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Mortal Engines : on a rencontré Peter Jackson à Los Angeles - interview

Le 10/12/2018 à 17:51
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On a rencontré Peter Jackson à Los Angeles pour la sortie de Mortal Engines. Et si jamais vous vous posiez la question : oui, on est super content !!!!
 
Mortal Engines
 
Si le post apocalyptique Mortal Engines n’est pas un film de Peter Jackson, il en a l’apparence, possède son sens du détail dans la richesse de son univers, et dans le soin apporté à ses effets spéciaux, et n’aurait pu exister sans lui. Néanmoins, le réalisateur du Seigneur des Anneaux et du Hobbit en a confié les rênes à son collaborateur depuis 25 ans Christian Rivers (récompensé par un Oscar des effets visuels pour King Kong).

Mortal Engines n’est pas un blockbuster comme on a l’habitude d’en voir. Il ne figure pas dans une  franchise déjà connue au cinéma, ne joue pas la carte des super-héros, n'est pas une suite, un reboot ou un prequel et présente un concept post apocalyptique atypique avec des villes géantes motorisées s'affrontant dans le no man's land qu'est devenue la planète.
 

FilmsActu a eu la chance de s’envoler pour Los Angeles afin d’en discuter avec Peter Jackson, Christian Rivers mais aussi Philippa Bowens (scénariste) et Kevin McCaugh de Weta (ainsi qu'avec les acteurs Hugo Weaving et Stephen Lang mais vous retrouverez leur propos dans une autre interview).

Voici un résumé de nos discussions.
 

"Peter était épuisé avec le tournage des trois Hobbit" Christian Rivers


Peter, pourquoi n’avez-vous pas réalisé ce film ?
Peter Jackson : Christian (Rivers) travaille avec nous depuis 25 ans. Il a commencé par dessiner nos storyboards. Puis sur le Hobbit, il a dirigé pas mal de scènes de seconde équipe. Il a géré des scènes compliquées comme celle de la rivière avec les nains fuyant dans des barils. Il se préparait pour son premier film et comme je ne voulais pas que quelqu’un d’autre s’occupe de Mortal Engines, je le lui ai proposé. On travaille ensemble depuis 25 ans. Il était normal qu’on l’aide à réaliser son premier film. Quand j’ai su que Mortal Engines serait notre prochain projet, je me suis dit qu’il serait parfait pour Christian. Et cela me permettait dy être quand même impliqué.
Christian Rivers : J’étais sur la route pour aller bosser quand Peter m’appelle et me dit « on va perdre les droits de Mortal Engines. Je suis épuisé à cause du Hobbit et je ne veux pas me lancer dans un projet aussi ambitieux tout de suite. Veux-tu le réaliser ? ». J’ai dit oui sans hésiter... C'est ensuite que j'ai paniqué (rires).
 
Mortal Engines
 

"La peur est un bon motivateur. A chaque fois que je réalise un film, j’ai peur." Peter Jackson

 
Est-ce vrai Peter que vous avez découvert Christian après qu'il vous ait envoyé une lettre de fan ?
Peter Jackson : Oui c'est vrai. Il m’a envoyé une lettre il y a très longtemps. C’est probablement le premier courrier de fan que j’ai reçu. Je me souviens de ses dessins qui étaient vraiment biens. Il y avait des dragons, des monstres. Au moment de faire Brain Dead, je l’ai contacté pour le storyboard.
Christian Rivers : Je lui ai envoyé une lettre parce que je voulais travailler dans l’industrie du cinéma. J’étais ado et il avait fait Bad Taste. C’était le seul film néo-zélandais que j’avais vu qui se plaçait dans le genre de films que j’aimais. Je lui ai envoyé mes dessins et il m’a appelé. Il m’a remercié pour la lettre, m’a dit que mes dessins étaient cools et on s’est mis à discuter de temps en temps. Quand il a eu le financement pour Brain Dead, il m’a appelé pour me demander de m’occuper du storyboard vu qu’il ne sait pas dessiner. J’ai sauté sur l’occasion. Nous voilà 25 ans plus tard.
 
Christian, cette proposition de réaliser Mortal Engines vous a-t-elle surprise ?
Christian : Oui et non. Oui j’ai été surpris et en même temps dans un sens, c’était attendu. S’il ne voulait pas réaliser le film, cela m’a paru naturel qu’il me le propose.

