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Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

Le 28/05/2009 à 12:08
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Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

A l'occasion de la sortie en salles cette semaine de Sword of the Stranger, nous avons eu l'occasion de rencontrer son réalisateur, Masahiro Ando. Ce film d'animaiton, qui est aussi son premier long métrage, est un chambara, ce genre classique du cinéma japonais qui arriva jusqu'à nous en 1955 grâce à Akira Kurosawa et ses Sept Samouraïs . Plus récemment, Takeshi Kitano l'avait fait renaître avec sa relecture de Zatoichi.

Sword of the Stranger est un film parfois violent, parfois attendrissant, qu'il faut voir plusieurs fois afin d'en apprécier pleinement chaque minute, chaque visionnage permettant la découverte de détails qui enrichissent l'action et la réflexion. Sa sortie sur grand écran dans son format originel, mercredi 27 mai 2009, contribue aussi à rendre un vibrant hommage à l'animation traditionnelle.


Filmsactu : Quel a été votre parcours dans l'animation ?

Masahiro Ando : Cela fait vingt ans que je travaille dans ce milieu. J'y suis entré après le lycée à l'âge de dix-huit ans. Les dix premières années, j'ai travaillé en tant qu'animateur, notamment sur des projets comme Ghost in the Shell, Evangelion, Patlabor ou Cowboy Bebop. Depuis dix ans, je m'occupe de la mise en scène de séries télévisées telles que Fullmetal Alchemist.

 

Quelles sont vos sources d'inspiration ?

Avant de travailler dans le milieu de l'animation, j'étais inspiré par de nombreux films et séries animés. Depuis que je suis animateur moi-même, ce sont plutôt des films en prises de vue réelles qui m'attirent. Je pense que pour réaliser un film d'animation, il faut aller chercher ses idées dans des genres différents. Cette démarche participe à stimuler la créativité. Pour parler de Sword of the Stranger, les films d'époque que j'ai vus dans mon enfance m'ont beaucoup influencé. Cela faisait longtemps que j'avais l'idée de ce film et j'ai donc multiplié les sources d'inspiration.

 

Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

 

Quel fut l'élément déclencheur de la réalisation de Sword of the Stranger ?

On ne fait pas un film seul, en particulier lorsqu'il s'agit d'un film « commercial » : il est nécessaire de travailler en équipe. Pour cela, il faut un producteur. Le film a pu se faire grâce à la proposition de monsieur Minami, producteur du studio Bones, qui avait notamment produit des films comme Cowboy Bebop. Il m'a demandé un jour si je n'avais pas une idée de film. C'est comme cela que je lui ai proposé ce projet. Je souhaitais depuis longtemps réaliser un film d'époque. Certes, il s'agit d'un genre très classique mais je voulais faire un film moderne. Ma proposition l'a tout de suite séduit.

 

Sword of the Stranger était-il envisagé dès le départ comme un long métrage ou avez-vous pensé en faire une série ?

Au départ, nous avons commencé à travailler sans savoir si cela donnerait un film ou une série télévisée. Nous avons tout d'abord réalisé un pilote pour montrer qu'il s'agissait d'un film d'époque en animation. Le scénariste et moi étions d'accord pour en faire un long métrage. Nous étions conscients qu'un film d'époque demande énormément de travail : le seul fait de dessiner toutes les armures des guerriers est long et très compliqué. Si l'on travaille autant, c'est qu'on a pour objectif une sortie en salles. Nous avons exprimé cette envie à M. Minami, qui a immédiatement approuvé. Cela m'a fait très plaisir.

 

Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

 

Sword of the Stranger est votre premier long métrage en tant que réalisateur. Quelle expérience en retirez-vous avec le recul ?

J'ai réalisé ce film, c'est fini (rires). C'est un peu comme s'il m'avait quitté. Je travaille maintenant sur d'autres projets. Et je me dis aujourd'hui que grâce à Sword of the Stranger, je me sens léger. C'est-à-dire que comme je suis entièrement satisfait d'avoir fait tout ce que je voulais, même si aujourd'hui je travaille sur un projet que me satisfait moyennement, j'ai ce film et je peux toujours y revenir. Cette pensée m'aide au quotidien.

 

L'immortalité, l'invincibilité ou la soif de pouvoir semblent être les moteurs de nombreux protagonistes, tandis que le héros atteint la rédemption lors du final. Avez-vous voulu donner une dimension philosophique, voir bouddhiste à votre œuvre ?

Ce n'est pas vraiment le message philosophique ou bouddhiste que je voulais montrer car les moines du film peuvent tout à fait trahir l'enfant. Je voulais montrer qu'ils pouvaient être vaincus par leur propre faiblesse. Or peu importe l'époque ou le pays, il faut vivre selon nos propres convictions. Dans Sword of the Stranger, il suffit de voir les personnages de Nanashi, Kotaro ou Luoran : ce n'est pas vraiment la voie bouddhiste qui les guide mais davantage l'individualisme dans le bon sens du terme. Lorsque l'on croit à ses propres convictions, on peut arriver à quelque chose.

 

Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

 

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en termes d'animation ?

Le plus délicat était de rendre le film le plus réaliste possible. Comme tout est dessiné, il faut que l'on ressente un certain réalisme, que les spectateurs puissent s'identifier à ces personnages. Et dans cet univers fait de faux, il faut maintenir une certaine tension tout au long du film, ce qui était également difficile. Je ne peux pas donner d'exemples précis mais c'est sur l'ensemble du film que réside la difficulté. Même sur un film d'animation, je veux que tout paraisse vrai, réel.

