Oussama, où es-tu ?
Le 28/04/2008 à 12:58Par Michèle Bori
Comment un vieux monsieur barbu caché dans une grotte au fin fond des montagnes afghanes a pu pendant si longtemps échapper aux forces armées de la première puissance mondiale et à ses technologies de pointes ? Voilà bien une question que beaucoup doivent se poser. Et malheureusement pour les quelques crédules qui y croyaient, Ousamma, où es-tu ? , deuxième film du « réalisateur / acteur / investigateur un peu Jackass sur les bords » Morgan Spurlock, ne donne pas de réponse à ladite question. En revanche il nous offre à la place la possibilité de découvrir un point de vue différent sur la question du terrorisme et d'Al-Qaïda... Ce qui à notre sens est quand même nettement plus intéressant.
Après Super Size Me, documentaire qui avait divisé les foules où il se contraignait à manger au McDo trois fois par jours pendant un mois, voici que Morgan Spurlock revient à la charge. Avec sa nouvelle expérience Oussama, où es-tu ? (Where in the world is Osama Bin Laden ?), le jeune réalisateur s’est mis en tête de retrouver seul et comme son titre l’indique, l’ennemi public n°1 des Etats-Unis.
Partant d’une motivation assez touchante ("Ma femme est enceinte, je veux que mon enfant naisse dans un monde moins dangereux") et d’un parti-pris bien fun ("Dans les films, les gros problèmes sont toujours réglés par un mec tout seul"), ce nouveau film se démarque principalement de son prédécesseur par une ambition journalistique bien plus pertinente. Car si le postulat peut paraître toujours aussi absurde sur le papier, on comprend vite que la démarche de Spurlock n’est pas vraiment de retrouver Bin Laden, mais plutôt de partir découvrir les peuples du Moyen-Orient pour connaître leur véritable opinion sur le bonhomme, sur les Etats-Unis et sur la situation géopolitique mondiale actuelle. Un gros boulot en perspective, puisque qu’en l’espace de trois mois il va être amené à sillonner le Maroc, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Cisjordanie, l’Israël et la Palestine, l’Afghanistan et enfin le Pakistan pour rencontrer les populations locales et briser le cou aux préjugés.
On ne voudra pas dévoiler le résultat de son enquête, mais comme on pouvait s’y attendre, il existe un fossé entre l’image du Moyen-Orient décrit à la télévision (notamment aux US) et celle que nous présente Spurlock. Alors oui, tout ne relève pas de l’inédit. Oui, on pourra également avoir à redire sur la forme de ce film, peut-être trop mis en scène et mettant souvent en avant son réalisateur, cassant par là même une sorte d’objectivité du documentariste. Oui, l’utilisation régulière de séquences d’animation et d’une voix-off décalée vulgarisent un brin le propos. Mais qu’importe la manière après tout, pourvu que le film fasse son effet. On suppose d’ailleurs, certainement à juste titre et à l’instar de Michael Moore, que Spurlock a fait son film en premier lieu pour le public américain, qu’on peut penser moins bien informé que nous autres européens. En revanche, là où le réalisateur américain se démarque de son homologue canadien, c’est dans son approche moins socio-économique et plus humaine des problèmes qu’il aborde. Une démarche qui rend l’ensemble sans doute un peu moins concret que les simples dénonciations de Moore et qui fait que le film ne sera certainement pas considéré de la même manière qu’un Fahrenheit 911, alors qu’il est probablement plus pertinent.
Aux yeux de certains, le message de Spurlock passera pour de l’enfonçage de portes ouvertes à la morale cucul qui arrive avec 5 ans de retard (d'une certaines manière il s'agit du pendant cinématographique de la chanson Russians de Sting), mais honnêtement, cette morale peut s'avérer préférable à celle d’un The Kingdom pour ceux qui n'auraient pas accroché. On espère donc que malgré cela, Where in the world is Osama Bin Ladem ? réussira son coup et marquera le plus d’esprits possibles...