Pour signer son grand retour dans le camp du Blu-Ray, Paramount n'a pas choisi son film le moins glorieux puisque Cloverfield est vraiment une splendide démonstration de ce que peut apporter la Haute Définition, surtout sur un film qui revendique (un peu trop) son aspect vidéo dans le plus pur sens du terme. Si l'on y décèlera sans mal les variations entre les plans réellement tournés avec un caméscope (la toute première scène, dans l'appartement) et les grosses scènes truquées et filmées avec une camera numérique HD professionnelle, le rendu à l'image s'impose comme une merveille de fluidité et de détails. C'est bien simple, on ne distingue pas les scènes réalisées en studio de celles vraiment tournées dans les rues de New-York, à quelques détails près. Les nombreuses incrustations sur fond vert sont invisibles (excepté une ou deux sur le pont) et le transfert numérique supporte aussi bien les faiblesses d'éclairage que les mouvements brusques de la caméra comme certaines interminables profondeurs de champ. En tout cas, les très belles scènes nocturnes qui composent l'essentiel du style visuel si particulier du film supportent admirablement leur passage au format Blu-Ray.
Là encore, Paramount fait très fort. Si l'image était bien évidemment trop belle pour prétendre à un document amateur, le son succombe également aux généreux atouts d'une superproduction et livre un mixage 5.1 aux antipodes de ce que nous aurait vraiment fourni une handycam basique. Alors, quitte à s'éloigner du concept amateur, autant faire les choses en grand. D'autant plus qu'ici, le mixeur s'est joyeusement amusé avec le concept de vue subjective pour offrir un environnement sonore tel qu'est supposé l'entendre le personnage qui tient la caméra en faisant quelque chose de démonstratif d'entrée de jeu, dès la scène de fête. Les protagonistes qui discutent entre eux sans apparaître dans le cadre créent à eux seuls un véritable environnement sonore en 3D, qui s'adapte lui-même très fidèlement aux mouvements de la caméra. Presque comme dans un jeu vidéo nouvelle génération, donc, puisque nous nous déplaçons nous-mêmes, en tant que spectateurs, dans le mixage.
Chose d'autant plus appuyée lorsque la bestiole entre en scène puisque l'on passe sans nul doute à une étape destructrice hallucinante. A commencer par un caisson de basse qui tremble, roule, cogne et ne prend plus le temps de souffler jusqu'au générique de fin, transformant votre salon en véritable champ de bataille. Ajoutons à cela la liberté surround évoqué plus haut pour les scènes calmes, qui transforment les séquences catastrophe en un vrai tremblement de terre. On est dedans et l'unique piste anglaise Dolby Digital 5.1 True HD raisonne comme un incroyable coup de canon perpétuel. Moins chanceux, les anglophobes ne devront faire qu'avec un Dolby Digital 5.1 traditionnel sur la version française, forcément bien en deçà, mais pas honteux.
On pourra vraiment saluer la façon dont l'interactivité de Cloverfield utilise son espace de diffusion. En effet, avec à peu près une heure de bonus vidéo, on arrive à faire le tour complet d'une production en se focalisant à chaque fois sur des éléments essentiels de sa conception. Pas répétitif, passionnant, éclipsant touts les tics pénibles de featurettes traditionnelles... une petite école du cinéma numérique, en quelque sorte. Une bonne chose n'arrivant jamais seule, ces mêmes bonus sont ici proposés en Haute Définition.
Le commentaire audio laisse la parole à un Matt Reeves particulièrement bavard et qui ne sort que très peu du cadre auquel on l'a consigné. Le film avait été entamé sans lui, et c'est le réalisateur "de commande" qui s'exprime en détaillant systématiquement la manière dont il a géré la mise en scène particulière de son film, mais également les nombreuses astuces de montage pensées en amont pour offrir la dynamique du résultat final. Pas vraiment d'humour ni d'anecdotes pour égayer le programme, mais un véritable témoignage complet d'un réalisateur dans le sens technique du terme. Par ailleurs, la courte durée du film ne rend pas l'écoute pénible. Le Blu-Ray s'affuble d'un petit bonus inédit, bien que pas vraiment captivant, que l'on peut également utiliser durant la lecture du film. Le Mode enquête spéciale transforme votre téléviseur en une sorte d'écran de contrôle militaire, qui complète le contenu du film par des informations sur les personnages et les lieus qui apparaissent à l'écran (en anglais) ainsi qu'une carte de Manhattan suivant, via des points de couleur, le déplacement des héros, des forces militaires et du monstre. Pas transcendant donc, mais cumulable avec le commentaire audio. Une bonne façon d'observer deux bonus en même temps même si, attention pour les plasmas, l'aspect statique de la chose peut provoquer un marquage sur l'écran.
Au niveau des documentaires, deux se démarquent de l'ensemble malgré leur durée respective presque anecdotique à une époque où des reportages de plusieurs heures fleurissent sur les DVD. Comme évoqué plus haut, Document 01.18.08 (28min22) et Effets visuels (22min32) composent un making of d'une grande richesse informative sur la façon de mettre sur pied un film à la fois original dans sa forme mais aussi un projet dont il a également fallu conserver le secret le plus longtemps possible. Le premier est donc un petit journal de bord dévoilant la conception express du film, la préparation des acteurs qui n'ont jamais vraiment su dans quoi ils s'embarquaient jusqu'au dernier moment, les nombreuses idées à mettre en place pour duper les figurants et les gens qui venaient voir ce qu'il se passait. Le module sur les effets spéciaux n'est pas un gadget mais bel et bien un vrai complément aux images du tournage puisque cet aspect constitue clairement la seconde étape fondamentale de la mise sur pied de l'œuvre. Une grosse majorité du film a été tourné sur fond vert (difficile à croire en découvrant Cloverfield) et la majorité des décors a intégralement été réinsérée sur des mouvements de caméra impossibles. Un reportage global qui n'excède pas les 50 minutes mais qui reste une belle démonstration de blockbuster ingénieusement bricolé en numérique et à frais réduits. A ces bonus vient s'ajouter Je l'ai vu ! C'est vivant ! C'est énorme (5min53) qui évoque brièvement les inspirations des uns et des autres pour donner vie au monstre.
Enfin, nous avons droit aux bonus gadgets de rigueur, à savoir CloverFun (3min56) qui cache en fait un trop court bêtisier ainsi que des scènes inédites (3min25) et deux fins alternatives (4min29) n'apportant que peu de choses supplémentaires. C'est le cas des nouvelles fins dont les variantes ne durent que quelques secondes, voire carrément une demi seconde pour l'une des versions, et où un dernier personnage trouve la caméra.