique vue par les terroristes, les terroristes vus par l'Amérique, les noirs traînant dans les rues, les prostituées dénuées du moindre sentiment amoureux, les stars basculant dans l'excès (qui signe le retour tant attendu de Neil Patrick Harris, déchaîné jusqu'à sa dernière seconde à l'écran), le KKK, les rednecks sudistes consanguins, les immigrés chinois depuis quarante ans qui ne parlent toujours pas un mot d'anglais, les libertins, les juifs qui vendent leurs amis pour 7 dollars, ou même le président en personne, finalement plus cool qu'on veut bien le penser... Une fascinante toile de fond dopée à l'autodérision comme on en a encore trop rarement l'occasion d'en voir, qui délivre par moment des séquences assez énormes, mais qui ne reste malheureusement qu'une toile de fond.
Parce que le bémol dans tout cela, c'est que le film reste assez inégal et semble compenser ses baisses de régime par un humour autrement plus indigeste. Comme si caser des prouts et autres astuces scato façon Wayans Brothers rendait le pamphlet plus abordable. C'est un peu l'inconvénient du fourre-tout... le fait de pouvoir y fourrer tout et n'importe quoi. On reprochera peut-être à cet Harold et Kumar s'évadent de Guantanamo Bay de se faire côtoyer des moments aussi géniaux que médiocres et se laisser aller à une certaine facilité dans son humour comme dans sa construction narrative. Les intentions sont là...