Deauville Asie 2008 : Jour 5
Le 18/03/2008 à 17:42Par Elodie Leroy
Mais avant de revenir sur ces films, attardons-nous quelques instants sur l'un des événements de la journée de samedi : la projection à la prestigieuse séance du 20h du samedi au CID de Kabei - Our Mother, le dernier long métrage du cinéaste japonais Yôji Yamada. Connu de par chez nous pour La Servante et le Samouraï et Le Samouraï du Crépuscule, Yamada délivre avec Kabei un véritable chef d'oeuvre, peut-être l'un de ses plus grands films. Débutant à la fin des années 30, le film raconte l'histoire d'une famille dont le père se fait emprisonner pour raisons politiques. Pour survivre avec ses deux filles, son épouse Kayo doit se débrouiller seule tandis que la guerre approche à grands pas. Sans aucun misérabilisme, Kabei retrace avec un humanisme bouleversant une tranche tragique de l'Histoire japonaise récente à travers le point de vue d'une famille simple, unie, menaçée par un contexte social de plus en plus difficile. Un drame familial attachant et particulièrement vivant qui porte un regard plein de délicatesse sur des personnages plus vrais que nature, et qui n'oublie pas de laisser place à quelques moments de légèreté. Kabei reste l'un des temps forts de ce festival et confirme que Yôji Yamada est l'un des plus grands metteurs en scène du cinéma japonais actuel.
Avant-dernier film de la compétition longs métrages, Solos de Kan Kume et Loo Zihan se révèle dès les premières images comme l'une des expériences les plus bizarres qu'ait réservées la sélection. Sur une heure dix seulement, ce film chinois expérimental qui ne comporte aucun dialogue si l'on excepte quelques onomatopées, déploie de manière volontairement opaque une intrigue en définitive assez simple, et peut-être un peu creuse. Tourné dans des tons sépia proche du noir et blanc, soutenu par une partition minimaliste envoûtante et un très beau travail sur les sons, Solos surprend surtout par son contenu érotique homosexuel très osé pour un film chinois. L'action consiste essentiellement en des scènes de sexe filmées avec classe par le réalisateur et acteur principal Loo Zihan (un peu narcissique sur les bords) et son complice Kan Lume. L'ensemble est séduisant par moments, ennuyeux à d'autres, mais a au moins le mérite de nous sortir quelques instants des drames sociaux réalistes qui constituent l'essentiel de la compétition.
Pendant ce temps nous était aussi dévoilé le dernier long métrage de la compétition Action Asia, Héros de Guerre de Feng Xiaogang. Après Le Banquet, le cinéaste chinois que l'on connaissait auparavant pour ses comédies légères prouve une fois encore qu'il n'est décidément pas l'homme de la situation pour les films à grande échelle. Héros de Guerre développe un propos respectable, voire fondamental puisqu'il s'agit de rétablir la mémoire de soldats morts dans l'anonymat, mais souffre d'une réalisation particulièrement plate, si l'on excepte les quelques scènes de bataille réussies au début du métrage, ainsi que d'une narration plombée par des élipses injustifiées. Grâce à une prestation remarquable, le comédien Zhang Hanyu sauve l'entreprise du naufrage mais ne parvient pas totalement à faire oublier les lourdeurs pompeuses de la mise en scène et les maladresses de montage. Ajoutons que, en plus de ne pas être à la hauteur de son sujet, Héros de Guerre n'avait absolument rien à faire dans la compétition Action Asia puisqu'il ne s'agit pas du tout d'un film d'action.
Enfin, nous découvrons Flower in the Pocket, film malaisien de Liew Seng Tat. Il s'agit une fois de plus d'une chronique sociale tourné avec de petits moyens, dépeignant en l'occurrence le quotidien difficile de deux petits garçons et de leur père dans un contexte d'extrême pauvreté. Mais là où d'autres auraient rapidement sombré dans le misérabilisme, le réalisateur choisit au contraire de nous inviter à de savoureuses tranches de vie, aux côtés de deux petits comédiens non-professionnels d'un naturel désarmant. On reste bluffé par la manière dont Liew saisit ces petits riens qui font toute la joie des enfants, par la façon dont il fait surgir soudainement l'humour d'une situation a priori banale, en quelques plans fixes soigneusement pensés. Proche du réel, Flower in the Pocket est pourtant empreint d'une poésie étonnante et révèle le regard d'un vrai metteur en scène. Liew Seng Tat atteint doublement son but en parvenant à faire passer ses thèmes forts tout en nous faisant un bien fou. De toute évidence l'un des films les plus remarquables de la compétition.
Nous vous invitons à consulter la vidéo pour connaître nos impressions à chaud sur le palmarès...