Mes Stars et moi : interview de Laetitia Colombani

Fraichement diplômée de l'Ecole Louis Lumière, Laetitia Colombani tourne deux courts métrages, Le Dernier bip (1998) et Mémoire de puce (1999), puis réalise à 25 ans son premier long, A la folie, pas du tout (2002), avec Audrey Tautou et Samuel Le Bihan dans les rôles principaux. Aujourd'hui, elle revient avec Mes Stars et moi, réunissant Kad Merad, Catherine Deneuve, Emmanuelle Béart et Mélanie Bernier, une bonne comédie reprenant la thématique de son précédent film. Elle a accepté de répondre à quelques questions.

Laetitia Colombani, ici avec Catherine Deneuve

Vous avez tourné votre film à l'automne 2007. Entre temps, Kad Merad est devenu la star du plus gros succès français de tous les temps. Est ce que cela a changé quelque chose pour votre film ?

Non, nous n'avons pas changé notre manière de vendre le film après le succès de Bienvenue chez les Ch'tis. Vous savez, je pense que les gens savent que Kad est comédien et que chacun de ses rôles est différent. Si le sujet du film les intéresse et s'ils trouvent le personnage qu'il joue attachant, alors ils oublient la personnalité de Kad et ils adhèrent à celle de Robert Pelage. Je souhaite que ça se passe comme cela en tous cas.

Votre film parlant un peu du milieu du cinéma, vous êtes vous imposé des limites quant à ce que vous souhaitiez montrer de ce monde ?

Mon intention première n'était pas de faire un film sur le monde du cinéma, mais sur l'obsession. Mais comme mon personnage était fan d'actrices, j'étais obligé de parler du cinéma dès lors que j'abordais leur quotidien. Au final, je conçois plus cela comme un décor, une toile de fond... Alors oui il y a quelques petits pics, mais ils ne sont pas méchants. Je ne voulais pas faire un film "qui balance" et qui tombe dans le cynisme. Je voulais rester dans la comédie, la légèreté. Peut-être parce que je suis encore jeune, que j'ai encore là-dessus un regard naïf et que j'ai le temps pour faire des choses plus "sombres"...

Le film aborde quand même le thème de la démystification et montre que les actrices sont avant tout des femmes...

Oui, de l'extérieur on s'imagine que les stars n'ont jamais de soucis. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, on se rend compte qu'elles sont comme tout le monde. Je connais beaucoup de comédiennes qui se sentent très seules par exemple, alors qu'on les imagine constamment entourées. Emmanuelle Béart dit cette phrase à un moment : "Quand on est une star, les gens peuvent pas imaginer que ca nous arrive d'être seule le soir dans son canapé à pleurer." C'est vrai que j'avais envie de montrer leurs problèmes de tous les jours. Leurs problèmes de cœur, de travail, leur peur de la vieillesse aussi... Des choses auxquelles tout le monde est confronté finalement.

Est-ce-qu'à un moment vous est venu à l'esprit l'idée d'aller jusqu'au bout de votre concept et de placer les stars dans leur propre rôle ?

Au tout début je me suis posé la question, mais je me suis vite rendu compte que les actrices n'auraient jamais accepté sous ces conditions. A certains moments, il arrive que mes personnages parlent de certains détails de leur vie ou de leur personne... leurs fesses par exemple. Comme ils sont fictionnels, ça n'a posé aucun problème à Emmanuelle et Catherine de jouer ces scènes. En revanche, si elles avaient été dans la position de jouer leur propre rôle, ce genre de séquence auraient été impossible à faire. Il y aurait eu trop de retenu de leur part. Comme je voulais qu'elles soient le plus libre possible, j'ai préféré créer tout de A à Z.

On peut trouver des similitudes entre Mes Stars et moi, et A la folie pas du tout, votre précédent film. Notamment en ce qui concerne la thématique.

Tout à fait. Les thèmes centraux de ces deux films sont l'obsession et l'amour à sens unique. Dans mon premier film, c'était une femme seule qui tombait amoureuse d'un médecin marié. Ici c'est un fan obsédé par des actrices... La principale différence entre mes deux films est que Mes Stars et moi est traité de manière comique et légère, là où le précédent était beaucoup plus sombre puisque le personnage central joué par Audrey Tautou était psychologiquement atteinte. Mais cette légèreté n'enlève en rien au message de film, puisqu'à mes yeux ces gens-là ont vraiment un problème qu'il faut soigner.

