Rango
Le 22/03/2011 à 14:56Par Arnaud Mangin
Véritable western spaghetti revisité à échelle animalière brillant comme une ode au 7ème art dans ce qu'il peut avoir de plus dépaysant, Rango n'est pas le simple dessin animé familial que l'on pourrait imaginer mais une piqûre de rappel cinéphilique hyper ludique. La performance technique est ahurissante, la direction artistique dépouillée, la réflexion riche de sens et le divertissement enivrant. En plus, c'est plein de couleurs !
Découvrez ci-dessous la critique de Rango
Critique Rango
Même si la notoriété de ses films fait de l'ombre à la sienne, Gore Verbinski fait indiscutablement partie de la minuscule poignée de faiseurs hollywoodiens dont le travail nourrit constamment l'intérêt. Au-delà du simple technicien et du simple yes-man dévoré par les studios (il a pourtant côtoyé les plus cannibales), le réalisateur demeure un homme de cinéma dans le sens le plus noble du terme ayant su absorber de belles références et les digérer avec bon sens, pour en livrer une réflexion/projection avec l'intégrité des plus grands. Il n'existe que trop peu de John Guillermin ou de Irwin Allen aujourd'hui, qui ne confondent pas grandeur et égocentrisme, gardant à l'esprit que le spectacle doit avant tout être une machine à rêve. Verbinski en fait partie. Chose que l'on a bien évidemment pu constater frontalement dans Pirates des Caraïbes, parvenu à créer la surprise par son caractère un peu aérien, ses personnages iconiques et son amour évident pour tout ce que le septième art peut avoir de majestueux et d'unificateur. Avec le controversé troisième épisode, il a en plus enfoncé le clou dans un décuplement technique super maousse, doublé d'une narration "d'auteur" étrange et très personnelle de son héros Jack Sparrow. La bonne nouvelle est donc née à ce moment là : Gore Verbinski est un metteur en scène qui sait manier une caméra mais qui développe en plus son point de vue. Il était donc légitime que l'on attende avec une certaine impatience son projet suivant...
En découvrant Rango, on saisit immédiatement pourquoi le cinéaste a quitté le navire des pirates, mis à l'abordage pour la quatrième fois cette année : Gore Verbinski a des envies, de réelles envies créatives et analytiques de cinéma, qui expliquent l'espèce de mise en abym étrange de son film précédent. Faire une énième suite n'aurait rien eu de constructif, l'évolution se trouvant ailleurs. Et au premier abord, un film d'animation n'était pas forcément le support le plus adapté pour la développer. Pourtant, non content d'imposer autre chose qu'un sous-Pixar ou un Dreamworks bis en refusant tout signe d'infantilisation, Rango s'adresse aux adultes. Aux adultes cinéphiles qui n'ont pas oublié le cinéma qui leur a fait briller les yeux. Rango, c'est surtout un véritable western Leonien dans la plus grande tradition du genre (ou DES genres) mais aussi un western onirique questionnant le sens de l'existence lorsque l'on n'est qu'une façade, une image, un caméléon qui montre aux autres ce qu'ils veulent voir... Un acteur, en somme, avec tout ce que cela sous-tend. Comme le fruit d'une conversation entre la passion d'un Eddy Mitchell et le questionnement d'un Woody Allen, ce surprenant film d'animation exploite le ton aérien des séquences solo de Johnny Depp dans le précédent Pirates. Ces scènes un peu Gilliamèsques aux relents d'Arizon Dream (l'hommage est très costaud ici) qui trouvent enfin totalement leur sens dans Rango, là où elles détonnaient dans Pirates des Caraïbes 3.
On apprécie donc que Gore Verbinski ne se laisse pas posséder par la teneur "dessin animé" de son film pour succomber aux gaudrioles bêtifiantes faciles, en préférant adopter les tics cartoonesques pour aller dans son sens à lui. Forcément, les plus petits seront parfois largués par les différentes lectures psychologiques et le discours nostalgique de son propos, mais c'est le sacrifice à faire pour constater à quel point on assiste à une véritable œuvre de cinéma. Une œuvre qui, malgré toute la technologie mise en place pour lui donner vie, n'oublie pas de regarder un peu derrière elle pour se rappeler d'où elle vient et à qui elle doit le divertissement rafraichissant qu'elle offre au public. L'eau, denrée rare dans le film après laquelle tous les personnages courent, est ainsi symbole d'argent, de pétrole, des manœuvres évolutives de tout un système hollywoodien, mais elle représente également la pureté qui tend à manquer. Pureté qu'il retrouve un peu ici. Ainsi, lors d'une séquence assez hallucinante faisant intervenir un personnage surprise, Rango finit par assumer pleinement ce qu'il est et l'art qu'il représente : malgré les performances, les questionnements et les multiples récompenses prestigieuses tout juste bonnes à trainer dans une voiturette de golf, l'essentiel, c'est d'offrir du rêve. Si possible à tout jamais...
Pour parfaire le tout, à l'image de Pirates de Caraïbes, Verbinski s'offre une direction artistique de haute volée qui n'hésite pas à affubler ses personnages des trognes les plus impossibles (jusqu'au moindre second rôle), sans succomber au lissage familial redoutable des productions de ce genre. Parce qu'au final, Rango est un film profondément sincère dans sa volonté de proposer de l'évasion, qui tape souvent juste dans ses références sans jamais les tourner en dérision et n'hésitant pas à aller piocher dans les registres les plus inattendus, bien que pertinents. Il est de toute façon difficile de blâmer un film qui a compris que Mad Max 2 était déjà un western à sa façon (on en revient à l'histoire d'eau évoquée plus haut), et qui plus est certainement l'un des meilleurs de l'histoire du cinéma, et qu'il a ici autant sa place en porte étendard que Le Bon, la brute et le truand. Décidemment, Verbinski aime le cinéma et en parle avec une justesse absolue. Il nous suffit juste d'y être attentif...
Date de première publication : 7 mars 2011 à 9h06