The Crow (2024) : Une tentative de reboot qui fait plus de mal que de bien - critique
Le 20/08/2024 à 21:33Par Pierre Champleboux
En 2024, The Crow revient sur nos écrans sous la direction de Rupert Sanders, yes man bien connu pour ses adaptations en demi-teinte comme Ghost in the Shell et Blanche-Neige et le Chasseur.
Avec cette nouvelle version des aventures d’Eric Draven, le réalisateur tente de ramener à la vie l'aura gothique du film culte de 1994, tout en s'éloignant du format blockbuster pour adopter un ton faussement « indé » censé être fidèle au comic book de James O'Barr.
Malheureusement, le résultat final est loin d'atteindre la noirceur et l'intensité émotionnelle de l'œuvre originale. Les fans du film d’Alex Proyas et de la bande-dessinée iconique seront outrés, les autres ne verront là qu’un produit sans saveur qui essaie de se faire passer pour un bien meilleur film.
The Crow de retour pour un mauvais tour
Commençons par les points positifs. Visuellement, The Crow 2024 n’est pas déplaisant. Rupert Sanders parvient plus ou moins à capturer l'ambiance sombre de la bande dessinée, et la direction artistique, bien que très impersonnelle, est l'un des rares points forts du film. La bande-son, elle aussi, mérite d’être saluée, accompagnant efficacement les scènes d’action et les moments plus introspectifs du film.
Bill Skarsgård, dans le rôle d’Eric Draven, livre une performance solide, malgré les limites imposées par un scénario faiblard et incohérent. Il parvient à incarner un anti-héros crédible et impressionne particulièrement lors des scènes de combat.
Mais ces maigres qualités ne suffisent pas à rattraper les nombreux défauts qui minent le film.
Un The Crow mal écrit et truffé d’incohérences
Le véritable problème de The Crow 2024 réside dans son écriture et son rythme. D'une durée de 1h50, le film semble s'étirer inutilement, donnant l'impression d’un visionnage bien plus long.
Les premières quarante-cinq minutes, en particulier, sont un calvaire à traverser. Le film débute par un prologue pesant et inutile, censé ajouter une couche de profondeur au personnage d’Eric et montrer aux fans de The Crow que Rupert Sanders a au moins ouvert une fois le comic book de James O’Barr, mais ça n’aura pour seul effet que de retarder le véritable début de l’histoire.
L’intrigue se perd rapidement dans des détours inutiles, introduisant des éléments inédits qui n'ont aucune place dans l'univers de The Crow, à l’image d’une mystérieuse organisation dirigée par Vincent Roeg, un méchant sans charisme ni motivation claire.
Ce personnage, un être semi-surnaturel supposément immortel qui a la faculté d’hypnotiser les gens par simple chuchotement, dévie complètement de l’essence même de l’histoire originale.
Pire : le fait de lui attribuer des pouvoirs et une immoralité supposée s’avérera finalement inutile, le scénario n’exploitant que très peu cette nouveauté dont on se serait bien passé.
La seule véritable utilité des “dons” du méchant ? Changer totalement la nature du personnage de Shelly ! D’innocente victime de la barbarie d’une bande de voyous dans la BD et le film de 1994, elle devient maintenant coupable d’un meurtre qu’elle a commis sous l’influence du bad guy.
Si le but était de donner plus de profondeur et de noirceur au personnage, peut-être aurait-il été préférable de ne pas faire d’elle le simple pantin d’un être démoniaque…
Même la relation entre Eric et Shelly, qui devait être le cœur émotionnel du film, est réduite à une suite de clichés mal exécutés, plombée par une interprétation fade de FKA Twigs dans le rôle de Shelly, qui ressemble désormais à une influenceuse branchée.
The Crow : une trahison de l’œuvre originale
Mais le plus gros écueil de cette nouvelle adaptation réside dans la manière dont elle traite le mythe du Corbeau. Alors que l’essence même de The Crow repose sur la vengeance désintéressée, le film transforme cette quête en une simple course vers la résurrection.
Car oui : ici, Eric ne se venge pas vraiment. Il tue pour revivre et faire ressusciter Shelly par la même occasion, après avoir passé un deal avec Kronos, un autre personnage inédit incarné par Sami Bouajila, sorte de guide spirituel vaguement basé sur le Skull Cowboy de la bande-dessinée originale.
Autre parti pris surprenant de la part de l’équipe aux commandes de ce reboot : la quasi disparition de la figure iconique du corbeau, l’animal censé accompagner notre héros tout au long de sa quête. Une étrange décision qui va mener à certaines incohérences narratives, puisqu’ici, la vie de notre vengeur ressuscité n’est pas liée à celle du volatile.
Dans les précédentes versions, c’était simple : The Crow restait en bonne santé et en pleine possession de ses pouvoirs tant que le corbeau allait bien. Ici, Eric “re-meurt” brusquement après une fusillade, sans qu’on comprenne vraiment pourquoi.
Les scènes d'action, bien que stylisées, manquent de substance et de cohérence. La transformation d’Eric en une sorte de John Wick gothique lors du climax dénature complètement le personnage, et ses motivations deviennent floues, voire inexistantes.
Ce nouveau Eric est peut-être plus brutal que son prédécesseur, mais il tue aussi de manière plus aléatoire, ne cherchant plus seulement à punir ceux qui étaient impliqués dans le double homicide dont Shelly et lui ont été les victimes. Les dizaines de bodyguards qu’il trucide pour atteindre le grand méchant n’ayant certainement rien à voir avec sa tragédie personnelle.
La finalité de sa quête est brouillonne, et les retournements scénaristiques frôlent le ridicule, donnant davantage l’impression d’avoir affaire à un Morbius ou à un Venom 2 qu’à une relecture du mythe de The Crow.
La pirouette finale du film est l’ultime doigt d’honneur fait au public : incompréhensible, celle-ci semble suggérer que tout n’était qu’un rêve, ou tout du moins que presque tout ce qu’on a vu depuis le début du film ce serait passé dans une ligne temporelle alternative…
Si Rupert Sanders essaie avec ce twist d’effacer le mauvais film qu’on vient de voir, c’est raté.
The Crow 2024 : le reboot est un gâchis total
The Crow 2024 est un échec cuisant. Bien que visuellement soigné, le film échoue à capturer l’âme tourmentée et poétique du matériau d’origine. Au lieu d’honorer l'héritage de l'œuvre culte de 1994, Rupert Sanders livre un film confus, incohérent et souvent frustrant, qui risque de décevoir autant les fans de la première heure que les nouveaux venus.
Un gâchis d’autant plus regrettable que l’univers de *The Crow* regorge de potentiel inexploré, notamment du côté des comics et des romans dérivés. Si ce reboot avait pour ambition de relancer la franchise, il semble surtout l’avoir enterrée un peu plus.