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Comancheria : interview du réalisateur David MacKenzie pour le polar de l'année

Le 08/09/2016 à 16:18
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Comancheria (Hell or High Water en v.o) est en salles depuis le 7 septembre. Ce film de l'écossais David MacKenzie (auteur du remarquable Les Poings contre les murs avec Jack O'Connell), basé sur un scénario de Taylor Sheridan (Sicario de Denis Villeneuve) retrace le parcours de deux frères texans (Chris Pine et Ben Foster) qui s'improvisent braqueurs de banque. Face à eux, Jeff Bridges, génial en Texas Ranger désabusé sur le point de prendre sa retraite.

 

A la fois western, polar, film de braquage et film social, Comancheria est notre coup de coeur de la rentrée.

 

Rencontre avec son réalisateur David MacKenzie.

 

Comancheria

 

Hell or High Water a été renommé Comancheria pour sa sortie en France. Que pensez-vous de ce titre ?

David MacKenzie : Le titre d’origine du film était Comancheria. Je l’ai tourné sous ce nom. Mais les distributeurs américains ont préféré le changer. Ils l’ont testé, ils testent beaucoup de choses avant la sortie des films, et les réactions n’étaient pas très bonnes. Ce titre n’inspirait pas le public américain. Les distributeurs ont cherché un titre qui évoquerait l’ambiance du film. Hell or High Water (contre vents et marées) a engendré beaucoup plus d’intérêt de la part du public américain. Mais je suis vraiment heureux que la France ait gardé Comancheria. C’est le nom donné à cette terre des Comanches où se déroule le film. Elle est située dans l’Ouest du Texas et au Nord du Nouveau-Mexique. C’est génial de voir les affiches du film avec son titre initial dans les rues de Paris.

 

Qu’est ce qui est si fascinant à propos de l’Ouest du Texas dans les yeux d’un écossais ?

J’avais passé du temps dans la ville d’Alpine avec un ami écossais il y a quelques années. J’en garde un très bon souvenir. Les gens y sont généreux et le paysage est impressionnant. C’est là qu’ont été tournés des films comme Giant et There Will Be Blood. Le paysage y est très évocateur. Je me suis dit que j’adorerai tourner un film là-bas. Sept plus tard, je suis tombé sur le scénario de Comancheria.

 

Le Texas que vous montrez paraît presque hors du temps avec ses cowboys, ses armes, ses villes désertes…

Quand Taylor Sheridan a écrit le scénario, il l’a pensé comme un témoignage sur la transformation de cette région et la disparition de l'old west. Ce changement est le cœur du film. Cette terre qui a été dérobée aux indiens a de nouveau été volée mais cette fois-ci par les banques et les institutions financières qui s'efforcent à ce que les fermiers s'endettent et soient à leur merci.

 

 

Les armes sont omniprésentes dans Comancheria. Tout le monde est armé à commencer par les simples citoyens. Pour nous français, c’est aberrant.

Pour moi aussi, cela l’est.  Mais c'est la réalité du Texas. Ils ne cachent même pas leurs armes, ils les portent à la ceinture comme les cowboys. C'est leur droit. Pour les lobbys d’armes, si les gentils ont des armes, ils peuvent repousser les criminels et se défendre. Le problème est que la frontière entre les deux devient floue. C’est un peu l’histoire du film. Qui est méchant, qui est gentil ? Jusqu’où les personnages sont-ils prêts à aller pour combattre la pauvreté, les injustices et protéger leur famille ? Le film n’est pas moralisateur. Je ne voulais pas le finir avec un point de vue qui tranche.


Chris Pine n’a jamais été aussi bon dans un film que dans le vôtre.

Il est génial. Pour une fois, il ne joue pas le justicier invincible ou le tombeur. Il est anxieux, essaie de mener son plan jusqu’au bout et est un peu sale. J’espère que c’est une facette de lui que les gens vont vouloir revoir.

 

Que Ben Foster et Chris Pine soient amis dans la vie était une bonne chose pour vous ?

Oui. Bien que s’ils ne se connaissaient pas, on les aurait quand même choisi. Le plateau de tournage était très chaleureux. Je voulais que tout le monde ait le sentiment de faire partie d’une famille. J’ai pu passer pas mal de temps avec Chris et Ben, ce sont des types vraiment biens.

 

Sont-ils aussi drôles que dans le film ?

Oui. D’ailleurs, il y a pas mal de choses improvisées entre eux que l’on a gardé.

 

Comancheria

 

Comancheria est drôle par plein d’aspects. On rit beaucoup même si son sujet est grave. Le scénario contenait-il déjà cet humour ?

C’est un film sérieux mais c’est un avantage de pouvoir être léger et en roue libre parfois pour contrebalancer. Plusieurs de mes films jouent avec ces deux aspects. Quand j’ai lu le script, je ne l’ai pas trouvé drôle. Taylor Sheridan aborde son travail très sérieusement. Son univers n’est pas amusant. Sicario n’était pas drôle du tout et j’ai vu une partie du film qu’il vient de réaliser, Wind River (avec Jeremy Renner et Elizabeth Olsen), et ce n’est pas drôle non plus. C’est peut-être mon interprétation qui était différente de la sienne. La scène avec la serveuse et Jeff Bridges que je trouve hilarante était écrite telle quelle mais n’avait aucun second degré. On n’a pas changé un mot. Le script était très fort, très puissant. Il se lisait comme du Cormac MacCarthy. Il subsiste un peu cela mais on en a fait un film très différent de cet univers.

