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Interview : Yoshiyuki Sadamoto

Le 04/08/2008 à 08:34
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Interview : Yoshiyuki Sadamoto

Yoshiyuki Sadamoto est l'un des fondateurs du studio GAINAX, l'un des plus importants actuellement dans le milieu de l'animation japonaise. Après avoir débuté sur Les Ailes d'Honeamise, Sadamoto se lance dès 1990 dans la série Nadia, le secret de l'eau bleue, avant de s'atteler à la série culte Neon Genesis Evangelion. Pour cette dernière que l'on ne présente plus, il a non seulement créé les personnages, devenus emblématiques de toute une période de la japanimation, mais a aussi réalisé le manga papier. Yoshiyuki Sadamoto a aussi assuré le character design de La Traversée du Temps, petit bijou d'animation produit par les studios MADHOUSE, et a apporté sa contribution artistique au projet .hack.

Invité le mois dernier à la Japan Expo 2008 en partenariat avec Dybex, Yoshiyuki Sadamoto a gentiment accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.

 

FilmsActu.com : Depuis la création du studio GAINAX, qui fête ses vingt ans aujourd'hui, avez-vous l'impression que l'esprit d'origine a été conservé ?

Yoshiyuki Sadamoto : Lorsque le studio GAINAX a été créé, nous étions tous un groupe de passionnés entrant de plein pied dans le monde de l'animation. Aujourd'hui, en 2008, le noyau dur du studio GAINAX est formé par des personnes qui nous ont suivis il y a vingt ans et qui sont entrées dans le milieu parce qu'elles appréciaient nos productions. Mais même avec 20 ans d'écart, nous partageons les mêmes motivations, la même passion, les mêmes rêves. Finalement, la ligne directrice elle-même n'a pas fondamentalement changé. Bien sûr, elle s'est adaptée aux lois du marché, mais si l'on compare le studio tel qu'il est à présent avec ce qu'il était au moment de sa création, il n'y a quand même pas énormément de différence.

 


Interview : Yoshiyuki Sadamoto

Neon Genesis Evangelion - Edition Platinum (Dybex)

 

Est-il toujours possible de débuter dans le milieu de l'animation comme vous l'avez fait à l'époque sur les Daicon, en réalisant les animations d'ouverture, ou faut-il à présent obligatoirement passer par les écoles ?

En fait, lorsque je suis entré dans le milieu, c'était en dilettante puisqu'on m'avait demandé d'aider à la production des épisodes de Macross. Je me suis donc retrouvé là-dedans un peu par hasard. Aujourd'hui, les choses sont un peu plus difficiles. Bien sûr, il est toujours possible de débuter de la même manière, le milieu manquant tellement de personnel que l'on ne jette personne dehors. Mais il faut savoir que pour travailler dans ce milieu, il faut une volonté de fer, une endurance de titan et une bonne résistance à la pression. Il faut être vraiment motivé. C'est surtout cela qui compte parce que c'est vraiment un monde très dur. Une fois cette phase difficile surmontée, les choses se passent bien. Maintenant, si beaucoup de gens passent par des écoles de formation, c'est parce que le métier ne forme malheureusement plus le personnel lui-même. Nous n'avons tout simplement plus le temps. Les difficultés qui rongent actuellement le monde de l'animation sont vraiment énormes. Aujourd'hui, il n'est pas rare que tout le travail d'animation et d'intervalles soit sous-traité dans d'autres pays qui travaillent pour moins cher. C'est pourquoi, si nous voulons nous montrer compétitifs, nous devons baisser le prix du travail chez nous et c'est impossible. A moins de vivre chez ses parents, un animateur ne peut pas supporter un salaire aussi bas, surtout à une telle cadence et dans de telles conditions. Ensuite, toutes ces écoles forment des animateurs mais selon un même moule. Dans certains cas, les animateurs fraîchement moulus sont même formés uniquement à un style de dessin donné puisqu'ils travaillent sur des oeuvres déjà existantes. Tant que ce style marche, ils continuent à le reproduire mais cela ne leur laisse aucune possibilité créative. Ils deviennent des Ranxerox qui copient des styles déjà existants et ne peuvent pas s'affirmer en tant qu'artistes.

 

Interview : Yoshiyuki Sadamoto

 

GAINAX a tout de même mis en avant des styles originaux, comme c'est le cas avec la série Fuliculi. Avez-vous à cœur de maintenir un esprit hors normes ?

Bien sûr, le studio GAINAX essaie de produire des oeuvres originales, notamment la série Gurren Lagann, qui a connu suffisamment de succès pour que son adaptation long métrage arrive à la fin de l'année. Le problème ne vient pas tant du fait de pouvoir faire des originaux ou des adaptations mais du manque de personnel capable de porter des projets vers les télévisions et de le leur vendre. Si l'on est capable de montrer aux chaînes de télévisions qu'une idée peut marcher, que c'est dans leur intérêt de la financer, il n'y a en général pas de souci à se faire. La télévision diffuse énormément de séries et toutes ne font pas des hits. Mais ce qui manque aux studios d'animation, c'est de la bonne promotion. Les studios n'ayant pas assez de personnes suffisamment motivées et douées pour proposer des projets inédits, nous nous orientons souvent vers des personnages déjà existants, qui ont déjà fait leurs preuves, afin de limiter les risques. En fin de compte, plus que des télévisions, le problème vient des studios eux-mêmes.

