Critique : True Blood Saison 1
Le 07/02/2009 à 20:31Par Arnaud Cuirot
Ca a l'odeur de la série pour ado, la couleur de la série pour ado et même le goût de la série pour ado mais ce n'est pas une série pour ado. Certainement une des meilleures séries 2008, True Blood ancre avec talent le fantastique dans la réalité pour mieux faire ressortir l'horreur des situations. Peur de l'autre, paranoïa post 11 septembre, communautés repliées, pauvreté, patriotisme, fanatismes religieux et rigorisme moral, politiques hypocrites, droits civiques... Sous ses dehors de gentille série fantastique, True Blood nous dépeint avec force et fracas une Amérique profonde en quête de nouveaux repères et effrayée par un monde qui bouge trop vite pour elle.
Série d'HBO à l'origine plutôt confidentielle (1,44 millions de spectateurs au premier épisode, 2,45 millions au dernier épisode), True Blood est librement adapté des romans de Charlaine Harris Southern Vampire Mysteries (La communauté du Sud en français). Alors pourquoi la série a-t-elle gagné en audience à chaque épisode et mérite t'elle le petit buzz qui l'entoure ? Pour commencer, oui, True Blood est une excellente série mais nuls doutes également qu'elle a dans un premier temps été sauvée de l'annulation par la mode vampire qui sévit aux US suite au carton ciné de Twilight.
Synopsis :
De nos jours. Suite à la mise au point par une firme japonaise d'un substitut du sang humain, le Tru-Blood, les vampires ont révélé leur existence à la face du monde bousculant ainsi les certitudes de l'humanité. Bien loin des hautes sphères politiques décisionnaires, la petite bourgade perdue de Bon Temps en Louisiane voit son quotidien bouleversé par l'arrivée d'un vampire, William Compton. Originaire de la ville quelques 170 ans auparavant, Compton rencontre Sookie, une serveuse ayant elle aussi un étrange don, la télépathie.
Pas de grandes manoeuvres politiques donc, ni de décisions internationales ou de commandos pour sauver le monde...non, la série plonge le spectateur dans l'amérique profonde et livre une vision au microscope de quelques habitants confrontés à l'extraordinaire.
True Blood fait typiquement partie de ces séries dont on ne sait avant de les visionner si on se dirige vers une galère complète ou vers une série culte. D'un côté, le pitch de départ fait plus penser à un mauvais teen movie, d'un autre côté le scénario et la production sont signés par Alan Ball à qui l'on doit déjà l'écriture d'American Beauty et la création de Six Feet Under, rien que ça. On se dit quand même que le Monsieur doit réserver quelques surprises aux spectateurs...et on ne se trompe pas ! Tout en nuance, la série prend son temps pour poser ses personnages et développer une intrigue qui ne fera que gagner en intensité tout au long des douze épisodes de 50 minutes. Oubliez les effets spéciaux numériques, les scènes d'action spectaculaire et les budgets de dizaines de millions de dollars par épisode. N'en déplaise aux amateurs de performances informatiques, True Blood prend délibérément le contre-pied du toujours plus spectaculaire pour réduire les effets spéciaux à leur strict minimum.
A une époque où les séries doivent fidéliser les spectateurs dès les premières minutes, cette lenteur a de quoi en décontenancer plus d'un. Si les deux premiers épisodes assez lents et qui posent les personnages et les bases de l'intrigue peuvent encore laisser planer le doute quand à la qualité de la série, la suite balaye rapidement les derniers soupçons. Quoique omniprésent en toile de fond, le surnaturel est visuellement rare rendant ainsi ses apparitions plus percutantes. De la même manière certaines scènes sont très éprouvantes (Sookie nettoyant le sang d'une des personnes assassinée) alors que nous sommes loin des effusions sanguinolentes d'un Blade par exemple. Le final de la saison se révèle quant à lui respectueux du spectateur : Pas de cliffhanger foireux, au contraire toutes les intrigues principales sont closes et des réponses ont été apportées aux diverses interrogations des spectateurs. La série se payant simplement le luxe de poser les bases de la seconde saison.