Qu’est ce qui vous a provoqué le plus de cauchemars sur ce tournage ?
Christian : Tout (rires) Chaque jour était difficile. Mais tous les films sont difficiles. J’avais réalisé un court métrage auparavant et c’était aussi difficile. Mais c’est une peur positive qui stimule votre adrénaline et vous force à rester innovant et concentré. C’est une énorme responsabilité de gérer un film avec un tel budget (100 millions de dollars). Vous voulez que le film soit bon.
Peter Jackson : La peur est un bon motivateur. A chaque fois que je réalise un film, j’ai peur.
 
Mortal Engines
 
N’est-ce pas compliqué d’avoir Peter Jackson dans les pattes quand on réalise un film?
Peter : J’ai essayé d’être uniquement présent quand il voulait que je le sois. J’étais disponible pour répondre à ses questions et s’il avait besoin de conseils ou de retours j'étais là. En tant que réalisateur, je sais que sur mes plateaux j'aime avoir la liberté de faire les films que j’ai envie de faire et que les producteurs s’assurent que tout est en place pour les jours de tournage. Leur rôle est de faire en sorte que je dispose de ce dont j’ai besoin. J’ai aidé Christian comme je souhaite que les producteurs m’aident sur mes films. Et que je suis resté en dehors de son chemin. Le matin je pouvais rester au lit aller que lui devait aller bosser (rires).
 
 
Christian : Peter voulait rester impliqué dans de nombreux aspects du film et il savait que l’on collaborait bien ensemble. Je connais bien sa manière de fonctionner. Je suis un habitué de leur processus créatif à lui, Fran (Walsh sa femme scénariste, productrice) et Philippa (Bowens, scénariste).  C’est un processus unique vraiment particulier qui a été mis en place à Wellington.
 

"Nous vivons dans un monde où il n’y a plus assez de films originaux."Peter Jackson


Mortal Engines surprend et diffère des blockbusters traditionnels en n'étant pas une suite, une franchise, un reboot ou un film de super-héros et en étant pas porté par des acteurs connus. A quel point est-ce risqué aujourd’hui de proposer autre chose ?
Peter Jackson : Nous vivons dans un monde où il n’y a plus assez de films originaux. Spécialement avec ces films rassembleurs et coûteux. C’est étrange. Pour être honnête, les studios craignent les films qui ne sont pas des franchises mais en même temps, ils sont demandeurs de films originaux. C’est complètement shizophrénique. A la fois ils cherchent des films originaux mais en même temps, ils en ont peur. On est dans une époque bizarre.
Christian: Hollywood n’aime pas jouer. Hollywood veut être certain que le film est vendable et fera gagner de l’argent avant même qu’il ne soit filmé. Ce film ne rentre pas dans cette case. C’est un risque qui sera payant je l’espère. Et c'est ce qui nous a plu. Il n'y a aucun intérêt à proposer le même film que les autres. Si on s’est battu afin de créer quelque chose de nouveau, d'ambitieux et qui a du coeur, c’est parce que les spectateurs ne voient que trop rarement ce genre de film à cette échelle.
Peter : On cherche toujours à faire le meilleur film possible. En espérant qu’il y ait un public. Le plus important est de faire un film dont on est fier. Et je suis honnêtement fier de celui-là.
 
Mortal Engines

Vos méchants ne sont pas de simples méchants. Les personnages d'Hugo Weaving (Thaddeus Valentine) et Stephen Lang (Shrike) ont une dimension supplémentaire.
Christian : Oui et c’était crucial. Dans les blockbusters d’aujourd’hui, et je ne les citerais pas mais il y a des super-héros dedans,  je me demande souvent "mais pourquoi est-ce que ce personnage agit ainsi ? Pourquoi est-ce que je dois m’intéresser à ce super-héros et à ses problèmes qui sont toujours « j’ai un pouvoir, qu’est ce que je vais pouvoir en faire ? »". Cela ne m’intéresse plus. On l’a déjà tellement vu. Dans Mortal Engines, même les héros ont une morale floue. Ce n’est pas un monde fantaisiste. C’est le nôtre mais après une Apocalypse.
 
