Les Visiteurs
Le 08/10/2007 à 08:01Par Sabrina Piazzi
Après les échecs commerciaux de deux films personnels et ambitieux, America, America (1963) et L'Arrangement (1969), Elia Kazan ne parvient pas à imposer son nouveau projet auprès des majors. Les Visiteurs, écrit par son fils Chris, a donc été tourné par le cinéaste dans sa propre maison du Connecticut à l'aide de quatre techniciens, un budget de 100 000$ et en Super 16mm. Parmi les cinq acteurs du film, un jeune comédien de 25 ans crève l'écran, James Woods. A plus de 60 ans, Elia Kazan réalise un film d'une jeunesse exceptionnelle avec une caméra portée, des scènes d'intérieur à peine éclairées, une atmosphère clinique, et surtout un art magistral du découpage qui prend le spectateur aux tripes jusqu'à l'explosion de violence finale. Les Visiteurs demeure un des premiers films à évoquer le traumatisme post-Vietnam, d'où son rejet par les studios. Il est également fort à parier que Michael Haneke se soit fortement inspiré du film d'Elia Kazan pour Funny Games avec ce crescendo trouble et ambigu qui ne peut se conclure que par un débordement d'agression physique, tout comme le film rappelle énormément La Maison des otages de William Wyler et son remake réalisé par Michael Cimino en 1991. Enfin, le cinéaste exploite une fois de plus le thème de la délation, leitmotiv de son oeuvre. Empli d'une fureur de vivre contenue où chaque geste et chaque regard met mal à l'aise le spectateur, cet étonnant drame psychologique signé Elia Kazan est de ceux qu'on n'oublie pas.