Walkyrie
Le 20/01/2009 à 16:52Par Kevin Prin
Raté. C'est le premier mot qui nous vient à la sortie de la salle de Walkyrie, film pourtant très ambitieux sur le papier et dont les enjeux allaient au delà de sa simple réussite artistique, Tom Cruise se devant de rendre crédible et rentable son studio United Artists. Si en effet on retrouve énormément de thèmes de la filmographie de Bryan Singer, le film ne décolle jamais de son simple postulat de départ et se montre aussi creux dans la forme qu'il n'a rien à raconter dans le fond. Le prestigieux casting est expédié, parfois honteusement (Carice Van Houten ou Kenneth Brannagh ne sont que figurants), l'intrigue est mal illustrée, la tension complètement factice car ne reposant que sur la musique et chaque image se concentre sur un Tom Cruise certes parfait mais qui ne saurait suffire à lui seul au film.
Moins passionnant qu'un téléfilm, que ce soit dans sa mise en scène ou dans ce qu'il a à raconter, Walkyrie s'impose comme une immense déception sur TOUS les points.
On attendait beaucoup de Walkyrie pour plusieurs raisons. Tout d'abord pour son réalisateur, Bryan Singer, qui a souvent traité du sujet du nazisme avec brio (Un élève doué, X-Men) et qui pour la première fois allait affronter le sujet de front. Singer avait en plus un Superman Returns décevant à se faire pardonner et un sujet aussi ambitieux que celui de Walkyrie semblait bien prometteur. On attendait aussi ce film pour Tom Cruise, qui en tant que producteur a été remercié de Paramount suite à Mission Impossible 3 et se devait de donner crédibilité à sa nouvelle "maison" chez United Artists. On attendait aussi Walkyrie suite à sa longue durée de gestation après le tournage, marquée par plusieurs montages et de folles rumeurs l'annonçant tour à tour comme raté ou génial.
Sur le papier, raconter l'histoire d'une tentative d'assassinat d'Hilter, un sujet souvent évoqué mais jamais traité de front au cinéma, est forcément alléchant. Bien au delà que de révéler qu'il y avait des nazis plus gentils que les autres (La Liste de Schindler l'a déjà fait avec génie), cette idée soulève des thèmes propres au thriller, où l'ennemi est l'organisation tentaculaire et impartiale d'une dictature bien militaire, terrorisant même ses pions, où on ne peut donc se fier à personne. Dans les promesses, la présence du surdoué Bryan Singer derrière la caméra et d'une brochette d'acteurs aussi confirmés que Tom Cruise, Bill Nighy, Carice Van Houten (Blackbook), Kenneth Brannagh, Tom Wilkinson et Terrence Stamp, laisse présager des séquences de dialogues et d'interactions entre les personnages tout simplement endiablées. Le thriller ultime ? On y croyait. La déception n'en est que plus grande.
Entendons-nous bien : il n'y a rien de franchement honteux dans Walkyrie mais que des déceptions. Si le film démarre sur les meilleures auspices en nous expliquant ouvertement pourquoi les personnages parlerons en anglais et non en allemand, et ce par une astuce de mise en scène aussi simple qu'intelligente, il faudra, pour trouver quelque chose d'autre d'intéressant, se contenter d'un excellent plan sur un tourne-disque où la caméra rattrape en plongée la vitesse du disque pour nous en dévoiler le titre. C'est tout. Tourné en 1.85, le film ressemble d'avantage à un téléfilm très cheap, où les décors sont souvent moches et mal utilisés, où ses acteurs prestigieux ne font que de la figuration, et où il n'y aura point de suspense, ce qui est plutôt dommageable pour un thriller. Tom Cruise est certes impeccable, endossant ici sans doute le rôle derrière lequel il a le plus réussi à se fondre dans sa carrière. Mais ce sera la seule compensation d'un film dont le scénario enchaîne les scènes déjà vues et revues, les facilités émotionnelles (un plan sur les enfants du héros jouant avec une casquette nazie ; toute la fin et ses violons pleurant), emmêlant au passage toute son intrigue et rendant le complot du film difficilement compréhensible, non pas par sa complexité, mais par le noeud que forme la narration. Autrement dit, la faute en revient au réalisateur et/ou au montage.
On pourrait en effet croire que le remontage du film, centralisé sur l'action dans sa version cinéma, serait à l'origine de la déception engrangée. Surtout que les coupes se sentent et sont nombreuses, notamment autour des personnages de Terrence Stamp, Kenneth Brannagh ou Carice Van Houten. Mais même si le montage d'origine fonctionnait sans doute mieux, on imagine mal comment certains défauts de ce que l'on a pu voir seraient occultés. A commencer par le personnage d'Adolf Hitler, qui trouve ici son illustration la plus involontairement drôle depuis longtemps, ressemblant plus à un pilier de bistrot qu'à un dictateur, ou encore la prestation de Bill Nighy, qui en fait beaucoup trop dans son interprétation de militaire coincé. Qui plus est, comme déjà dit plus haut, la forme du film est quelconque au mieux et assez laide au pire, même les quelques plans de Carice Van Houten ne la mettant pas particulièrement en valeur. Le pire restera cependant l'absence d'enjeux réellement prenant.
Complètement creux et superficiel, Walkyrie est donc tombé dans le piège le plus inimaginable : n'avoir rien d'autre à dire que "les nazis n'étaient pas tous méchants", un message certes important mais qui mériterait beaucoup plus de profondeur et de développement pour en saisir toute la portée au sein d'un (soi-disant) thriller. Il est alors difficile pour une fois dans la carrière de Tom Cruise de ne pas faire l'impasse sur un facteur de sa vie personnelle : depuis des années, l'acteur cherche un projet lui permettant de tendre le bras vers l'Allemagne, seul pays d'Europe à interdire la scientologie. Ce but ultime aurait-il aveuglé le producteur au point de livrer Walkyrie, qui sera à n'en pas douter vu par les européens comme simpliste et stupide ?