Interview croisée Frontière(s) / A L'intérieur
Le 18/02/2008 à 17:53Par Michèle Bori
Le hasard du calendrier fait parfois bien les choses.
Il y a deux semaines, nous vous proposions une interview de Xavier Gens (que vous pouvez retrouver ici), accordée par le réalisateur à quelques jours de la sortie de son film Frontière(s). Surprise : en fait, il ne s'agissait là que d'une partie de son entrevue. En effet, au même moment, Arnaud Mangin faisait une interview de Julien Maury et Alexandre Bustillo pour la sortie en DVD de leur premier film A l'intérieur. L'occasion était trop belle.
Voilà donc ce qu'il s'est passé. Connaissant le goût prononcé des trois réalisateurs pour le cinéma de genre, nous avons dressé une liste de films sortis l'année dernière pour qu'ils nous disent un peu chacun ce qu'ils en pensent. Et voici ce que cela a donné.
GrindHouse
Bustillo / Maury : C'est un exemple particulier parce que, plus qu'une
démarche artistique, c'est un hommage ouvert et un exercice de style. C'est
même dommage que ce film ne soit qu'un happening parce qu'au final, c'est quand
même très réussi, surtout Planète Terreur. En tout cas, Rodriguez a joué
le jeu jusqu'au bout là où Tarantino a fini par faire du Tarantino, même si
j'adore l'idée des cascades réelles. Mais historiquement, dans l'histoire du cinema
de genre, ça reste encore trop inoffensif.
Gens : Aie c'est délicat ! J'ai adoré, mais en même temps j'ai détesté.
Je trouve qu'il y a un côté vraiment jouissif dans le traitement, mais en même
temps, les films se moquent tellement du genre que j'ai été déboussolé. J'ai
trouvé quelques idées très bonnes mais vraiment pas à propos... Le
problème est que Rodriguez et Tarantino ont vu plus grands que le genre qu'ils
abordaient.
Halloween
de Rob Zombie
Bustillo / Maury : On est fans de l'original, mais le remake - surtout
le workprint - est un film ultime à nos yeux. Rob Zombie est probablement l'un
des meilleurs réalisateurs de films d'horreur actuellement aux Etats-Unis, et
il a parfaitement su compléter le film de Carpenter en revisitant
intelligemment le mythe de Michael Myers. C'est un film qui a parfaitement
saisi les fondements de ce que doit proposer un film d'horreur. Vraiment le
genre de film qu'on aurait aimé réaliser...
Gens : Workprint ou salle ? (rires) Le Workprint est un
petit chef d'œuvre, surtout la première partie qui est mortelle. C'est très dur
de faire un remake, puisqu'on arrive toujours à un moment où il faut se
confronter à l'original. Zombie aurait peut-être dû faire un nouveau Myers de A
à Z sans chercher à reprendre des scènes de l'original. Mais en tout cas, c'est
une vraie résurrection.
28 Semaines plus tard
Bustillo / Maury : Rien à voir avec le précédent. C'est un film totalement différent mais ça reste vraiment mortel et efficace.
Gens : Petit chef d’œuvre. Pour moi, un des meilleurs films de l’année.
Massacre à la tronçonneuse : Le commencement
Bustillo / Maury : Alors là, c'est de la merde. Vraiment une relecture complètement pourrie. Pourtant Jonathan Libiesman, on aime beaucoup son premier film Nuit de terreur. Mais là, qu'il aille se faire enc**** ! Le premier était pourtant bien ficelé et fun à regarder, mais là on se fout totalement des attentes du public. Il a été à l'encontre de ce qu'a justement fait Rob Zombie sur Halloween. D'un côté, il y en a un qui a tout compris en se réappropriant un personnage, et de l'autre, on te fait le portrait d'un pauvre teubé qui coupe de la viande et qui se sert d'une tronçonneuse comme d'un balai à chiotte.
Gens : Une grosse purge, c'est scandaleux de faire des films comme ça.
Le film de Niespel était trop commercial mais avait des qualités, alors que
celui-là est tout simplement honteux. C'est comme la Colline a des yeux 2
où je n'ai pas tenu tout le film. Que Wes Craven arrête de recycler les
films qui ont fait son succès. Quand je repense à ce qu'Aja voulait faire de La Colline a des yeux 2,
ça me fait mal...
Bustillo / Maury : Fun ! On l'a même trouvé vachement bien. En revanche, niveau réal, c'est juste le degré zéro, avec seulement des champs / contre champs et pas un seul mouvement de caméra. C'est peut être encore la seule chose qui nous gène vraiment chez Eli Roth.
Gens : Largement meilleur que le 1er. Je trouve qu'Eli Roth a enfin compris
la voie qu'il devait prendre pour traiter le genre. Dommage qu'il ait tellement
perdu en crédibilité sur ses deux premiers films.
Bustillo / Maury : Vingt minutes de film seulement. On adore le premier, on a encore un peu d'affection pour le second, mais ça s'arrête là... On les a rencontrés, les mecs de Saw, et ils nous ont proposé... Enfin disons plutôt qu'on a parlé. Et on ne fera jamais un Saw ! (Rires) A la limite, on n'aurait pas complètement craché sur Saw 6 pour rigoler, mais c'est un peu light pour commencer une carrière Hollywood.
Gens : Les Saw 2, 3, 4 sont des films qui ont fait
beaucoup de mal au genre. Ce sont des films ultra commerciaux qui ne font que
surfer sur une vague de porn-horror. Le pire c'est que les gens vont
voir ces films et finissent pas assimiler des films comme Saw ou Hostel à de vrais films de
genre honnêtes dans leur démarche... comme le Halloween de Zombie par exemple,
qui lui n'a pas marché. Du coup, tous ces films se retrouvent dans le même
panier, alors qu'il n'y a pas photo entre les deux.
Frontière(s)
Bustillo
/ Maury : On a
pu le voir à Sitges et ce qu'on s'est surtout dit, c'est que ça fait vraiment
plaisir de voir un film français comme celui-ci. On l'a vraiment pris comme un
bon tour de train fantôme fun, bordélique, généreux et qui part dans tous les
sens. C'est un film qui ressemble beaucoup à Xavier en tout cas.
À l’intérieur
Gens : Un film super honnête. Certainement le film le plus frontal et brutal que j’ai vu depuis longtemps. Ils ont été à fond dans leur démarche et ça se sent. Il fallait vraiment des grosses c******* pour faire un film comme celui-ci.
Entretiens réalisés par Arnaud Mangin et Pierre Delorme