 

Certains de vos personnages, notamment Rei de Evangelion, sont devenus tellement célèbres que même si l'on n'a pas vu les séries correspondantes, on connaît très bien leur visage. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ce phénomène, étant donné que ce sont vos personnages ?

En fait, je ne me considère pas comme étant complètement à l'origine de ce phénomène. C'est un travail collectif et un enchaînement de circonstances qui se sont faits sur plusieurs années. Il y a tout d'abord le timing qui voulait que ce personnage cartonne parce qu'à ce moment-là il n'y en avait pas d'autre. Il y a aussi le projet et la qualité de son scénario. Enfin, il ne faut pas sous-estimer la qualité de jeu de l'actrice qui prêtait sa voix et incarnait ce personnage (NDLR : Megumi Hayashibara). Selon moi, ce succès est le résultat d'un enchaînement complexe qui a abouti à un équilibre que l'on n'obtient peut-être qu'une fois toutes les morts de papes. C'est grâce à tout ce travail commun que le personnage est devenu une icône que les gens apprécient autant. En aucun cas je ne revendique la paternité des personnages d'Evangelion.


Interview : Yoshiyuki Sadamoto

Quel a été votre travail sur la saga .hack ?

De la même manière, je dois d'abord préciser une chose importante sur ma position. Je suis certes intégré au sein du studio GAINAX. Mais comme vous avez dû le remarquer, nous avons peu de projets par an, nous ne produisons pas des dessins-animés à la chaîne. C'est pourquoi, si je reste en permanence à la GAINAX et que je m'occupe toujours du character design, il n'y a aucune chance de mettre en avant de nouveaux talents. On m'assimile volontiers au studio GAINAX et ce n'est pas forcément mon souhait. Ce qui s'est passé, c'est qu'à un moment donné, j'ai voulu laisser un peu la place à d'autres. Or, j'ai justement reçu une proposition de la société BANDAI qui développait le projet .hack. Le réalisateur, M. Hiroshi Matsuyama, était fan de mon travail. Il m'a contacté et m'a expliqué tout le projet, le contenu du dessin-animé. Je me suis dit qu'il restait des parties intéressantes et non explorées dans cet univers et je désirais relever ce défi. J'ai donc accepté de réaliser les designs de .hack et de travailler sur la série.

 

Qu'en est-il de votre intervention sur La Traversée du Temps ?

La même chose s'est produite pour La Traversée du Temps. Le réalisateur, M. Hosoda, que j'apprécie aussi particulièrement, m'a demandé si je voulais bien travailler sur la série, ou même simplement sur les designs. Nous en avons discuté et son projet m'a plu. Comme j'étais très occupé à ce moment-là, je n'ai pu m'occuper que du développement des personnages, mais c'est comme cela que les choses se sont passées. Là encore, j'ai dû quitter GAINAX pendant quelques temps, afin d'aller au studio MADHOUSE qui produisait le film. J'ai aussi travaillé sur les designs du long métrage La Traversée du Temps.

 

Interview : Yoshiyuki Sadamoto

 

La 3D prend de plus en plus de place dans l'animation. Pensez-vous que la 2D soit en danger, ou bien est-ce que la 3D va seulement devenir un outil dont l'intégration permettra d'apporter plus de sentiment ?

Je pense que les deux vont continuer de coexister. Après tout, beaucoup de gens continuent de lire des mangas sur papier. Or, ces lecteurs n'ont du tout pas envie de voir ces mangas se transformer en 3D. C'est pourquoi, même si la 3D peut apporter une aide, il subsistera toujours une "papier touch" parce que c'est le souhait d'une majeure partie du public. Comme on le constate aux Etats-Unis, il vient toujours un moment où, arrivé à du tout 3D, on commence à réintégrer des parties en 2D parce que les gens n'arrivent plus à apprécier ce genre de production en dépit de leur extraordinaire niveau technique. Si on prend l'exemple de Daibuster, les robots sont en images de synthèse. Seulement, lorsque le pilote entre dans le robot, ce dernier perd sa texture numérique pour redevenir un objet dessiné à la main. D'une certaine façon, c'est un message caché pour affirmer que la 2D est encore là, et pour longtemps. Mais on peut aussi voir cela comme un moyen de montrer que les deux procédés peuvent coexister. Il y a aussi autre chose que j'ai appris à propos de l'utilisation de la 3D : tant qu'elle s'applique à des objets ou des animaux, cela passe très bien, mais dès lors qu'il s'agit d'êtres humains, on ressent toujours une petite réticence. Pour ma part, je pense que la 2D va tenir encore quelques temps.

 

Propos recueillis à la Japan Expo 2008 par Caroline Leroy, Frédéric Frot et Elodie Leroy

Remerciements à Johan Camus

Remerciements à Pierre Giner pour la traduction








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