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Interview de Wes Anderson

Le 23/06/2010 à 18:11
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Interview de Wes Anderson Disponible depuis le 23 juin dans les bacs, Fantastic Mr. Fox est la première incursion du réalisateur Wes Anderson dans le domaine de l'animation. Habitué aux chroniques familiales comico-dramatiques (Rushmore, La Famille Tennenbaum, La Vie Aquatique, A Bord du Darjeling Limited), Anderson s'attaque à un récit de Roald Dahl (Charlie et la chocolaterie), proche de son univers, en y inculquant sa patte. Et ça, ça donne Fantastic Mr. Fox, un film d'animation pas comme les autres.

Interview de Wes Anderson

Comment trouvez-vous et développez vous vos idées ? Pour A Bord du Darjeeling Limited par exemple, on dirait que vous êtes partis de l'idée de trois frères plutôt que de celle d'un scénario spécifique...
Wes Anderson : Exactement.  Nous n'avons pas commencé avec une histoire. Nous avons commencé avec une situation et une émotion. J'avais en tête l'idée de ces trois frères dans un compartiment de train et l'idée du conflit. Sans plus de détails. Quasiment tous mes films, à l'expception de Mr Fox, commencent avec quelque chose de ce genre. Pour La Famille Tenenbaum par exemple, tout est parti de l'idée de ce frère et cette sœur séparés depuis des années et qui se rencontrent pour la première fois. Elle descend d'un bus et il l'attend. Je ne savais pas d'où elle venait ou d'où il venait lui. J'avais juste l'idée de l'émotion que dégageait cette scène. J'imagine que toute histoire a une origine.
Lorsque j'étais à la maison de Roald Dahl pour écrire le scénario de Mr Fox, j'ai beaucoup feuilleté ses carnets de notes. Ils étaient remplis d'idées d'histoires : à chaque fois je me disais que ça aurait pu être une histoire géniale ! Roald Dahl démarre avec une histoire. Moi, avec une ambiance.

C'était vraiment important pour vous d'écrire le scénario du film dans la maison de Roald Dahl ?
J'ai juste imaginé que ce serait inspirant pour Noah et moi de démarrer là bas. Et d'une, ce serait juste très confortable et relaxant. C'est un endroit magnifique. Mais finalement nous avons littéralement modélisé le film autour de cet endroit et ses alentours. Nous avons même fouillé les archives de Roald Dahl et la fin est inspiré de son premier manuscrit de Mr Fox qui n'a jamais été publié : Dahl est devenu notre terrain d'exploration.

J'ai entendu dire que Dahl était votre inspiration pour le personnage de Mr Fox mais aussi celui du fermier Bean...
Physiquement, Bean a des habits quasiment similaires à ceux de Roald Dahl. Son visage est un mix entre Roald Dahl et Michael Gambon. Et pour tout vous avouer, le seconde fermier est inspiré de Donald Pleasance, et le troisième de Charles Laughton mais avec une moustache.

Interview de Wes Anderson

L'aspect paternel que l'on retrouve dans tous vos films vous a attiré dans le personange de Mr Fox ?
Oui, j'adorais le personnage. Et je pense que ce que j'aime le plus chez ce personnage est un élément récurrent chez Roald Dahl : ce sont des pères qui cherchent à sortir un peu de leur rôle, à poursuivre quelque chose d'autre, à casser les règles. Il y a une anarchie chez Dahl, surtout dans ses livres pour enfants, et en lui. On s'en rend surtout compte dans ses autobiographies. Plus vous le connaissez, plus vous comprenez qu'il n'acceptait pas les règles des autres.

C'était facile de transformer une histoire de Roald Dahl en une histoire de Wes Anderson ?
Je ne voulais surtout pas faire une "histoire de Wes Anderson". Je voulais faire une histoire de Roald Dahl. Evidemment, puisque je m'en charge moi, on reconnaît un peu ma patte sans doute. Les gens me disent toujours "Je peux dire que c'est de toi ça".

Sans doute surtout parce que Mr Fox explore l'un de vos thèmes de prédilection : la famille...
Le livre parle de la famille, mais c'est vrai que Noah et moi avons rajouté de notre expérience dedans. En écrivant le scénario nous recherchions évidemment à ce que l'on ressent que cela pouvait être écrit par Roald Dahl. Mais comme nous avons sollicité notre propre imagination, on peut croire à "un film de Wes Anderson".

Interview de Wes Anderson

Rassembler un tel casting était facile ?
Absolument pas ! Mais on s'en est bien sortis. Normalement rassembler un tel groupe d'acteurs demande beaucoup de temps et de chance. Avoir dès le départ Bill Murray et Jason Schwartzman, des amis de longue date, a aidé. Mais c'est lorsque George Clooney est arrivé à bord que le casting a fait un bond : Meryl Streep était soudainement intéressée par exemple.

Ca devait quand même être plus simple de monter ce casting que celui de Rushmore...
Sur Rushmore, à part Brian Cox dans un petit rôle, le film repose sur un seul acteur connu : Bill Murray. Nous avions failli ne même pas essayer de le contacter car on nous avait dit qu'on ne l'aurait jamais, qu'il ne lirait jamais le script. En plus je connaissais quelques personnes qui n'avaient effectivement même pas réussi à lui faire lire un script. Pour je ne sais quelle raison il a lu notre script deux jours après que nous le lui ayons envoyé et il nous a répondu dès le lendemain : "Ouais, je le fais.".  Nous n'avions pas beaucoup de budget alors nous lui avons demandé "Combien avez-vous besoin d'être payé ?". Et il a répondu "Je serais payé ce que les autres seront payé.". Il a donc touché environ 9.000$ pour Rushmore. Bon, comme le film a quand même rapporté un peu d'argent, il en a aussi gagné plus tard car il était intéressé aux recettes. Mais son salaire de base n'était que de 9.000$.

