Lucky You

Avec Lucky You, sorti discrètement dans les salles françaises en mai dernier, le réalisateur de L.A. Confidential s'intéresse de très près au monde très cloisonné du poker, ses enjeux faramineux et ses stratégies alambiquées. L'intrigue, située comme il se doit à Las Vegas, met en vedette un jeune joueur solitaire, Huck (Eric Bana), que sa quête de réussite et surtout de reconnaissance poussera à jouer sa chemise afin de mériter sa place au sein du tournoi le plus prestigieux de la discipline. Dans ce contexte de compétition acharnée où la moindre émotion peut être fatale, la tâche de Huck est rendue encore plus difficile par la présence autour de la table de son propre père (Robert Duvall), le champion émérite qui lui a tout appris et avec lequel il entretient depuis l'enfance une relation très conflictuelle. Seule Billie (Drew Barrymore) semble offrir à Huck les repères dont il manque pour construire sa vie en dehors des parties qu'il joue à longueur de journée. La réussite de 8 Mile, film lui aussi ancré dans un lieu et une culture très spécifiques, laissait à penser que Lucky You avait le potentiel de devenir le film référence attendu sur le poker, espoir renforcé par la présence d'un casting principal très accueillant. Malheureusement, il n'en est rien.

Tout à sa volonté de décrire le plus méticuleusement possible l'univers du poker, circonscrit entre les murs d'un casino luxueux à l'intérieur duquel Huck erre en permanence, Curtis Hanson peine dès le début à rendre son film captivant. Les parties, pour réalistes qu'elles soient, manquent cruellement d'intensité dramatique, défaut que ne viennent jamais compenser les scènes centrées sur les trois personnages principaux, Huck, Laz et Billie. Non seulement on ne ressent jamais réellement la tension extrême que vivent les joueurs, mais les enjeux personnels avec lesquels se débat Huck n'éveillent l'intérêt que lors de rares moments - les quelques confrontations avec le père, notamment. Les comédiens font pourtant de leur mieux, en particulier Eric Bana et Robert Duvall, irréprochables, sans qui le film ne décollerait à aucun moment. Car la bluette cliché que vit Huck avec le personnage purement fonctionnel de Billie n'a guère de chance de rattraper la mise de l'autre côté. On attendait mieux.