Swordsman - La Trilogie
Le 03/07/2007 à 16:05Par Elodie Leroy
Après Le Syndicat du Crime, c'est au tour de la trilogie Swordsman, totalement inédite en France jusqu'à présent, de se voir accorder un coffret de luxe par HK Vidéo. Une trilogie culte produite une fois encore par Tsui Hark, figure incontournable de cinéma hongkongais, initiateur du renouveau du cinéma d'arts martiaux dans les années 90.
Inspirée de l'univers de Louis Cha, auteur chinois dont les romans wu xia n'ont pas fini de faire l'objet de multiples adaptations, la trilogie Swordsman réunit à peu près tout ce que l'on pouvait trouver de meilleur dans les films de sabre hongkongais des années 90. Loin de se résumer à leurs chorégraphies délirantes - bien que cet aspect ait incontestablement participé à leur célébrité -, les trois films développent un univers sombre, gangrené par la corruption et la soif de pouvoir et dans lequel évoluent des personnages haut en couleur. Parmi eux, Ling Wu-Chung, apparaît comme l'anti-héros par excellence, un vagabond dont l'attitude rieuse et moqueuse abrite une absence totale d'illusions sur le monde qui l'entoure, une mélancolie qu'il noie quotidiennement dans l'alcool. Au premier abord, Swordsman donnera inévitablement l'impression d'un vaste désordre scénaristique, ce qui s'explique largement par la quantité de (prestigieux) noms crédités derrière la caméra - King Hu, Ann Hui, Andrew Kam, Tsui Hark et Ching Siu-Tung. Cependant, ce premier volet met en place tout l'univers narratif, visuel et musical des Swordsman et s'apprécie toujours davantage à chaque visionnage, d'autant qu'il comporte quelques séquences d'une rare poésie, dont celle restée célèbre au cours de laquelle les personnages chantent le superbe thème musical de la trilogie.
Second et meilleur volet de la série, Swordsman 2 profite de toutes les pistes lancées dans l'opus précédent tout en délivrant un récit plus cohérent. Jet Li prend avec bonheur la place de Sam Hui dans le rôle de Ling Wu-Chung et trouve tout simplement l'un de ses meilleurs rôles. De son côté, Sharla Cheung Man est remplacée par Rosamund Kwan, partenaire récurrente de Jet Li et fidèle collaboratrice de Tsui Hark puisqu'on la retrouve parallèlement dans les Il était une fois en Chine. Enfin, Cecilia Yip laisse la place à Michelle Reis (Fallen Angels) dans le rôle de Kiddo, jeune disciple de Ling qui le suit partout. Swordsman 2 peut être vu soit à la suite du précédent, soit de manière isolée puisque les enjeux tournent avant tout autour d'un nouveau personnage, l'un des plus fascinants que le genre du wu xia pian nous ait donné de voir : Invincible Asia. Grande actrice d'une beauté intimidante révélée par Tsui Hark dans Zu, les Guerriers de la Montagne Magique, Brigitte Lin Ching-Hsia incarne ici un homme (mais oui!), un chef de clan impitoyable qui, pour accéder au pouvoir suprême, renonce à sa virilité suivant la prescription d'un livre sacré. Tandis que la transformation s'opère, Invincible Asia découvre toute une palette d'émotions nouvelles, rencontre l'amour en la personne de Ling Wu-Chung, accède à un stade supérieur en réconciliant les forces solaires du Yang qui l'animaient jusqu'alors avec celles du Yin qui émergent en lui. Tout le lyrisme, la noirceur et l'ironie de l'univers de Swordsman passent à travers cette romance impossible, destinée à s'achever dans le sang et l'incompréhension. Sur le plan formel, Swordsman 2 est un émerveillement de chaque instant. Aux chorégraphies inventives de Ching Siu-Tung s'ajoute une esthétique splendide, qui sublime aussi bien les visages des comédiens dans les scènes dramatiques que les mouvements des corps virevoltants dans l'action.
Carton au box-office local, Swordsman 2 donne lieu presque immédiatement à une suite, The East is Red, réalisée dans le seul but de profiter du succès de la franchise. Brigitte Lin Ching-Hsia reprend le rôle culte d'Invincible Asia, toujours vivant malgré le dénouement du précédent, et se voit cette fois accompagnée par la belle Joey Wong (Histoires de Fantômes Chinois). Cette fois, Asia doit en découdre avec une série d'imposteurs se faisant passer pour lui. Si les motivations qui guident ce spin-off sont ouvertement commerciales, The East is Red remporte l'adhésion en dépit d'un scénario confus. Sans égaler le chef d'œuvre qu'est Swordsman 2, ce troisième volet possède tout de même ce grain de folie qui animait les productions hongkongaises de l'époque, des films qui assumaient leur caractère artisanal (les effets spéciaux sont réalisés avec trois bouts de ficelle) et qui comportaient au moins une idée de mise en scène à la seconde donnant lieu à des séquences d'action conceptuellement démentes. Exactement tout ce qui n'existe plus dans le cinéma de Hong Kong d'aujourd'hui.