Critique : Mobile Suit Gundam 00 - Episodes 1 à 9
Le 25/09/2009 à 10:35Par Caroline Leroy
La saga Gundam a trente ans cette année. C'est en effet en 1979 qu'était diffusé pour la première fois Mobile Suit Gundam à la télévision japonaise. Depuis, chaque nouvelle série s'est efforcée de creuser le mythe né de l'imagination de Yoshiyuki Tomino et Hajime Yatate (nom générique regroupant les pools changeants du studio Sunrise à l'origine des différentes séries) en s'adaptant avec plus ou moins de bonheur aux évolutions historiques, politiques et technologiques de notre ère au sein même d'un contexte de science-fiction créé de toutes pièces. Cette capacité à appréhender les bouleversements de notre histoire fait incontestablement de Gundam une saga phare de l'animation japonaise, une œuvre passionnante qui voit sa valeur renforcée dans sa globalité par chacun des multiples chapitres qui la composent. Les années 2000 ont été marquées par le succès public et critique de Mobile Suit Gundam Seed, très belle réussite signée de Mitsuo Fukuda, qui se posait audacieusement en remake moderne et inspiré de Mobile Suit Gundam et se clôturait sur un final grandiose digne des meilleurs films de guerre. Réalisée deux ans plus tard, sa suite, Mobile Suit Gundam Seed Destiny se contentait malheureusement de tirer nonchalamment sur la corde sans jamais approcher la ferveur et l'intelligence de son aînée, et ce jusque dans sa conclusion d'une platitude redoutable. Il faudra encore attendre deux ans, soit en 2007, avant que Gundam ne renaisse de ses cendres pour de bon. Ce miracle tant espéré, c'est Mobile Suit Gundam 00.
Mobile Suit Gundam 00 constitue en soi une petite révolution dans la franchise Gundam. Techniquement tout d'abord, puisque celle-ci fait peau neuve avec cet opus tourné entièrement en HD, dont l'animation atteint un niveau de précision et de fluidité inespéré. MS Gundam Seed proposait de solides scènes d'action où les combats de robots géants étaient particulièrement soignés. La nouvelle série pousse beaucoup plus loin le réalisme et acquiert une dimension cinématographique inédite. Cette dernière amélioration, frappante, tient sans doute aussi au changement de format, le 1.77 étant devenu la norme depuis quelques années dans les séries d'animation, par opposition au traditionnel 1.33. Mais elle résulte aussi du changement de staff radical qui s'est opéré depuis MS Gundam Seed Destiny. Mitsuo Fukuda a cédé la place à Seiji Mizushima, réalisateur ultra talentueux du génial Fullmetal Alchemist. Et alors qu'il a failli refuser le poste en raison d'une trop faible connaissance de l'univers Gundam, force est de constater que sa présence contribue à relever sensiblement le niveau. Le graphisme est lui aussi très largement révisé : si le character design un peu grossier de Hisashi Hirai ne faisait pas l'unanimité sur MS Gundam Seed et sa suite, le trait qui émerge du travail de Michinori Chiba (Basilisk) et de la jeune Yun Kôga séduit immédiatement par sa finesse et son caractère élancé. Esthétiquement, Mobile Suit Gundam 00 est un véritable régal pour les yeux. Mais ce n'est pas sa seule qualité, loin de là.
