Jeux de dupes
Le 14/04/2008 à 15:04Par Michèle Bori
A tous ceux qui craignaient que George Clooney ne se soit fait bouffer par le système, rassurez-vous : il a peut-être mis un peu d'eau dans son vin, mais son dernier film reste tout de même cent fois plus corrosif que la moyenne. Jeux de dupes fera certainement beaucoup moins de bruit que les deux précédents films de Clooney en tant que réalisateur, mais touchera sans doute un public plus large, qui sera à coup sûr séduit par l'universalité de l'histoire et la pertinence du propos.
Quelle étrange histoire que celle de Jeux de dupes ! Traînant dans les tiroirs du studio Universal depuis 1993, le film devait à la base être réalisé pour la major par Steven Soderbergh - juste après le flop de Schizopolis - et produit par Joel Silver, avant que ce dernier ne quitte le navire et ne monte sa propre société, que le metteur en scène ne fasse Hors d'Atteinte et que le projet ne soit oublié de tous. De tous ? Pas vraiment, puisque après être passé entre de nombreuses mains, ce scénario signé Rick Reilly et Duncan Brantley trouve finalement celles de Georges Clooney, qui finit par mettre sur pied le projet. Et avec Jeux de dupes, son nouveau film derrière la caméra après Good Night and Good Luck, l'acteur / réalisateur a enfin pu s'attaquer (à son tour) à la comédie loufoque "à la Frank Capra" qu'il admire tant.
Un film aux forts relents nostalgiques donc, qui doit certainement beaucoup à l'expérience de son metteur en scène sur Intolérable Cruauté des frères Coen (qui avaient déjà mis sur pied une comédie rétro avec Le Grand Saut) et qui fait revivre l'espace de deux heures le charme des films de l'Entre-deux-guerres.
C'est donc non sans un certain plaisir qu'on se laisse prendre par cette petite histoire pas inintéressante nous racontant les débuts du Football Américain professionnel, et par la même occasion, le début des dérives du sport de haut niveau. Un film politique ? On n'en attendait pas moins de la part du réalisateur de Confessions d'un homme dangereux, qui comme à son habitude signe un film engagé et qui plus est dans le même esprit que les classiques dont il s'inspire. Comme on le sait, à l'époque ou le cinéma indépendant n'existait pas encore, les « auteurs » de l'époque (Sturges, Wilder, Hawks et d'autres) redoublaient d'imagination pour faire passer leurs idées dans des produits calibrés de studios. Clooney en fait de même, puisque malgré ses allures de comédie inoffensive, Jeux de Dupes n'oublie pas de faire réfléchir son spectateur sur les dangers d'un monde dominé par la publicité. Et même si l'on peut reprocher au film de tomber quelque fois dans certaines facilités rétro (la tendance « c'était mieux avant » comme dirait la marionnette de Cabrel), on pardonne vite la chose, tant le film demeure plaisant, bien écrit (les dialogues valent à eux seuls de déplacement), et surtout très bien joué. Pour preuve, Renée Zellwegger n'est pas insupportable, c'est dire !