Les stars peuvent rendre la vie difficile à un réalisateur sur un plateau non ?
Tout dépend de l'acteur ! Si George Clooney avait voulu nous rendre la vie difficile, il aurait largement pu. Mais il ne l'a pas fait. Au contraire, on s'est vraiment amusé avec lui. Ce n'est pas forcément une surprise puisque ça se voit qu'il aime s'amuser. Il est rapidement devenu ami avec tout le groupe.
La première fois que nous nous sommes tous retrouvés, c'était en Italie. Pour certaines raisons, j'ai dû partir et George est resté avec Bill. Dix jours. Sans travailler sur le film. Juste pour le plaisir. George a ensuite participé à toutes les répétitions, ce qu'une star pourrait refuser. Il a vraiment travaillé son rôle et ça se ressent d'ailleurs dans sa voix : dans la salle de montage, sa performance transpirait de sa voix.

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Qu'aviez vous en tête au moment d'enregistrer les acteurs ?
Je voulais qu'ils soient le plus naturels possibles, comme pour un documentaire, autant que faire ce peut. C'est pour cela que nous avons enregistré les voix dans des lieux naturels plutôt que dans un studio. Ca leur a permis d'être ensemble, de parler ensemble, dans un environnement naturel. C'est totalement inhabituel comme méthode ! (ndlr, normalement pour un film d'animation, les acteurs sont enregistrés séparément et dans un studio d'enregistrement)

C'est intéressant de voir que votre film arrive au même moment que Max et les Maximonstres de Spike Jonze. Vous pensez que ces films ont quelque chose en plus à proposer par rapport aux autres ?
Nos deux films sont fait par des gens qui ne font pas des films pour la famille, ou des films d'animation et qui sont plus habitués à des films personnels. Je n'ai pas encore vu le film de Spike mais j'ai hâte. Il a l'air super !

Comment vous êtes vous assuré que le film reste "spontané" ?
Il y a plusieurs méthodes. D'abord au moment de l'enregistrement des voix des acteurs : il y a plus de chances d'avoir des "accidents" intéressants si vous n'êtes pas en studio.
Autrement l'animation stop-motion n'a rien à voir avec l'animation par ordinateur, où vous pouvez tout anticiper. On rencontre des difficultés inédites, des éléments auxquels on n'avait pas pensé comme le poids d'une marionnette par exemple. La moindre expression de visage dépend souvent de la poupée elle-même, de ses capacités, dont vous n'avez pas forcément conscience avant le début du tournage. Vous passez des mois à réaliser le design des poupées et à les faire créer, et c'est seulement après, au moment des tests d'animation, que vous vous rendez compte qu'elle ne peut pas sourire ! Certaines poupées ne pouvaient pas parler dans leurs premières versions. C'est totalement imprévisible !

Un film avec de vrais acteurs a forcément des scènes coupées. Vous en aviez pour un film d'animation comme Fantastic Mr Fox ?
En théorie, nous ne devrions pas en avoir sur un film d'animation ! Chaque scène coupée représente tellement de travail... et pourtant nous en avons beaucoup. Nous avons eu des idées qu'à un moment nous estimions judicieuses et qui ne l'étaient finalement pas. Par exemple nous avions un moment un narrateur et j'avais décidé que ce serait Jarvis Cocker. J'ai écrit son texte, nous l'avons inclus dans les storyboards, je lui ai fait enregistrer sa voix et nous l'avons monté. C'était un narrateur bien visible à l'écran dont la poupée parlait et chantait. Dès le départ nous avons dû changer la poupée car elle pouvait parfaitement parler mais était meilleure au chant. Nous avons ensuite enfin commencé l'animation, nous avons tourné pendant deux semaines. Malheureusement j'ai eu une idée pour améliorer le film qui a totalement rendu caduque la présence d'un narrateur. J'ai dû couper toutes ses scènes. Elle seront sur le DVD (ndlr, l'interview a été réalisée au moment de la sortie du film au cinéma : les scènes ne sont finalement pas sur le DVD ni sur le Blu-Ray).

Vous êtes fans de technologie ? Les effets spéciaux, les Blu-Ray, ...
Je n'ai pas beaucoup de Blu-Ray pour le moment mais ça va vite changer. J'adore les films Pixar. Je suis littéralement fasciné par ces films où on voit parfaitement qu'ils ont inventé un process où chacun d'entre eux n'a cessé d'être muri et amélioré pendant sa fabrication, surtout au niveau de l'écriture. Avec un film fabriqué sur ordinateur, vous pouvez commencer par un brouillon du film complet. Et en le réécrivant sans cesse, ils en changent le déroulement, l'animation, ils l'affinent sans cesse. Ils ne perfectionnent pas un plan pour passer ensuite au suivant : le film dans sa globalité est préparé et sans cesse amélioré dans sa globalité.

Vous seriez tenté par réaliser un autre film d'animation ?
Absolument. Mais pour l'instant je veux revenir à du live pour mon prochain.






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