Paris
Le 10/01/2008 à 13:34Par Arnaud Mangin
Après avoir joué les globes trotteurs dans une Europe carte postale et déconstruit la vieille capitale dans des histoires de voisinage, quand il ne l'ensable pas totalement dans un futur proche, Cédric Klapisch signe un modeste retour au bercail. Modeste dans sa forme puisqu'il s'attèle ici au délicat exercice du film choral sans totalement s'enticher de grosses dérives, mais surtout modeste dans son propos puisqu'il véhicule ici un amour pour Paris. Paris disséqué comme un cœur, comme le cœur de Pierre - personnage assujetti aux problèmes cardiaques, qui ne battrait pas sans ses petites artères. Des petits éléments dans lesquels on se reconnaîtra puisque Paris, c'est eux, c'est nous, des gens qui rient, qui vivent, et surtout qui meurent comme un organisme unique. Si le genre en soit, typiquement français voire parisien, n'est pas totalement bouleversé, le cinéaste lui apporte suffisamment d'énergie et de légèreté pour l'élever au-delà d'un mauvais cinéma de papa.
Klapisch demeure à ce jour l'un des rares cinéastes français dont toute nouvelle œuvre demeure un événement en soit. De quoi chasser son public, ça et là, au risque de parfois le perdre en jumelant les genres même si le bouleversement ici reposerait tout simplement sur l'aisance de son propos. Il se livre ici à quelque chose de typiquement français donc, le cinéma choral, un peu trop parasité par une culture bobo depuis quelques temps qui sans être mauvais se limitait au monde vu par Danièle Thomson. Un poil répétitif qui plus est, quand il ne flirtait pas avec la niaiserie... Tout ce que se refuse justement à faire l'ami Klapisch en adoptant les qualités du style pour en gommer les défauts et même prendre à contre-pied le choc culturel frontal de la plupart de ses œuvres précédentes pour combiner les différences multiples. Parce que, loin de toute démagogie, Paris la ville, c'est surtout ça. Ses habitants le constateront, les autres le découvriront (ou inversement).
C'est donc l'interminable, l'inexplicable et surtout l'inextricable histoire de destins croisés, chassés et parfois sauvagement percutés aux quatre coins de cette petite pomme. Sous les symboles les plus parlants mais pourtant les mieux pensés comme la droiture de la Sorbonne, la fraîcheur des bâtiments aériens (plutôt que de filmer la tour Eiffel, on filme depuis la tour Eiffel), Montmartre, ou une simple boulangerie (située au pied de l'immeuble où vit l'auteur de ces lignes, un peu enragé il y quelques mois de ne pas trouver de place où se garer) se cachent surtout des personnalités joyeusement complémentaires. Paris n'est pas un gigantesque édifice, ce sont surtout des gens... Entre un mourrant qui trouve la vie chez les autres, une étudiante fleur bleue que la différence d'age ne gène pas, un historien cherchant ses repères entre deux époques (génial Luchini), un architecte dont les rêves sont un vrai Fight Club, une assistante sociale qui ne s'occupe plus d'elle et une commerçante raciste qui vire de bord, Paris se livre au melting-pot un poil risqué du "tous unis, tous frères" sans mettre le pied dans une dégoulinante démagogie et joue avec les opposés comme un jeu de sept familles pour mieux les attirer. Plus surprenant encore, le cinéaste impose la plus grande des réjouissances à travers la chose la plus grave qu'est la mort, dont l'ombre plane perpétuellement au dessus film. Parce que justement, la vie continue...
Peut-être parce que l'utopie de Cédric Klapisch est ailleurs et parce qu'il décrit un monde qu'il connaît vraiment en respectant infiniment son auditoire - pour qui le portrait de la ville aura un air de famille - la sincérité de son film transparaît dans sa propre conception. Un cinéma traditionnel ET modernisé, secoué comme une bouteille d'Orangina, où l'on peut connaître l'histoire de France jusqu'au bout des doigts et "Kiffer Grave" en SMS sans contrarier ni l'un, ni l'autre. Bien au contraire.
Quant on vous disait que les meilleurs panachés étaient parisiens...