On dit qu'en France il est très difficile de faire un deuxième film, ça a été le cas pour vous ?

Oui, surtout en comparaison avec mon premier qui s'était monté très vite. J'avais écrit mon scénario, je l'avais envoyé par la poste à un producteur qui m'avait rappelé une semaine plus tard en me disant qu'il aimait l'histoire... et on tournait trois mois après ! Avec Mes Stars et moi, ça a été beaucoup plus compliqué car j'ai mis plus de temps à l'écrire, que le projet était beaucoup plus ambitieux en terme de logistique et qu'il impliquait plus de budget. De plus, vu le titre du projet, il fallait que j'arrive à convaincre des "stars" de participer.

Est ce qu'il y avait des choses que vous souhaitiez expérimenter sur ce film ?

Sur ce film, que je voyais dès le départ comme la réponse comique à mon premier, j'ai beaucoup plus travaillé sur la structure des personnages. J'ai passé plus de temps sur le scénario à essayer de caractériser les personnages, à leur créer une existence propre, la difficulté étant que j'avais quatre personnages principaux à traiter. Donc j'ai passé énormément de temps à l'écriture pour essayer de tous les affiner.

Lorsque vous abordez la caractérisation de Catherine Deneuve, sur quoi vous basez vous pour construire un tel personnage ?

J'ai beaucoup observé les femmes de cet âge là, qui font partie de la génération de nos mères. Pas forcément les actrices, mais les femmes, d'une cinquantaine d'année, qui se retrouve dans une certaine solitude, emprisonnées par leur âge. En tant que femme, ce sont des choses auxquelles je suis sensible.

Pensez-vous que le film aurait pu fonctionner dans l'autre sens, avec une femme fan de trois hommes ?

Il est vrai que mon premier film parlait de l'érotomanie (ndlr : psychose construite autour de la conviction délirante que l'on est aimé par une personne), qui est plutôt une maladie féminine, vu que 80% des personnes atteintes sont des femmes. C'est pour ça que mon personnage central était une femme, jouée par Audrey Tautou. Mais je pense personnellement que ce genre de trouble est plus lié à un âge qu'à un sexe. Ce sont des choses que l'on voit souvent chez les adolescents, qui se cherchent constamment des modèles, des gens à aimer. En temps normal, ce fanatisme ne dure pas longtemps, mais s'il persiste, c'est que la personne touchée souffre quelque part d'une certaine forme de solitude, de difficulté à vivre dans la réalité. Et c'est précisément ce dont souffre Kad dans mon film : il est incapable d'accepter la réalité telle qu'elle est et tout le chemin qu'il va parcourir durant l'histoire va l'amener à réinvestir se vie de tous les jours, avec sa femme, avec sa fille. Contrairement à Audrey Tautou dans mon premier film, qui sombrait dans la folie la plus totale.

Si vous étiez le personnage central du film, quelles seraient vos trois stars ?

C'est une bonne question... Je dirais Meryl Streep, Jane Campion et Roman Polanski. Meryl Streep car c'est une actrice dont je vais voir tous les films depuis que je suis enfant. J'ai une vraie fascination et une admiration énorme pour cette grande actrice de composition. Polanski, car c'est grâce à ses films que j'ai découvert ce qu'était vraiment le travail de mise en scène. Quand j'étais adolescente, j'ai assisté à une rétrospective le concernant dans un cinéma prêt de chez moi. J'y ai découvert Le Locataire, Rosemary's Baby... et en voyant ces œuvres j'ai compris ce que signifiait le "style" d'un réalisateur, car elles n'auraient pu être faites par personne d'autre que lui. Enfin Jane Campion car La Leçon de Piano est mon film préféré et que dans la vie Jane Campion est une femme épanouie, lumineuse et généreuse. C'est un modèle pour moi.

Et si au contraire vous étiez dans la situation d'une des trois actrices du film, harcelée par un fan, comment réagiriez-vous ?

Dans un premier temps je pense que je serais surtout contente et flattée d'avoir un fan ! (rires) Ensuite, passée une certaine mesure, ça peut devenir ennuyeux. Alors, je chercherais à discuter avec lui. Premièrement car j'ai un tempérament assez doux qui m'empêche d'en arriver aux mêmes extrémités que les héroïnes du film, qui vont faire vivre un enfer à Kad, et aussi car, étant fasciné par les personnages obsédés, je chercherais à en savoir plus sur lui et sur son raisonnement. Je serais donc plus dans l'analyse.