La Ronde de Nuit
Le 14/10/2007 à 08:04Par Yann Rutledge
Notre avis
Après Vermeer dans La Jeune Fille à la Perle, c'est le tour d'un autre peintre hollandais, Rembrandt, d'avoir les faveurs d'être osculté par le cinéma. Mais à l'inverse de La Jeune fille à la perle où le réalisateur Peter Webber développait une histoire très romancée pour expliquer comment l'inspiration venait à Vermeer, Peter Greeneway a une approche qui s'apparente à celle d'un historien de l'art. Analyser méticuleusement une oeuvre, et pas des moindres (puisqu'il jette son dévolu sur La Ronde de nuit), y faire ressortir les multiples mystères et tenter d'y répondre avec l'oeil d'un historien et non d'un conteur d'histoire. Le réalisateur du Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant propose alors comme théorie, discutable mais parfaitement argmentée (comme le démontreront les suppléments), que Rembrandt accuse au sein même de sa toile les commanditaires d'un meurtre officiellement considéré comme un accident.
Alliée à son habituelle maniquerie formelle, cette théorie aurait pu être jubilatoire intellectuellement (le cinéaste nous expliquant de quelle façon le peintre met au grand jour et sur un tableau de 3 mètres sur 4 ce meurtre), mais le film se perd en très longs dialogues et sa mise en scène tient davantage du théâtre que de la peinture. Les compositions du cadre rappellent certes parfois la peinture hollandaise lors des séquences où interviennent une dizaine-quinzaine de personnages (nécessitant que leur position soit précisèment établie au sein du cadre) et le jeu sur le clair-obscur (bon dieu, quelle incroyable photographie !), mais dans l'ensemble Greenaway se laisse aller à la simplicité en filmant ses personnages en large comme si ceux-ci se mouvaient au milieu d'un décor sur une scène de théâtre.
Etrangement, on se prend à regretter que Greenaway ne nous ait pas livré une oeuvre plus radicale esthétiquement et surtout narrativement. Parce qu'il cherche à offrir un film compréhensible pour tous, même pour ceux qui se contrefichent royalement de la peinture, sans renier ses désirs d'esthète, le cinéaste échoue gentiment (ce n'est pas non plus une catastrophe) sur les deux tableaux.