Never Back Down
Le 15/04/2008 à 11:39Par Michèle Bori
Il était une fois, au début des années 90, dans un lointain pays de l'autre côté de la Méditerranée, l'histoire d'un petit garçon. Ses parents, deux expatriés dont les revenus permettaient largement de subvenir aux besoins de toute la famille, ne l'avaient jamais privé de rien. Il avait beaucoup d'amis, avec lesquels il partageait les mêmes goûts pour les mangas, les jeux vidéo, ainsi que pour d'antiques groupes de musique disparus depuis, tels que Kriss Kross, MN8 ou East 17. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, ce petit garçon d'à peine 10 ans qui ne manquait de rien ne vivait que pour une seule chose : la sortie du vendredi soir, où ses parents l'emmenaient au Vidéo Club le plus proche pour louer une pile de cassettes vidéos VHS piratées qu'ils allaient prendre plaisir à regarder pendant toute une semaine.
C'est dans ce vidéo club que le petit garçon connut ses premiers émois cinématographiques, avec dans un premier temps bien sûr, les grands classiques de Disney, ou les films pour enfants de l'époque où Emilio Estevez jouait les entraîneurs de Hockey, et Hulk Hogan les nounous de service. Mais très vite, une fois le rayon "jeunesse" épuisé, le petit garçon voulut en savoir plus et il demanda donc à ses parents de voir des films "pour les grands". De nature plutôt ouverte et surtout cinéphiles avertis, ses parents acceptèrent. Et c'est alors que la vie commença pour le petit garçon. Bien sûr, il avait déjà entre-aperçu quelques classiques : les Indiana Jones, les Star Wars, les vieux films d'aventures où les grosses bêtes imaginées par Ray Harryhausen terrorisaient de pauvres humains rescapés d'un crash en ballon... Mais le petit garçon le savait : il avait tout à découvrir, et par dessus tout, il voulait tout découvrir. Seul problème, dans ce lointain pays de l'autre côté de la Méditerranée, les loueurs de vidéo club n'avaient pas la même notion de ce qu'était un grand film, et la grande majorité des films qu'ils proposaient étaient généralement d'illustres séries B américaines des années 80. Qu'à cela ne tienne, le petit garçon découvrirait les classiques plus tard, en attendant, il allait éponger sa soif d'images en mouvement avec des comédies de Frank Oz avec Bill Murray, des films de monstres mutants avec Mark Hamill, des actionner crétins avec Louis Gossett Jr ou le grand Dolph, ou enfin quelques nanars abyssaux de l'époque comme celui où Sylvester Stalonne réglait ses problèmes avec sa maman ou encore celui où John Travolta devait s'occuper de bébés qui parlent.
Mais le genre que préférait le petit garçon, le rayon où il passait le plus temps, c'était celui des films d'art martiaux. Ces films torchés à l'arrache, sans scénario ni mise en scènes, qui se ressemblaient tous et qui faisaient les beaux jours de quelques studios ou éditeurs de direct-to-video. Mais ça, le petit garçon s'en moquait, et il lui arrivait même de demander à ses parents de louer deux semaines de suite le même film, juste pour pouvoir revoir à l'infini des scènes de combat qu'il s'amusait à recréer dans son jardin avec ses petits camarades de jeu (et oui, à l'époque, tout le monde ne pouvait pas copier des VHS, et en plus, il y avait un déroulant sur fond bleu qui interdisait de le faire sous peine de poursuites, donc pourquoi prendre le risque ?). Il s'en est donc farci le petit garçon des Bloodsport, des Best of the Best (le 1 et le 2 seulement, car "après quand il y a plus Eric Roberts c'est vraiment trop nul"), des Only the Strong, des Sidekicks, des films de Jackie Chan (à l'époque il mettait tout ça dans le même panier) et bien d'autres choses irregardables pour le commun des mortels. Il en a vu, des histoires de vengeance qui se terminaient dans d'improbables tournois underground où la crème des tatagneurs se mettait sur le pif pour savoir qui c'est qui cogne le plus fort. Il en a vu, des scènes de castagnes débiles entrecoupées d'histoires passe partout où le gentil tombait amoureux de la fille qui s'avérait être la sœur du méchant, qui était vraiment très méchant parce qu'en plus de vendre des armes et de la drogue à des mineurs, il avait tué le frère du héros quand il était jeune. Il en a vu le petit garçon des vieux maîtres sages, qui arrivaient en 3 minutes 35 secondes montre en main (le temps d'une chanson en fait) à faire d'un héros moyen qui a du bide, un foudre de guerre aux poings d'acier (et qui sait en plus que la colère est l'ennemi de la sagesse et que la haine n'engendre que la haine). Bref, avant de se la jouer en citant André Bazin, le petit garçon kiffait sa race devant des nanars, si bien décrit par Lipnick dans Barton Fink : « This is a wrestling picture ! The audience wants to see action, drama, wrestling, and plenty of it. They don't wanna see a guy wrestling with his soul - well, all right, a little bit, for the critics - but you make it the carrot that wags the dog".
15 ans plus tard, le petit garçon devenu grand a vu Never Back Down, et pendant les 1h50 que dure le film, il est redevenu l’enfant d’à peine 10 ans qui passait ses vendredi soir chez un loueur de cassettes vidéo. Et à la fin du film il l’avoue, il a failli chialer.