 

L'animation est réalisée à partir d'une feuille blanche et permet toutes les fantaisies imaginables. Pour quelle raison avez-vous choisi des prises de vue pratiquement réalisables caméra au poing ?

Tout d'abord, je travaille dans l'animation 2D, c'est la technique que je connais. Mais je voulais relever une sorte de défi, voir jusqu'où l'on pouvait aller, et ce même si un film d'animation est forcément moins réaliste qu'un film en prises de vue réelles.

 

Les chorégraphies de vos combats sont très fluides et rapides. Ont-elles été influencées par le cinéma de Hong Kong ?

Je dois vous avouer que je n'aime pas trop les films d'action qui utilisent des câbles. Il ignorent complètement la force de gravité, les masses et les possibilités réelles des êtres humains. Je voulais aller plus loin tout en respectant ce potentiel humain. Mais en ce qui concerne le cinéma hongkongais, j'aime beaucoup le film de Tsui Hark qui s'intitule The Blade. Il montre simultanément la rapidité du sabre et son poids. J'ai pris ce film comme référence.

 

Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

 

Pensez vous que la 3D telle qu'on peut la voir dans Appleseed, Freedom ou  Kakurenbo, supplantera l'animation traditionnelle ? Ou bien qu'elle en deviendra un  complément comme le démontre la série récente Ride Back où son intégration vient de franchir un grand pas ?

Dans l'histoire du cinéma, on a observé des évolutions technologiques considérables. Le cinéma muet est devenu parlant, le noir et blanc est devenu couleur... Mais je suis sûr et certain que le dessin-animé en 2D existera toujours malgré les progrès de la 3D. Car à mes yeux, l'acte de dessiner est essentiel dans la vie des êtres humains. Lorsque l'appareil photographique a été inventé, beaucoup de gens ont dit que la peinture allait disparaître car il suffisait alors de prendre une photo au lieu de dessiner. Mais la peinture n'a jamais disparu. L'appareil photo reste, la peinture reste, tout peut rester car c'est l'acte de dessiner qui est conservé. Aujourd'hui sur Internet on peut lire plein de choses, cela ne veut pas dire que les livres ont disparu. Ce n'est pas la 3D qui va faire disparaître la 2D. Dans le cinéma d'animation, les deux continueront à coexister sans se faire concurrence. Ce sont deux techniques complémentaires, même s'il arrive de faire appel à la 3D pour des raisons d'efficacité ou pour rechercher une certaine rationalité. En ce qui me concerne, j'aurai toujours recours à la 2D. Ce qui ne veut pas dire que je déteste les films en 3D car j'apprécie les films comme Wall-E et Cars. Mais je ne peux pas m'empêcher d'aimer le coté imparfait et artisanal des films en 2D.

 

Vous avez réalisé un long métrage. Avec Canaan, qui sera diffusé au Japon en 2009, vous travaillez sur une série télévisée. Quelles sont pour vous les différences de méthode entre ces deux formats ?

Sur un film, le travail consiste à faire tenir toute l'intrigue dans une durée de 90 minutes. Sur une telle durée, il y a environ 1600 plans et je n'ai droit à l'erreur sur aucun d'entre eux. A l'inverse, avec une série télévisée on dispose souvent de 13 ou 26 épisodes et on travaille au fur et à mesure. Tout au long du processus de réalisation, je peux faire des essais, effectuer des modifications en cours de saison. Si le dernier épisode atteint un bon niveau de qualité, les éventuels défauts sont acceptés. Le fait de pouvoir améliorer la réalisation petit à petit de cette façon représente le côté attractif des séries télévisées. C'est une autre approche et je me sens plus léger quand je travaille pour la télévision. Et physiquement, ce n'est pas mal non plus de temps en temps (rires).

 

Sword of the Stranger : Interview de Masahiro Ando

 

Quel regard portez-vous sur le monde de l'animation japonaise actuel ?

Aujourd'hui on sait exactement quel est le public des oeuvres d'animation, en particulier à la télévision et en DVD. Les créateurs en viennent à cibler automatiquement ce public, c'est pour lui qu'il créent les robots ou les jolies filles. De ce fait, il n'y a pas de prise de risque mais il n'y a pas d'avenir non plus. Sword of the Stranger est un des rares films à ne pas entrer dans ces catégories. Aujourd'hui la majorité des films d'animation se ressemblent beaucoup.

 

Avez-vous des projets d'animation à venir ?

Je souhaite continuer à travailler pour le cinéma et je suis à l'affût de toutes les opportunités. J'ai pu réaliser Sword of the Stranger pour une sortie en salles mais je ne voulais pas pour autant arrêter de travailler pour la télévision. Je trouve un peu idiot de se dire : « Je suis devenu réalisateur de cinéma alors j'arrête la télévision ». Travailler pour la télévision me permet de continuer d'apprendre à diriger une équipe.

 

Auriez-vous un mot pour le public français ?

Les séquences d'action de Sword of the Stranger sont assez violentes mais le film ne se limite pas à ça. Il s'agit avant tout d'un film de divertissement et j'espère que le public français va prendre plaisir à le regarder. En le revoyant, on remarque des éléments que l'on n'avait pas remarqués la première fois. C'est un film qui permet d'avoir du plaisir à chaque fois qu'on le visionne. Je l'ai réalisé pour le cinéma et il faut absolument le voir sur grand écran. Je vous assure que d'ici quelque temps, il n'existera plus de films d'action en 2D de ce type. Même si je retravaille avec la même équipe, un film de cette qualité ne sera pas réalisé avant quelques années. Il ne faut pas rater Sword of the Stranger !

 

Propos recueillis par Frédéric Frot

 








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