L'autre élément - et non des moindres - de la révolution Mobile Suit Gundam 00 tient à son scénario même. Avec ce nouvel opus, Sunrise prend de vrais risques en installant pour la première fois Gundam dans notre monde et non plus dans un univers alternatif autorisant toutes les fantaisies. L'intrigue débute en 2307, soit à près de trois cent ans de notre présent. A mi-chemin entre la science-fiction pure et l'anticipation, la série place l'humanité dans un contexte où les énergies fossiles sont épuisées. En quête de nouvelles énergies, les êtres humains sont parvenus à mettre en place trois gigantesques ascenseurs orbitaux conçus pour capter la lumière du soleil, chacun d'entre eux étant détenu par l'une des trois fédérations majeures de la Terre. Difficile de trouver plus actuel comme préoccupation à l'heure - la nôtre - où la course aux énergies renouvelables est lancée entre les nations dominantes afin de s'emparer du marché juteux qui l'accompagne. Gundam a toujours mis en place de solides contextes politiques, voire géopolitiques avec MS Gundam Seed, et Mobile Suit Gundam 00 ne fait pas exception. A ceci près qu'il s'agit d'une projection certes ancrée dans le domaine de la science-fiction, mais qui ne le cède en rien au réalisme, maître mot de cette série. Au début du XXIVème siècle, les cerveaux de Sunrise imaginent notre Terre dirigée par trois superpuissances regroupant les pays les plus développés : la Nouvelle Union Européenne alias AEU (héritière de l'Union Européenne), la Ligue de la Réforme Humaine alias LRH (la Russie, la Chine et l'Inde) et l'Union Economique Mondiale (formée par l'Amérique, l'Océanie et le Japon et dirigée par les Etats-Unis). Or toutes les nations ne bénéficient pas des retombées des ascenseurs orbitaux et les dissensions continuent de se faire jour entre les trois fédérations et les pays neutres, mais aussi entre les fédérations elles-mêmes, qui ne se satisfont plus de la suprématie énergétique. Autrement dit, et c'est le postulat de Mobile Suit Gundam 00, si la domination de l'énergie constitue a priori le motif principal de la mésentente entre les peuples, une répartition équitable ne ferait pas pour autant cesser les guerres et le terrorisme. C'est dans ce contexte tendu qu'apparaît une mystérieuse organisation du nom de "Celestial Being", qui s'autoproclame justicière ultime en menaçant d'attaquer toute nation à l'origine d'un conflit sur la planète. "Celestial Being" emploie pour ce faire de jeunes pilotes chevronnés aux commandes des armures mobiles "Gundam", des engins de guerre d'une puissance de destruction incommensurable qui ont en outre l'avantage d'être furtifs.
En neuf épisodes, Mobile Suit Gundam 00 a le temps de poser très fermement son décor et ses enjeux. Tout habitué de l'univers Gundam sait qu'avec cinquante épisodes au compteur, chaque série dispose d'un temps suffisant pour développer son intrigue et ses personnages très progressivement. Cela étant, cet opus le fait avec une efficacité plus probante que MS Gundam Seed, pour ne citer que cette série. Contrairement à ce qui se produisait avec cette dernière, on est d'emblée conquis par l'efficacité et la maturité du scénario ainsi que par les personnages, très vrais. A commencer par le personnage principal, Setsuna F. Seiei (joué par Mamoru Miyano) qui, pour taciturne qu'il soit, se situe à mille lieues de Shin Asuka, le héros borné de MS Gundam Seed Destiny. On ne sait pourtant pas grand-chose de Setsuna, mis à part qu'il est le meilleur (et le plus jeune) pilote de Celestial Being à bord de son Gundam Exia. On apprend aussi peu à peu qu'il a été enfant soldat dans le passé, dans un pays qui existe de nos jours et dont nous tairons le nom pour ne pas gâcher le plaisir de la révélation. Ce n'est pas tous les jours que des séries d'animation abordent des thèmes aussi graves et brûlants, or cette série y parvient avec une intelligence et une pudeur remarquables.
C'est précisément cette aisance à puiser dans les tragédies de notre histoire contemporaine qui fait de Mobile Suit Gundam 00 une série beaucoup plus adulte que les autres, voire que la plupart des longs métrages de science-fiction live de ces dernières années. Les compagnons de Setsuna titillent eux aussi l'imagination ; on devine qu'ils dissimulent un passé trouble derrière leurs airs nonchalants. Dans l'ensemble, chaque protagoniste prend possession de sa place dans l'intrigue avec le plus grand naturel tandis que se dessinent les antagonismes des nations, que les fédérations riches jouent de la menace incarnée par l'imprévisible Celestial Being pour accentuer leur pression sur des pays pauvres déjà bien mal en point. Un air de déjà vu ? L'immense qualité de cette série extrêmement ambitieuse réside en grande partie dans cette faculté à remettre en perspective les tragédies de notre temps tout en s'abstenant de virer au pensum maladroit, grâce à un imaginaire sans cesse renouvelé. Les personnages de Mobile Suit Gundam 00 existent et on meurt d'envie de savoir ce qui va leur arriver. La série suscite l'enthousiasme jusque dans ses génériques de début et de fin : on ne se lasse pas du lyrique et pêchu Daybreak's Bell par L'Arc-en-Ciel en ouverture, et le titre Wana de The Black Horn offre une conclusion particulièrement enlevée à chaque épisode. La cerise sur le gâteau, en somme.