Un nouveau film DONNIE DARKO teasé par son réalisateur Richard Kelly
Le 27/01/2021 à 10:28Par Olivier Portnoi
"Je suis sans cesse surpris et sidéré de voir que tant de gens s’intéressent encore à Donnie Darko. C'est génial."
Cela ne te dérange pas continuer à parler de Donnie Darko tant d’années après sa sortie ?
Richard Kelly : Absolument pas. J’ai construit ce film de telle façon que l’on puisse le voir et le revoir et continuer à en débattre. Quand tu réalises un film, tu es forcé de le visionner des centaines de fois. J’essaie de faire en sorte que les miens aient plusieurs niveaux de lecture. Que l’on veuille me parler de Donnie Darko encore aujourd’hui montre que j’ai réussi. Tant que l’on me demandera d’en parler, je continuerai. Je le ferais jusqu’à temps que l’on me dise de me taire (rires).
Es-tu surpris du culte autour de Donnie Darko ?
Je suis sans cesse surpris et sidéré de voir que tant de gens s’y intéressent encore. C'est génial.
Comment perçois-tu Donnie Darko aujourd’hui à plus de 40 ans alors que tu en avais 23 au moment de sa réalisation ?
J’ai plus de plaisir à analyser mes films aujourd'hui avec du recul que je n’en ai eu pendant leur création. L’âge apporte de la sagesse. Plus le temps passe, plus je suis en paix avec ce que j’ai fait. Je revois mes films avec plus d’objectivité et une meilleure analyse. J’ai un détachement avec eux qui les rend moins douloureux. Si l’art est une sorte de plaie béante que l’on essaie de recoudre, le temps permet de soigner cette blessure. A vrai dire, cela fait du bien d’en parler.
Les fans viennent te voir avec leur propre théorie sur Donnie Darko ?
Oh oui. Je suis ouvert à toutes les théories même si je ne suis pas d’accord avec toutes. Mais certaines sont vraiment fascinantes.
Tu en as une en tête ?
On m’a un jour expliqué que le film mettait en scène le plan démoniaque de Gretchen, jouée par Jenny Malone, qui voulait ressusciter et tuer Donnie. J’ai pas compris pourquoi. Une autre théorie concerne Gretchen et son beau-père maléfique, qui a poignardé sa mère.
On a aussi dit que Donnie Darko était un super-héros.
"J'ai eu une incroyable conversation avec James Cameron au sujet de Donnie Darko. Elle a changé ma vision du film"
Qu’est ce qui t’a inspiré à écrire Donnie Darko ?
Ado, j’étais fasciné par Steven Spielberg, Robert Zemeckis, David Lynch, James Cameron. Leur influence est indéniable.
Et Stephen King ? On retrouve sa présence à plusieurs endroits du film.
L'oeuvre de Stephen King a eu une énorme influence sur moi. Tout comme la lecture de Kafka, Dostoevsky et Graham Greene. Je lisais beaucoup en lycée.
Sais-tu si certains de ces réalisateurs qui t'ont influencé ont vu Donnie Darko ?
La plupart des acteurs ont du mal à saisir l’ensemble de mes films. Mais je leur fournis assez de détails pour qu’ils comprennent leur rôle. Tant que l’acteur comprend son rôle… Ce n’est pas son boulot de saisir l’ensemble de l’œuvre. Ca c’est mon job. Mon souhait est que lorsqu’ils voient le film fini, ils comprennent ma vision. Du moins en partie… Aucun de mes films n’a été conçu pour être compris la première fois. Il faut parfois du temps pour les décrypter. Certaines personnes n’aiment pas ça. Ils veulent que tout soit immédiat. Mais ce n’est pas mon cinéma.
Dwayne Johnson a déclaré à plusieurs reprises que Southland Tales (le second film de Richard Kelly-ndr) avait été une expérience traumatique pour lui.
La question que tout le monde se pose est pourquoi tu n’as pas réalisé de film depuis The Box en 2009 ?
J’ai plusieurs projets en route.
Pourquoi n’a-t-on encore rien vu ?
Le milieu du cinéma est en pleine transformation. Les méthodes de storytelling évoluent. Notamment grâce à la télévision qui propose désormais la possibilité de raconter des histoires sur des formats plus longs. J’ai développé plusieurs projets de séries. J’ai passé beaucoup de temps à écrire. J’ai accumulé des quantités de projets pour le cinéma, la télé et même le théâtre. L’idée est qu’une fois que j’ai réalisé mon prochain film, je pourrais en enchaîner d’autres dans la foulée. Actuellement, je préfère écrire plutôt que d’accepter de réaliser des films qui ne m’intéressent pas. J’aurais pu en faire des dizaines comme cela. Mais ce n’est pas ce qui me motive dans le cinéma. Cependant; j’ai hâte de réaliser à nouveau. Je suis impatient. Je pense que mes années passées à écrire feront de moi un meilleur réalisateur. Cela permettra aussi d'éviter les erreurs de mon deuxième et troisième film où je ne maîtrisais pas encore totalement l’art de l’écriture. Pour moi, l’écriture n’est là que pour m’emmener à la réalisation. Je suis d’abord un réalisateur. Ensuite un scénariste.
As-tu mis beaucoup de toi dans le personnage de Donnie Darko ?
Tu veux savoir si je suis schyzophrène ? Si je vois des lapins la nuit ? (rires). Je suis un scénariste réalisateur. Je n'ai pas la capacité de voyager dans le temps. Mon job est d'inventer des histoires. Mais oui, chaque réalisateur met beaucoup de lui-même dans son premier film. J'ai vraiment connu une Grandma Death qui saluait les voitures qui passaient. Mon frère et moi lui volions son courrier. Je n'ai jamais été sous anti-dépresseurs mais certains de mes copains prenaient de la Ritaline. Je me suis battu avec mon prof de sports à cause d'une ligne "fear and love" (peur et amour) similaire à celle du film. J'étais un peu nerd avec les livres comme Donnie. Donc oui il y a du vrai dans Donnie Darko (rires).
"Il aura fallu attendre 2003 ou 2004 avant que les gens ne se rendent compte qu'ils aimaient mon film."
Drew Barrymore, Patrick Swayze, Noah Wyle sont parfaits. Comment es-tu parvenu à décrocher autant de personnalités pour tes rôles secondaires ?
Grâce à Drew Barrymore. Le fait qu'elle ait accepté de financer une grosse partie du film avec sa boite de prod nous a ouvert l'accès à des acteurs reconnus. J'étais allé la voir sur le tournage du remake de Drôle de Dames pour finaliser notre contrat.
Christopher Nolan aussi a joué un rôle dans la distribution de Donnie Darko ?
Oui. Cela a été une véritable épreuve pour vendre le film auprès des distributeurs. Il a failli atterrir directement sur une chaîne cablée ce qui l'aurait certainement tué mais grâce au soutien de Christopher Nolan, qui avait vécu la même galère avec Memento, on a pu le sortir en salles. Bon, Donnie Darko a quand même été un flop (rires). C'est comme si tout s'était ligué contre nous. Donnie Darko est paru peu après le 11 septembre. Or un film dans lequel un réacteur d'avion s'écrase sur une maison quelques jours après 9/11 n'était pas le meilleur des timings (rires). Il aura fallu attendre 2003 ou 2004 avant que certaines personnes ne se rendent compte qu'elles aimaient le film.
Un tel rejet est dur à vivre ?
Bien sûr. C'était pire avec Southland Tales qui a été lapidé à Cannes. J'avais à peine 30 ans et pas du tout cette expérience de gros festival.