Critique : Californication
Le 05/11/2007 à 11:05Par Thierry Cuirot
Los Angeles n'est pas l'Eldorado qu'espérait le talentueux écrivain New-Yorkais Hank Moody. Hollywood dénature son best-seller God hates us all en un film insipide intitulé Crazy little thing called Love puis il perd l'inspiration en même temps que sa compagne et mère de sa fille, faute d'avoir consenti à l'épouser. Hank plonge alors dans l'autodestruction systématique par tous les moyens mis à sa disposition par Los Angeles, ville aussi superficielle qu'excessive. Drogue, alcool, sexe et franc parlé, le cocktail explosif quotidien de Moody lui assure des réveils difficiles et compromet chaque jour un peu plus la reconquête de celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer.
Californication tient toutes les promesses liées de son titre en nous servant de la Californie en cliché et de la fornication à gogo, ce que ne renieraient pas les Red Hot Chili Peppers, inventeurs du terme. Cinq ans après l'arrêt de X-Files, David Duchovny enterre enfin Fox Mulder en campant magistralement un Hank Moody qui porte parfaitement son nom. Moody signifiant quelque chose entre « lunatique » et « mauvaise humeur » en anglais. Egalement producteur de la série, Duchovny s'est octroyé le bon rôle en interprétant cet écorché vif qui montre tout l'inverse de ce qu'il ressent. Irrespect, vulgarité et égoïsme forcené constituent son chemin de croix pour tenter de masquer sa détresse et sa sensibilité. Comme pour mieux couler, toucher le fond et espérer trouver la force de donner un coup de pied pour remonter vers des jours plus heureux. Les dialogues ciselés haut de gamme coulent de ses lèvres en un mélange d'humour et de cynisme très Bukowskien. De là à penser que le créateur Tom Kapinos s'est inspiré de la vie de Robert « Hank » Bukowsky il n'y a qu'un pas.
Dans l'entourage de ce cher Hank, naviguent une pléiade de personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres. Karen (Natascha McElhone), l'ex petite amie de Hank montre beaucoup d'indécision et semble plus subir sa vie que d'en avoir le contrôle. Leur fille Becca, 12 ans, ressemble à une rockeuse gothique en herbe sans doute plus mature que ses parents. Citons une assistante adepte du SM, un impresario déjanté, une belle-fille aussi délurée que manipulatrice et le tableau restera pourtant bien incomplet. Passant par tous les hauts lieux de Los Angeles, les personnages déroulent une ribambelle de cartes postales typiquement hollywoodiennes et de situations coquaces sur fond de musique rock et folk toujours très à propos. Une multitude de scènes et de répliques deviendront cultes, comme dans l'épisode 12, où Hank se bat dans un magasin pour la première boite de tampax de Becca. Plus tard, il finit seul et nostalgique à fumer en haut d'une falaise au son de « Only woman bleed » d'Alice Cooper que chante sa fille au mariage Karen et Bill. Non, les femmes ne sont pas les seules à saigner.
Regarder un épisode, c'est devenir immédiatement accroc à Hank Moody et à Californication. Diffusé sur le câble aux Etats-Unis sur Showtime, le pilote n'avait attiré que quelques 500.000 spectateurs. Puis l'effet jubilatoire de la série s'est propagé comme un bon fou rire, gagnant sans cesse de l'audimat au point que les dirigeants de Showtime ont renouvelé le show pour une seconde saison bien avant la fin de la première. Le tournage débutera au printemps pour une diffusion durant l'été 2008.
Cette réjouissante perspective nous fait presque oublier les 30 dernières secondes très « controversées » de la saison 1. Mais nous n'en dirons pas plus et vous conseillons vivement de ne pas rater cette excellente surprise lors de sa diffusion prochaine sur M6.
Au final, Californication présente quand même un énorme défaut. Douze épisodes de 25 minutes, c'est vraiment beaucoup beaucoup trop peu pour un spectacle au combien jouissif. Vivement l'année prochaine.