Hors du temps
Le 30/10/2009 à 09:56Par Michèle Bori
A mi-chemin entre Ghost et N'oublie jamais, Hors du temps se pose comme un drame romantique teinté de fantastique, qui a hélas un peu trop l'arrière train entre les deux genres qu'il aborde. En effet, si d'un côté la romance fait mouche, grâce à deux comédiens talentueux et investis, on ne pourra que regretter que tout l'aspect "surnaturel" soit à ce point indigeste, rendant toute la première moitié du film assez déplaisante à suivre. Hors du temps ne dévoile que trop tardivement ses enjeux et souffre d'un problème de "point de vue" (de qui raconte-on l'histoire ? du "voyageur dans le temps" ou de sa femme ?) qui le rend extrêmement bancal. Dommage, car sans ces défauts, le film de Robert Schwentke aurait pu se consommer comme un bon petit "Benjamin Button-like".
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Dès ses premières minutes, Hors du temps décontenance. Un enfant se trouve dans une voiture avec sa mère. L'enfant a un problème. La mère s'arrête au milieu de la route. L'enfant disparaît. Il est projeté dans un endroit totalement différent. Il re-disparaît. Il revient à côté de la voiture de sa mère. Un homme vient le voir. Il prétend être son "lui" du futur et lui explique qu'à cause d'une maladie, il sera contraint toute sa vie de "voyager dans le temps" de la sorte. Puis, l'homme disparaît à son tour... en guise d'introduction, on a vu plus clair. Chouette, les intrigues mystérieuses, on aime ça. Hélas, les minutes qui suivent ne viennent pas nous sortir du brouillard. L'homme en question (Eric Bana) est en effet affecté d'une condition particulière : il est atteint de "crises" qui le projettent dans le futur, ou le passé. On ne sait pas (encore) pourquoi, on ne sait pas comment. Inutile de préciser que ce handicap fait de sa vie un enfer, pour lui et pour sa compagne (Rachel McAdams), une femme amoureuse depuis que, petite, elle l'a vu débarquer nu et adulte à côté de chez elle (véridique !). Bref une histoire d'amour pas impossible, mais presque, entre un homme au destin hors du commun et une femme simple qui aimerait que sa vie le soit un peu plus (simple, donc). Une bien belle idée qui rappelle vaguement N'oublie jamais de Nick Cassavetes, et qui grâce à son concept puissant aurait pu donner naissance à une histoire d'amour éternelle et merveilleuse dans la droite lignée du Benjamin Button de David Fincher.
Hélas, si l'on n'aura pas grand-chose à reprocher à love-story gentiment guimauve du film (après tout, c'est quand même le scénariste de Ghost qui tient la plume), ni à l'interprétation des comédiens (Rachel McAdams y est surprenante, Bana un peu plus effacé ... mais en même temps, c'est son rôle), ni à la jolie mise en scène de Robert Schwentke (Flightplan), on se montrera un poil plus circonspect face à la gestion de la portée fantastique de l'histoire. Jamais vraiment exploitée, cette dernière sonne faux pendant plus de la moitié du film et ne fait qu'embrumer l'esprit du spectateur, rendant l'ensemble irrémédiablement bancal. Un exemple parmi d'autres : Bana peut voyager dans le temps, mais il ne peut pas en profiter pour changer les choses (il le dit à un moment, mais ce n'est jamais montré ... bien pratique comme raccourci). Alors, force est de constater que tout l'aspect potentiellement ludique de ce "pouvoir" tombe à l'eau, puisqu'il ne sera jamais pleinement exploité. Deuxième problème, on ne saura jamais vraiment qui est le personnage central de cette histoire. Le voyageur dans le temps, effacé et subissant la fatalité ? Ou sa femme, décidant de renoncer à une existence normale pour vivre pleinement une folle histoire d'amour avec son cher et tendre ? Le titre VO du film étant The Time Traveler's Wife, on opterait plutôt pour le second choix... hélas, ce n'est pas le cas du film, qui passe à côté d'un dilemme profondément pertinent. Bref, en oubliant d'aborder l'essentiel, Hors du temps s'enfonce peu à peu dans la monotonie pour ne décoller finalement que dans sa dernière demi-heure, plus inspirée et envoûtante que le reste du métrage. Au final, on retiendra quelques jolies images, une bande son ennivrante et des personnages au fort potentiel mais jamais mis en valeur par un scénario inabouti et confus.