Là-Haut
Le 13/05/2009 à 14:04Par Kevin Prin
Un an après Wall-E et sa première heure à 99% muette, Pixar confirme avec Là-Haut sa recherche de mise en danger, son exploration de nouveaux thèmes et aussi d'ingrédients narratifs. En racontant l'histoire d'un vieil homme, le film touche les thèmes du temps qui passe, de la frustration et bien entendu de la mort, avec une maturité exemplaire.
Mais Là-Haut reste avant tout un film d'aventure pour les petits et les grands, bourré d'humour (ravageur), de personnages excellents et même de scènes d'action d'une efficacité dévastatrices. Au stade où en est arrivé le studio, on ne pouvait pas s'attendre à moins. Mais Pixar maîtrise définitivement l'art de faire rire et pleurer dans un même film, livrant même au passage un premier quart d'heure tout simplement anthologique. Ils sont rares les films qu'on a envie de revoir à peine sorti de la salle...
A propos de la version 3D : Premier film du studio utilisant cette technologie, la réussite est, on s'y attendait, impeccable. La 3D est constamment utilisée avec intelligence dans la mise en scène, et s'y fond à la perfection, à mille lieux de la frime d'une attraction de fête foraine.
Pixar n'a plus ses preuves à faire : au rythme d'un film par an, le studio de John Lasseter prouve à chaque fois une inventivité à toute épreuve et surtout un sens du cinéma le plaçant largement au dessus de la concurrence. Un film Pixar, ce n'est pas que des gags ou un simple divertissement réalisé à la va-vite : c'est avant tout un vrai film, avec une vraie histoire, un scénario qui visiblement a été travaillé pendant des années, et une vraie direction artistique. L'animation sert les différents réalisateurs du studio à donner vie à des univers mais n'est pas réduite à un gadget. Avec Wall-E un an plus tôt, Pixar a commencé à explorer des thèmes plus adultes, encore plus passionnants sans se mettre les plus jeunes à dos, qui n'y éprouveront là que de la fascination. Là-Haut confirme cette tendance, puisque cette fois-ci le thème de la mort, ou plus exactement de « la fin de la vie », apparaît pour la première fois concrètement dans le scénario. Un petit détail frappe également : l'apparition, très fugace, de sang, à l'occasion d'une petite blessure causée par le héros à un autre personnage. Une première là encore ! Même si Pixar n'a plus rien à prouver, le studio continue donc à oser, à se mettre en danger, à explorer des thèmes ou des petits ingrédients de ce genre que le studio n'avait jamais abordé auparavant. Et comme toujours, en avançant prudemment mais sûrement, le résultat fait mouche et transcende l'écran. On appelle ça la maturité.
Il est difficile de rentrer dans les détails à propos de Là-Haut : comme à son habitude, le studio nous a donné envie à travers des bandes-annonces généreuses mais qui pourtant ne révèlent que 5 ou 6% de ce que contient le film. Nous éviterons ici de gâcher le plaisir de la découverte.
Là-Haut réussit donc son pari : proposer un film d'aventure (et d'action) avec un héros à la retraite. Ce héros, c'est Carl Frederickson, vieil homme de 73 ans qui a vécu une vie pleine de rêves d'aventures avec Ellie, sa chère et tendre, mais qui fut rattrapé par tous les impératifs du quotidien et ne put jamais les concrétiser. A la disparition de sa femme, Carl devient l'un de ces retraités apparemment grognons, attaché à ses souvenirs remplissant sa maison. Un peu désespéré, poussé dans ses retranchements (sa maison va être saisie), il se rattache donc à cette petite étincelle qui a rythmé sa vie : le goût pour l'aventure. Il fera donc décoller sa maison avec des ballons, pour atteindre l'Amérique du Sud, l'endroit où il rêvait d'aller depuis tout petit, non sans embarquer par mégarde un jeune scout...
A partir de là, l'aventure commence avec un grand A : territoire inexploré, faune sauvage, chiens qui parlent grâce à des colliers technologiquement avancés, et surtout l'enjeu pour Carl d'enfin remplir sa vie de ce qu'il a toujours désiré (l'aventure, tout simplement). Le concept est simple mais entre les mains de Pixar et du réalisateur de Monstres & Cie, il trouve toute sa saveur. Là-Haut n'hésite pas à prendre son temps lorsque c'est nécessaire (pour certains gags), à enchaîner les scènes d'action, à mélanger les rires et les larmes, à nous proposer un voyage dépaysant... Il y a-t-il quelque chose de révolutionnaire dans le fond ? Non. Mais on ressort de la salle avec cette très rare sensation d'avoir vu quelque chose que nous n'avions jamais vu avant. Pixar vient de prouver qu'en enchaînant de bonnes idées à chaque plan, et ce sans se reposer pendant 1h44, on peut insuffler un vent de fraîcheur à un genre tout entier.