Le Moine
Le 03/06/2011 à 16:38Par Aurélie Vautrin
En seulement deux films, Dominik Moll est passé maître dans l'art de distiller une ambiance aussi malsaine que pesante en deux répliques bien senties et une musique glaciale toujours bien choisie. Mais si Harry, un ami qui vous veut du bien l'avait installé sur un piédestal, son (quelque peu) soporifique Lemming avait eu du mal à convaincre son public. Aujourd'hui, six ans plus tard, il nous refait le coup du quotidien vitriolé rongé par les non-dits avec Le Moine, l'adaptation d'un classique de la littérature gothique jugé blasphématoire à son époque. Le décor change (le soleil de Madrid), mais la noirceur reste : le style est affuté, le rythme lent, l’ambiance pesante. Une histoire d'homme, de Dieu et de Diable, de voies du Seigneur impénétrables et de tentations diaboliques, portée par un Vincent Cassel aussi convaincant dans la retenue que dans l'explosion de la dépravation... Mais plombé par des effets visuels pompeux et quelques faiblesses dans le scénario – notamment un twist final très attendu, qui ont de quoi décontenancer le spectateur à la recherche d'illumination divine. Découvrez ci-dessous notre critique du film Le Moine.
Si Xavier Beauvois s'intéressait à Des Hommes et des Dieux, aujourd'hui Dominik Moll nous conte plutôt Des hommes et des Diables... Publié en 1796, le livre défendu de Matthew Gregory Lewis avait littéralement fait scandale à son époque, marquant son auteur au fer rouge et le forçant à se tourner par la suite vers l'écriture de pièces de théâtre. Roman sulfureux s'il en est, considéré désormais comme un classique de la littérature gothique, le livre devenu aujourd'hui un film nous plonge dans les tréfonds d'un couvent espagnol, à la suite d'un Moine revendiquant la foi dans tout ce qu'elle a de plus extrême. Tout plaisir y est interdit, tout désirs brimés, les corps sont maltraités, et le moindre écart puni de mort sans autre forme de discussion. Et dans un quotidien bouffé par la frustration, les silences, les envies et les besoins refoulés, on assiste à la crise de foi d'un prédicateur en mal d'amour charnel – un revirement psychologique irrationnel dû à l'arrivée d'un novice masqué, et au rêve incessant d'une femme tout de rouge voilée. La grande force de ce Moine, ce sont d'ailleurs ces acteurs. Déborah François et Joséphine Japy, tentatrice sensuelle pour l'une, tentation sans borne pour l'autre, qui font tourner la tête d'un moine qui ne sait alors plus à quel saint se vouer. Le noir face au blanc, la sensualité face à la pureté – tout, dans le film de Dominik Moll, est manichéen. Le bien, le mal, le Dieu, le Diable.
Très rapidement alors, le cinéaste installe son décor, et distille son atmosphère noire charbon - comme un poison se diffuse dans les veines. Sournoisement. Insidieusement. La prolifération du Mal avec un grand « M » se cache alors dans chaque être, chaque fleur, chaque recoin et chaque gargouille du toit du couvent... La musique, à la fois perfide et puissante, se faufile dans nos têtes, et contribue au mal-être ambiant propre au cinéaste. Et Vincent Cassel, tout bonnement prodigieux, sait garder le ton juste malgré le changement radical de son personnage. Tantôt dans la retenue, l'extrême froideur, la culpabilité et les paroles divines, tantôt hanté par le désir, la folie, dans le regard, le corps... Malheureusement, malgré tous ses atouts, le Moine de Dominik Moll ne sait pas toujours trouver la forme pour prêcher la bonne parole. Cruellement long, se perdant parfois dans des digressions pas forcément nécessaires à l'histoire, l'ensemble manque de chair, de rythme et de réel profondeur... D'autant que le réalisateur tente des effets visuels et de mise en scène pas toujours très heureux, qui propulsent finalement son film dans un passé déjà révolu. Le Moine n'arrive alors pas à sortir de son carcan de thriller mystique et prosélytique, jusqu'à un twist final et une morale peu convaincante qui nous empêchent littéralement de nous convertir.