Matrix 4 Resurrections : critique d’un blockbuster d’auteur 2.0
Le 21/12/2021 à 17:56Par Pierre Champleboux
Plus méta que jamais, le film de Lana Wachowski préfère faire gamberger ses spectateurs plutôt que de leur offrir une avalanche de séquences d’actions et de clins d’œil faciles. Un parti pris qui divisera, mais qui donne naissance à un blockbuster hybride, conscient de son statut mais rebelle, tantôt maîtrisé, tantôt maladroit, mais indéniablement marqué par les obsessions de sa réalisatrice. Plus proche de Cloud Atlas que de la trilogie originelle, Matrix 4 est une bien belle anomalie dans la matrice hollywoodienne.
Près de 20 ans après avoir conclu la trilogie Matrix, Lana Wachowski replonge dans l’univers qu’elle a créé avec sa sœur en 1999. Mais que lui reste-t-il à raconter sur cet univers et ses héros ?
Dans Matrix Resurrections, Thomas Anderson (Keanu Reeves) est un concepteur de jeux vidéo mal dans sa peau qui gobe quotidiennement des pilules bleues prescrites par son psy pour calmer ses angoisses et éviter de sombrer dans la folie.
Perturbé par toutes sortes de visions, Thomas fini par accepter la pilule rouge que lui propose un inconnu et découvre que le monde n’est pas tel qu’il le croyait. À partir de ce moment, celui qu’on appelle également Neo se lance à la recherche de son amour perdu : Trinity (Carrie-Anne Moss).
Une chose est certaine : ce vrai-faux-reboot de Matrix risque d’en décontenancer plus d’un(e). Dès les premières minutes, on découvre que le Matrix que nous avons découvert en 1999 au cinéma existe dans l’univers de ce nouveau Neo (sous forme de jeu vidéo), de même que la Warner Bros. qui, dans Matrix Resurrections, commande justement une suite à la franchise à succès.
Nous découvrons donc un univers hautement méta, qui permet à la réalisatrice d’ironiser régulièrement sur le statut de suite tardive de ce long-métrage et de montrer qu’elle a conscience de l’influence qu’ont eu ses précédents films sur le monde réel et la pop culture en général.
Désormais, les méchants ont changé de visage et le système dans lequel étaient prisonniers les êtres humains il y a 20 ans est maintenant celui des réseaux sociaux et du consumérisme.
Beaucoup moins généreux en séquences spectaculaires que ses prédécesseurs, Matrix 4 offre quand même quelque belles fulgurances, notamment lors d’une séquence qui sonne comme un hommage à Dernier Train pour Busan, quand Thomas Anderson redevient enfin Neo et use de ses pouvoirs, ou encore lorsque l’agent Smith 2.0 est prêt à en découdre.
Toutefois, il est possible que certains fans se sentent perdus. La matrice n’est plus celle qu’on connaissait, dans le monde réel comme dans la simulation, et bon nombre des personnages emblématiques de la trilogie originelle ont disparu, remplacés par de nouveaux venus auxquels on peine à s’attacher.
Par ailleurs, les nombreuses digressions philosophiques et le fait que le film décide une nouvelle fois de mettre l’amour au centre de tout, comme pour appuyer une volonté de dire au public que dans le monde superficiel qui est le nôtre c’est à cela qu’il faut croire plus qu’en toute autre chose, risque de perdre en chemin celles et ceux qui attendaient de l’action et un développement sur la nature réelle de la Matrice.
Mais c’est aussi ce qui fait la beauté de Matrix Resurrections : l’envie assumée de Lana Wachowski de ne pas signer un reboot facile et d’offrir une sorte de mise en abîme sur l’univers qu’elle a co-créé deux décennies plus tôt, tout en y exprimant sans retenue sa vision critique du monde d’aujourd’hui.
Si Matrix Resurrections ne réconciliera pas avec la franchise ceux qui ont été déçus par Reloaded et Revolutions, il a le mérite d’offrir quelque-chose de déroutant, qui remet son propre univers en question sans pour autant le renier.
Certainement pas la suite dont on rêvait, mais un film au culot monstre qui compense ses maladresses par son identité de vilain petit canard qui n’a pas honte d’être tel qu’il est.
Keanu Reeves : ce que lui disent ses fans