Les Soeurs de Gion
Le 07/10/2007 à 11:02Par Yann Rutledge
Notre avis
Deuxième collaboration entre Kenji Mizoguchi et son scénariste Yoshikata Yoda après L'élégie de Naniwa, Les Soeurs de Gion est une nouvelle fois un portrait terrifiant des femmes nippones des années 30. Cette fois-ci, les deux associés adaptent The Pit, un roman de Aleksandr Kuprin jugé scandaleux car trop naturaliste lors de sa sortie en 1915, et s'intéresse au quartier de Gion, à ses geishas et plus précisément à deux soeurs nommées Umekichi et Omocha.
Deux soeurs que tout oppose, la première ayant une éducation traditionnelle et acceptant sa soumission au désir masculin, la seconde réfutant sa condition. Quand un ancien client proche d'Umekichi emménage chez elles suite à la faillite de son magasin, Omocha imagine un plan et met à profit sa théorie sur les hommes...
Pour incarner cette femme révoltée par sa condition, Mizoguchi jette une nouvelle fois son dévolu sur Isuzu Yamada, déjà sublimée par le cinéaste dans L'élégie de Naniwa. L'amour s'achète et elle le sait. Jamais elle ne baissera les yeux devant ces hommes qui tentent de lui voler son cœur, déterminée qu'elle est à décider de son propre destin. Décidant de ne plus être un objet voué au bon vouloir masculin (que Omocha signifie jouet en japonais n'est certainement pas anodin), Omocha manipulera ses prétendants pour arriver à ses fins jusqu'à l'instant inéluctable où elle se fera dépasser par les événements. A l'instar de L'élégie de Naniwa, Les Soeurs de Gion se termine sur une note d'une rare noirceur, la jeune femme se résignant avec colère : les femmes étaient, sont et seront toujours exploitées par les hommes, et elles ne s'en tireront pas mieux en les utilisant qu'en étant douces avec eux. Les deux films se terminent d'ailleurs sur un mouvement de caméra similaire, un travelling pour terminer sur un gros plan du visage de Isuzu Yamada, fort de sens, mettant le public et la société japonaise dans son ensemble face à ses responsabilités.