 

"Si on pouvait bâtir un triangle entre Star Wars, Mad Max et Harry Potter, on se placerait au milieu." Christian Rivers

 
Aviez-vous d’autres films en tête en réalisant Mortal Engines ? On pense forcément à Star Wars pour les combats aériens ou alors à Mad Max Fury Road…
Christian : J’ai plus été marqué par les Dambusters qui ont influencé Star Wars. Lucas s’est inspiré des The Dambusters (Les Briseurs de Barrages, film de guerre de 1955). Pour être honnête, on s’est parfois demandé si certains de nos plans n’étaient trop Star Wars. Mais les scènes étaient dictées par les conduites de nos personnages. J’espère que le film a sa propre personnalité. C’est intéressant que vous mentionniez les deux. Quand on a décrit Mortal Engines à Universal, on ne savait pas précisément à quoi ressemblerait le film. Mais on savait que l’on ne voulait pas qu’il soit exclusivement steampunk ou dystopien. Notre Londres possède une culture, de jolis bâtiments, des commerces, un sens de la mode, ce n’est pas une dictature. C’est un monde reconstruit à partir des ruines. Je me souviens avoir dit à Universal : si on pouvait bâtir un triangle entre Star Wars, Mad Max et Harry Potter, on se placerait au milieu. Mais l’idée n’était pas de voler des idées à ces films. C’est juste une idée du cadre dans lequel on évolue. On a voulu avoir la richesse de personnages de l’un, l’adrénaline de l’autre et l'acharnement du dernier. On a beaucoup travaillé pour trouver notre propre voie. Cela a été un travail de deux ans entre Peter, Fran, Philippa et moi-même.
 
Mortal Engines
 

"Je n’ai jamais vu un seul épisode Game Of Thrones." Peter Jackson

 
Peter, allez-vous être impliqué dans la série Le Seigneur des Anneaux produite par Amazon ?
Peter : Ils veulent me faire parvenir quelques scripts pour voir ce que j’en pense et si on peut d’une quelconque manière les aider. Pour l’instant, je ne sais pas trop quoi en penser. En étant occupé sur Mortal Engines, je n’avais pas vraiment de temps à y consacrer mais c’est un gros challenge. Je leur souhaite vraiment le meilleur et si on peut les aider, on le fera.

Et que pensez-vous de Game Of Thrones ?
Christian : Il n’y aurait clairement pas eu de Game Of Thrones je pense sans le Seigneur des Anneaux.
Peter : Je n’ai jamais vu un seul épisode Game Of Thrones. Je ne vous mens pas. Pas parce que je n’en ai pas envie mais parce que je n’ai pas eu le temps.
 
Mortal Engines

Peter, quand vous retrouvera-ton à la réalisation ?
Peter : Je viens de réaliser un documentaire. They Shall Not Grow Old. C’est un documentaire sur les soldats envoyés pendant la première Guerre Mondiale que j’ai monté avec des images d’archives. 18 000 néo-zélandais ont été envoyés sur le front et ne sont jamais revenus. Parmi eux, il y avait mon arrière grand-père et mon arrière grand oncle. Ils ont été tués en Flandres. L’aïeul de mon épouse (Fran Walsh) est aussi mort au combat. C’est un conflit qui a grandement modifié notre pays.

Et Tintin 2 ?
Peter : C’est en développement. C’est le genre de film qui demande beaucoup mais beaucoup de préparation. Rien n’est encore calé. Mais cette suite est toujours dans nos projets.
 
 

"Game Of Thrones n’existerait certainement pas sans Le Seigneur des Anneaux." Christian Rivers

 
Si l’Apocalypse se produisait, quel objet conserveriez-vous ?
Peter : Je garderais certainement un jeu, comme un jeu d’échecs ou un Risk. Non pas un Risk, cela ressemblerait trop au monde qui nous entoure. Mais quelque chose pour rester occupé. Un Monopoly serait bien, on pourrait y jouer dans la citadelle motorisée qu'est devenue Londres.  

Qu’est ce que Le Seigneur des Anneaux a changé pour la Nouvelle-Zélande et pour le cinéma ?
Christian : Le Seigneur des Anneaux a une influence constante sur la Nouvelle Zélande. Weta est capable de tout aujourd’hui. Tout est possible en ce qui concerne les effets spéciaux. Le Seigneur des Anneaux a aussi rendu la fantasy légitime. Game Of Thrones n’existerait certainement pas sans Le Seigneur des Anneaux. Cette trilogie a rendu ce genre légitime.
Kevin McCaugh (Weta) : Depuis le Seigneur des Anneaux, le bâtiment qui était le centre de notre département d’animation est devenu un gift shop devant lequel s’arrêtent constamment des bus entiers de touristes. Donc, oui Peter Jackson et ses films ont initié un nouveau genre de tourisme en Nouvelle-Zélande. Sa contribution est énorme. Je suis sûr que le gouvernement doit être ravi.
 
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