S'éloignant du spectaculaire inutile au bénéfice d'une mise en scène sobre, la série s'ancre dans la réalité et adopte un point de vue principalement humain à travers son héroïne Sookie, de son frère, séducteur frénétique aveuglé par son bas-ventre mais aussi par le point de vue de différentes personnalités. Des humains bienveillants qui veulent vivre en bonne entente (ils sont peu...) aux fanatiques religieux en passant par ceux dont l'avis fluctue en fonction de leur intérêt, toute la palette des comportement est explorée et présentée. Mais finalement, ce qui domine tout ça, c'est la peur ! En effet, dans ce Sud profond ou le KKK régnait encore en maître il y a un demi-siècle, la peur de l'inconnu demeure le principal moteur des réactions de la plupart des gens qui ne s'intéressent pas à l'actualité tant qu'elle ne débarque pas chez eux. Si le KKK n'est jamais directement évoqué et si le mot racisme est rarement employé, les images du générique ne laissent aucun doute planer... Au centre de la série, la peur crée un climat de paranoïa ou tout le monde juge tout le monde au nom de la morale, de la patrie ou de la religion. Cette peur de l'inconnu pousse parfois certains à passer à l'action au cours d'accès de rage aveugle en cherchant des victimes expiatoires.
Second moteur de la série et des relations entre vampires et humains : Le sexe. Indissociable de la fascination qu'exercent les buveurs de sang sur le reste de l'humanité, le sexe est omniprésent dans la série et tous les acteurs finissent à un moment ou à un autre par passer par la case "Tout nu" (Oui, oui, même Anna Paquin et la somptueuse Lizzie Caplan). Sauf la grand-mère de Sookie, heureusement. En outre, pour ceux qui ne l'auraient pas compris en lisant le synopsis, la romance (et donc l'inévitable question du sexe) entre Compton et Sookie tisse le fil conducteur de cette saison. Enfin, le sang des vampires, le V Juice, est un aphrodisiaque puissant, ouvrant ainsi la voie à une intrigue secondaire transformant les prédateurs en proies...
Vous l'aurez compris, l'humanité présentée dans le film n'est pas particulièrement un bijou d'ouverture d'esprit ni un condensé de tolérance et de sympathie. Les héros ayant eux-mêmes leurs faiblesses, leurs propres jugements, voir leurs préjugés en fonction des situations. Cette humanité est-elle à mettre en opposition avec des vampires « pas si méchants » ? La problématique posée par True Blood est beaucoup plus nuancée et ne distribue qu'avec parcimonie les étiquettes de « bien » et de « mal ». En revanche, oubliez l'imagerie gothique des vampires avec de grandes envolées baroques. Non, le vampire présenté peut-être violent, meurtrier, cruel mais peut aussi ressentir des sentiments, vouloir construire, s'intégrer et même jouer au golf sur la Wii. En réalité, tout comme l'humain, le vampire a une nature profondément violente et il doit la surmonter afin d'effectuer ses propres choix. Le vampire de True Blood n'est d'ailleurs pas un solitaire. Ce dernier recherche la compagnie de ses semblables, il a ses lieux de sociabilité (le bar de Shrevenport), ses responsables, sa justice et même une porte-parole officielle luttant pour les droits civiques des siens !
Malgré toutes ses qualités et sa finesse, True Blood n'est pas exempt de défauts. Si l'acteur principal Stephen Moyer (William Compton) est irréprochable dans son ambiguïté, Anna Paquin (Sookie) semble légèrement effacée à ses côtés. En outre, les épisodes sont irréguliers, manquent parfois d'un peu de rythme (le revers de la médaille) et les effets spéciaux quoique limités ne sont pas toujours très réussis, les dents des vampires faisant même limite rire. Enfin, l'intrigue principale avec le meurtrier est cousue de fil blanc et finie même par être reléguée au second plan derrière les relations entre les personnages bien plus intéressantes.
Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir devant une série qui ne sombre jamais dans la facilité, l'émotion discount ou les scènes d'action superflues. Assurément la meilleure série sur les vampires depuis le regretté Kindred : Le clan des Maudits. Aujourd'hui True Blood doit surmonter la malédiction des saisons 2 ratées et résister à l'appel des sirènes des Toujours plus de Plus (Plus d'action, plus d'effets spéciaux, plus de fesses, plus de violons, plus de ce que vous voulez !) pour conserver son âme. Si Alan Ball demeure à l'écriture, alors tout est permis...