Critique : D.Gray-man - Episodes 1 à 10
Le 30/03/2009 à 08:20Par Caroline Leroy
Publié pour la première fois en 2004 dans le Weekly Shônen Jump, le manga D.Gray-man de Katsuya Hoshino est adapté dès 2006 pour la télévision par TMS Entertainment, achevant sa course en 2008 avec un total de 103 épisodes. A cela, il faut ajouter deux jeux vidéo, sur consoles Nintendo DS et Playstation 2 respectivement. Depuis le début de sa diffusion, la série D.Gray-man est parvenue à remporter l'adhésion du public, succès qui s'explique par un mélange assez habile d'action, de comédie et d'horreur à l'intérieur d'un univers doté d'une mythologie solide. On serait même tenté de dire que l'anime, tout comme le manga qu'il transpose fidèlement, réunit à peu près tous les ingrédients requis par un bon shônen tel qu'on le conçoit depuis quelques temps - avec notamment cette propension à explorer des environnements et des thématiques de plus en plus sombres. Pour autant, D.Gray-man s'impose-t-il comme un titre incontournable ? Rien n'est moins sûr.
Dans un XIXème siècle imaginaire, Allen Walker, le héros de D.Gray-man, est recruté par la Congrégation de l'Ombre pour exercer ses talents d'exorciste face à la menace représentée par le Comte Millénaire, un individu peu recommandable qui envisage rien moins que d'éradiquer l'espèce humaine. Afin d'étendre son emprise, celui-ci se sert des Akuma, créatures ni mortes ni vivantes qui sèment la destruction sur Terre. En réalité, chaque Akuma est le produit de la transaction que passe le Comte avec un humain désireux de ramener l'un de ses proches à la vie. Ultimement, la mission d'Allen et de ses collègues exorcistes consiste à détruire une bonne fois pour toutes cette créature maléfique qui se nourrit de la détresse humaine pour parvenir à ses fins. Pour ce faire, tous disposent d'une arme personnelle appelée « Innocence » ; celle d'Allen n'est autre que son bras gauche qu'une malédiction a rendu monstrueux, tandis que son œil gauche lui permet de repérer tous les Akuma alentours. Guidé par son maître, le général Marian Cross, épaulé par ses collègues et - pour certains - amis Komui Lee et sa sœur Lenalee, Yu Kanda ou encore Lavi Bookman, Allen est contraint de gérer des situations périlleuses et inattendues tandis que son passé enfoui ressurgit peu à peu.
Difficile lorsque l'on découvre les dix premiers épisodes de D.Gray-man de ne pas se laisser aller à une comparaison avec le fleuron du genre shônen des années 2000 : Fullmetal Alchemist. Postérieur de trois ans à l'œuvre de Hiromu Arakawa, le manga de Hoshino puise de toute évidence son inspiration dans celui-ci, tant dans le choix de son univers uchronique que dans ses thèmes et son ambiance macabres, ou encore l'appartenance de ses personnages principaux à une organisation (les alchimistes dans le premier, les exorcistes dans le second) dont la mission s'avère plus complexe que prévu. A l'instar d'Edward Elric dans FMA, le jeune héros de D.Gray-man, Allen Walker, devient ce qu'il est après avoir transgressé les lois intangibles de son monde, pour une raison similaire qui plus est (ramener un être cher à la vie). Comme lui, il porte les stigmates de cette transgression sur son propre corps, et notamment sur son bras gauche. Les deux mangas confrontent leurs héros à la souffrance en les amenant à éliminer des créatures aussi dangereuses que misérables (Homunculus dans l'un, Akuma dans l'autre) errant entre la vie et la mort par la faute d'autrui. On pourait s'amuser à rencenser encore longtemps les similitudes flagrantes entre les deux œuvres. Ces dernières diffèrent toutefois nettement sur un point. Là où Fullmetal Alchemist parvient à transcender le genre du shônen en proposant une émouvante réflexion sur l'humain et la valeur de la vie, D.Gray-man s'en tient à un seul et unique niveau de lecture, évacuant systématiquement le caractère potentiellement dérangeant de son sujet.
Tout en étant de bonne facture générale, D.Gray-man ne brille ni par sa mise en scène, signée Osamu Nabeshima (Hamtaro), ni par son traitement des personnages, qui reste parfois à la limite du puéril. Si l'on s'en tient à ces dix épisodes, Allen Walker reste de loin le personnage le plus intéressant et le plus attachant du lot, ses camarades faisant plus ou moins partie du décor. Lenalee Lee, la seule fille du groupe, passe presque plus de temps à servir le café à ses collègues de travail qu'à combattre l'ennemi. Quant à Yu Kanda, qui semble ne pas pouvoir voir Allen en peinture - en tout cas pour l'instant - on attend d'en savoir plus sur lui pour se prononcer, en espérant qu'il tienne ses promesses. Autant le dire, à ce stade, ce sont davantage les individus que rencontre Allen au cours de ses missions qui retiennent l'attention. Le scénario réserve quelques bonnes idées, comme l'histoire de cette poupée hantant un village abandonné, ou cette variation sur le thème d'Un Jour sans fin dans les derniers épisodes du coffret. Mais on regrette que les moments mélancoliques ne possèdent jamais la force qu'ils méritent, et que l'action ne soit jamais grisante. D.Gray-man aurait pu compenser son manque d'originalité par une ambiance et une réalisation plus personnelles, plus travaillées ; or il n'en est rien. Malgré ce manque d'intensité regrettable, la série n'en reste pas moins divertissante et sympathique sur la durée. A condition de ne pas lui en demander trop bien sûr.