Taken
Le 18/01/2008 à 09:39Par Arnaud Mangin
Soyons fair-play. On n'a pas toujours défendu avec véhémence le cinéma de Luc Besson, essentiellement celui dont il signe lui-même les scénarii express, mais même dans le linge sale du producteur et baron français d'un certain genre, il y a un dessus du panier. Taken est de ceux-là, ouf ! Tant mieux après tout, parce que tout le monde avait envie de s'assagir un peu - les critiques assassines y compris - et que la dernière collaboration en date avec le réalisateur Pierre Morel était tout de même l'insondable purge Banlieue 13. Un machin rigolo et bien foutu avec des hommes singes qui sautaient partout, mais moralement en dessous de tout. Bien moins débile sur le papier - et s'adressant étrangement à un public tout autre que celui des Baisers mortels du taxi hip hop Willie style, Taken s'imposera surtout comme un petit thriller d'action à la française honnêtement emballé et allant chercher ses références dans les exemples récents les plus nobles. Ou comment Europa laisse désormais flirter ses ambitions avec le cinéma de Greengrass plutôt qu'avec celui de Steven Seagal...
Prenez donc gare à la prononciation puisque, non Taken n'est pas l'adaptation d'un jeux vidéo avec des mecs aux cheveux pointus qui se tapent dessus, mais on reste tout de même dans l'univers joyeux des bourre-pifs où lorsque les américains viennent à Paris, c'est pour tout défoncer. C'est ici l'histoire d'un père longtemps absent (Liam Neeson, pour les retardataires), parce qu'il a passé sa vie à travailler secrètement pour le gouvernement pendant que sa fille a grandit sans le fameux amour paternel si cher à nos amis yankees. Il essaye quand même de se rattraper le mec, parce que c'est un bon bougre... Il fait lui-même le paquet cadeau du Karaoké tout pourri qu'il va lui offrir, mais le satané beau père - Mason, de retour d'entre les morts de 24 heures chrono - refourgue à la jeune fille un gros canasson, sans même avoir fait de papier cadeau. Jusque là rien d'anormal, et tout aurait continué dans la même tristesse si la gamine ne se faisait pas kidnapper par un réseau de prostitution albanais en plein Paris durant un voyage avec sa copine. Alors là, papa est vert ! Surtout que son kiffe à lui, c'est de tabasser les sales types et qu'il en a marre d'assurer la sécurité d'une sous-Shakira... Direction Paname !
Du Besson pur jus en somme, avec son héros, son faire valoir et sa flopée de méchants, aussi nombreux que nécessaire pour pouvoir en dézinguer un max à l'écran, mais qui relève tout de même le niveau après une série de films d'action un poil nanardèsques (même si on adore la folie douce du Transporteur 2) avec un postulat plus buvable qu'à l'accoutumée. Sans tomber dans un semblant d'idéologie quelconque, Taken essaye un peu de nous la jouer "dénonciation des crimes underground parisiens" pourtant proches d'une réalité, et s'absout totalement du racisme anti-flic devenu jusqu'alors la marque de fabrique maison. Même si quelques idées restent ça et là sur la corruption ambiante, mais soit... Cette fois-ci, les mecs à éviter, ce sont les types des pays de l'Est, à peine mieux fagotés que ceux d'Hostel et qui sont assez cons pour pas de deviner qu'un type avec des papiers français mais qui n'est pas capable d'aligner deux mots dans la langue de Molière est un peu louche. Ca fait partie du charme de la chose, dirons-nous.
On se moque, on se moque, mais sous sa naïveté générale qui font d'abord de Taken un espèce de petit western bidouillé par des grands enfants, le film parvient à divertir franchement lorsqu'il ne se montre pas carrément très efficace dans certaines séquences, dont une poursuite en bagnole qui change radicalement du côté pouet-pouet de Taxi et consort. Et c'est justement là que les ambitions du film a peine avouées mais pourtant grossièrement affichées font plaisir. Non seulement on ne se fout pas de notre gueule en appâtant avec abrutissement un public attardé, mais en plus on essaye plus ou moins de surfer sur la mode réalistico-percucante des films d'action modernes façon Trilogie Bourne. Certes, on a parfois un peu l'impression de voir le Commissaire Moulin dans certains passages, mais il prédomine ici un début de maturité où l'on privilégie les coups de boules et autres techniques de Krav-Maga aux mauvais ersatz de Bruce Lee.
En somme, ça se défend, c'est honnête et ça vise plus haut qu'un public de 13 ans. C'est pas ce qu'on demandait à Mister B, finalement ?