Alliés : "Jouer en français a été un enfer pour Brad Pitt" interview de Robert Zemeckis
Le 07/04/2019 à 23:08FilmsActu a eu l'occasion de rencontrer Robert Zemeckis lors d'une table ronde en, compagnie d'autres journalistes pour la sortie d'Alliés en novembre 2016. Le réalisateur de Forrest Gump et Retour Vers Le Futur est revenu avec passion sur sa collaboration avec Brad Pitt et Marion Cotillard et sur le scénario plein de rebondissements de son nouveau film.
Alliés démarre à Casablanca en 1942. Au service du contre-espionnage allié, l’agent Max Vatan (Brad Pitt) rencontre la résistante française Marianne Beauséjour (Marion Cotillard) lors d’une mission à haut risque. C’est le début d’une relation passionnée. Ils se marient et entament une nouvelle vie à Londres. Quelques mois plus tard, Max est informé par les services secrets britanniques que Marianne pourrait être une espionne allemande. Il a 72 heures pour découvrir la vérité sur celle qu’il aime
Voici quelques extraits de notre conversation avec Robert Zemeckis. (Ne cherchez pas de questions sur Retour Vers le Futur 4, Robert Zemeckis a demandé à ce que l'on n'en pose pas)
Le communiqué de presse avance que vous aviez envie de réaliser un film sur la Seconde Guerre Mondiale. Qu’est-ce qui vous a attiré en tant que réalisateur vers cette période de l’histoire ?
Robert Zemeckis : Le press book simplifie vraiment ma motivation. Je ne cherchais pas à réaliser un film de guerre à n’importe quel prix. Ce n’était pas mon intention. Mais j’ai grandi à une époque où quasiment tous les films qui sortaient au cinéma et à la télévision étaient liés à la Seconde guerre mondiale. Sans le vouloir, je suis devenu instruit sur le sujet. Quand le scénario d’Alliés est tombé entre mes mains, j’ai été attiré par le tragique de cette histoire humaine. Bien évidemment, le contexte de la Seconde Guerre Mondiale m’a tout de suite plu. Je me suis dit que c’était quelque chose que je saurais faire. A un moment, je m’étais demandé si je passerai toute ma carrière sans un film sur la Seconde Guerre Mondiale. La réponse vous l’avez !
Le style du film s’est-il imposé dès le début ? A savoir un mélange entre les films de romance à la Capra et autres avec une extrême modernité ?
Je ne choisis jamais un style par film. Celui-ci évolue de façon organique. Il naît de l’histoire et de mon ressenti à la lecture des pages du scénario.
Quelles ont été vos références pour Alliés ? Comme vous le disiez plus tôt, il existe des quantités de films marquants sur la Seconde Guerre Mondiale.
Il y a bien sûr les classiques du genre sur la guerre mais ce qui m’a inspiré, ce sont des films d’archives de l’époque. Spécialement sur Casablanca. C’était une ville où se mélangeaient à la fois les collaborateurs français de Vichy, qui se promenaient habillés de manière très sophistiquée, et les locaux marocains aux costumes traditionnels. Ce contraste était fascinant. J’ai aussi cherché des archives vidéos tournées à Londres pendant le Blitz. Les anglais se promenaient à Picadilly Circus de manière très élégante, les femmes avaient des robes et les hommes des cravates, tout cela alors que la ville était bombardée la nuit. Je voulais voir à quoi ressemblait la vie de tous les jours dans les rues de Londres. Mais le thème universel qui ressort pour moi d’Alliés n’est pas la guerre mais la complexité des relations humaines et romantiques, et notamment la trahison.
Le personnage de Marion Cotillard prend les rênes dès le début. Alliés annonce l’émancipation de la femme qui surviendra après la guerre dans notre société.