 

Qu’incarne Jeff Bridges pour vous en tant qu’acteur ? 

Il y a trois films qu’il a tourné dans les seventies lorsqu’il était encore jeune que j’ai eu en tête pour Comancheria. Fat City de John Huston (1972) où il est un jeune boxer chez les fermiers de Californie du Nord, Le Canardeur (1974) de Michael Cimino avec Clint Eastwood et La dernière séance (1971). Ces trois films sont géniaux et ont tous Jeff Bridges en tant qu’acteur. Ils sont inscrits dans l’ADN de Comancheria. Le premier braquage du film se passe à Archer City là où La dernière séance a été tourné. Il y a une indéniable connexion.

 

Comment est Jeff Bridges sur un tournage ?

Il est impliqué. Il n’est pas nostalgique, il est toujours au sommet de son art, il a toujours beaucoup à donner. Il est très créatif et inventif. Il y a des moments dans le film où il partait dans l’improvisation. Et c’était souvent réussi. Travailler avec un acteur aussi emblématique, qui a participé à tant de films que j’admire et le voir toujours aussi investi, est un pur plaisir. De plus, c’est un type sincèrement gentil. On trainait ensemble le soir, on jouait de la guitare, on rigolait ensemble. Je me suis senti chanceux. Gil (Birmingham, son partenaire mi indien mi mexicain dans le film) et lui jouaient de la musique ensemble dès qu’ils en avaient l’occasion. Les acteurs qui vieillissent ne sont pas toujours aussi créatifs et impliqués.

 

Comancheria

(David MacKenzie)

 

La musique a toujours eu une place très importante dans vos films. Pour Comancheria, elle apporte énormément.

J’ai toujours essayé de travailler différemment avec la musique à chacun de mes films. J’ai collaboré avec David Byrne de The Talking Heads pour Young Adam (2003 avec Erwan McGregor), avec The Pastels, un super groupe écossais, pour The Last Great Wilderness (2002), avec Craig Armstrong, bien que le résultat n’ait pas été utilisé... J’ai aussi orchestré une B.O moi-même en tant que non musicien qui n’était composé que d’ambiances et de sons (Les Points Contre les Poings -2014). Pour Comancheria, le propos était la country. J’ai une culture country et Ben Foster a été parfait pour me faire découvrir des artistes que je ne connaissais pas. On a écouté de la country pendant toute la préparation et pendant le tournage. Cela a été la bande-son de nos vies pendant plusieurs mois. On utilisait déjà un titre de Nick Cave et Warren Ellis, du coup on leur a demandé de signer le score. Ils ont fait un super boulot.

 

Avez-vous une chanson préférée dans le film ?

En dehors du score que j’adore, au milieu du film, il y a une séquence montée sur "I’m not afraid to die" de Gillian Welch.  Le film est alors à un tournant. On comprend que tout va mal finir. J’adore cette séquence. La plupart des chansons du film proviennent de ma discothèque personnelle.

 

 

Il y a quelques années, vous avez tourné un film, Rock’n’Love (2011), pendant le festival T In the Park en Ecosse.

Oui. J’ai toujours baigné dans la musique. Ce film était une expérience. La presse anglaise l’a détesté. Pourtant, c’était une expérience dingue. On a tourné un film de 90 minutes pendant l’hystérie de ce festival, qui dure quatre jours et demie, entouré de milliers d’écossais ivres. C’était complètement dingue. Mais fun. Tout ce que l’on avait prévu tombait à l’eau. Il fallait improviser et s’adapter à ce qu’il se passait. Pour un réalisateur, c’est très éducatif. Et que l’on soit venu à bout de ce projet en seulement quatre jours est un exploit. T In the Park est un passage obligatoire pour les jeunes écossais. Comme Reading l’est en Angleterre.   

 

Quel sera votre prochain projet ?

Je m’apprête à tourner le pilote d’une série américaine appelée Damnation. Elle traite de fermiers grévistes et de casseurs de grèves employés par les compagnies pendant la dépression des années 30 dans l’Iowa. Je pense que cela sera intéressant, fort et très politique. C’est un boulot rapide. Je n’ai encore jamais travaillé sur une série. En tant que réalisateur, à la télé tu as moins de contrôle qu’au cinéma. Je suis anxieux et à la fois heureux d’être sur cette série. J’adore le scénariste. C’est pour USA Network, la chaîne de Mr Robot qui voit d’ailleurs Damnation comme un projet parallèle de par son sujet. J’espère qu’ils l’aimeront et en commanderont une saison entière.

 

(ATTENTION SPOILERS pour ceux qui n'ont pas encore vu Comancheria)

Que pensez-vous qu’il se passe après le film entre Jeff Bridges et Chris Pine ?

J’imagine que Jeff reprend une enquête, creuse de plus en plus à la recherche d’éléments qui culpabiliseraient Chris Pine et qu’il finit par y avoir une seconde confrontation. Chris est probablement tué ou arrêté.  Mais il sait que ce moment arrivera et il a sécurisé le futur de ses enfants. Du moins, c’est ce que j’imagine. Mais cela pourrait se passer autrement. C’est une fin ouverte. L’intérêt était justement de s’arrêter avant.

 

Comancheria   

 

 

 






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