Absolument. Le personnage de Marion est le personnage fort de cette histoire. Cela a toujours été le but. Brad lui va tester ses limites pour la femme qu’il aime. Sera-t-il capable de trahir sa patrie en pleine guerre ? Jusqu’à la fin, on ne sait pas ce qu’il va se passer. Brad est si amoureux de Marion qu’il met sa vie et sa famille en danger. Il est aveuglé par l’amour. Elle a plus de force et est prête à sauver les deux êtres qu’elle aime le plus au monde. Ce qui m’attire à chaque fois dans un film, ce sont les personnages. Je suis attiré par les histoires dramatiques en tant que conteur.
Qu’est ce qui est le plus difficile pour vous aujourd’hui avec votre expérience ? Les scènes de guerre ou les scènes dramatiques ?
Les scènes dramatiques. Toujours. Les grandes batailles sont complexes, longues à préparer et à filmer, mais les scènes qui demandent aux acteurs de faire preuve d’émotion sont les plus stressantes car vous ne savez pas ce qui va réellement se passer. C’est comme de regarder un talentueux musicien jouer. Quand vous demandez à un acteur de se mettre à nu, on ne sait jamais où il nous mènera.
C’est votre second film de suite où vous utilisez des acteurs américains pour interpréter des personnages supposés parler couramment français voir être francophones. Les nombreuses scènes en français ont t'elles été difficiles pour Brad Pitt ?
Oh oui ! Le plus difficile pour un acteur est de jouer dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Mais Brad s’est vraiment impliqué. Il a une maison en France et a voulu apprendre le français aussi bien que possible. Ce qui est difficile est qu’il jouait ses scènes en français avec Marion qui est un génie linguistique et qui parle français avec tous les accents possibles. Brad lançait ses répliques puis lui demandait d’un regard si c’était bien, et elle répondait peu convaincue « mouais… ». C’était compliqué oui. Pour répondre à votre question, je n’arrive pas à croire que j’ai fait deux films de suite avec cette galère ! Je suis une sorte de masochiste.
Vous pourriez réaliser un film tout en français comme vient de le faire Paul Verhoeven ?
Pourquoi pas. On ne sait jamais. Cela pourrait arriver…
Avec le recul, savez-vous pourquoi vous faites tel film à tel moment ?
N’ayant jamais été cantonné à un genre de film précis, je me suis posé cette question de nombreuses fois. J’en suis venu à comprendre que les réalisateurs et les scénarios, c’est comme une histoire d’amour. Elles surviennent. On ne sait pas pourquoi on tombe amoureux d’un scénario, pourquoi certains fonctionnent et d’autres pas. Je ne planifie rien. Le coup de foudre arrive comme ça. Parfois sur le tournage je me demande justement pourquoi je fais ça, pourquoi je me lance de tels défis. Peut-être par ce que je suis réellement masochiste. Je n’ai jamais réalisé de films faciles. Ils ont toujours été accompagnés de défis techniques ou scénaristiques.
Justement quel a été votre film le plus difficile à réaliser ?
Roger Rabbit. Et de loin. C’était comme si je réalisais trois films en même temps. Un film noir, un dessin animé et une comédie. C’était vraiment le film où je me suis parfois demandé pendant le tournage si on savait ce que l’on faisait. Qui veut la peau de Roger Rabbit demeure mon tournage le plus terrifiant et le plus éprouvant.
Quelles sont vos espionnes ou espions préférés au cinéma en dehors de Marion Cotillard ?
J’en ai deux en tête mais ils ne sont pas au cinéma. Pendant la guerre de sécession américaine, une espionne qui travaillait contre les Confédérés n’a jamais été découverte car elle était tellement belle que les soldats baissaient leur garde devant elle et lui parlaient ouvertement. Mon second était actif pendant la révolution Américaine. Il était me serviteur personnel de George Washington. C'était un noir qui parlait couramment l’allemand. Les anglais avaient envoyé des soldats germaniques se battre contre les troupes de Washington. Cet homme était envoyé chez les ennemis et aucun d’entre eux ne se doutait qu'il parlait allemand. Il a donné à Washington toutes les infos avant la traversée de la Delaware River (du 25 au 26 décembre 1776).