Parler de déception serait un peu fort de café, mais de la part d'un Blu-Ray, on attendait sensiblement mieux. Deux soucis majeurs ralentissent l'enthousiasme que l'on pouvait potentiellement avoir devant la redécouverte du film, chez soi, en haute définition. La copie, tout d'abord, qui impose une facture de très haute tenue mais qui trahit pourtant un master qui ne doit sans doute pas être le plus pimpant à ce jour. On notera, ça et là, quelques salissures de pellicule et autres tâches assez discrètes, et pourtant bien visibles. Ce sera encore plus le cas sur le générique de fin où ce type d'imperfections explose bien plus sur un fond noir.
D'autre part, l'encodage ne semble pas totalement à la fête, malgré une compression VC1, une "simple" piste DTS plein débit et des bonus proposés en Mpeg2 définition standard pour la plupart. La nature même de l'image du film handicapant les chose (pas mal de jeux de focale très flou, un grain prononcé, un étalonnage numérique qui passe d'un extrême à l'autre, une caméra parkinsonienne), le transfert sur galette ne s'est pas fait sans heurt et la compression a parfois du mal à suivre. Sur Blu-Ray, c'est un peu dommage, même si pas mal d'autres séquences s'en tirent honorablement via les différentes nuances de noirs, et la richesse de détails que l'on a le temps d'observer sur des cadrages moins furieux.
Niveau son, c'est pas mal non plus... Mais ce n'est pas extravagant non plus. On pourra en tout cas faire le même reproche qu'au traitement de l'image, à savoir ne pas exploiter totalement le potentiel du nouveau format HD. Si l'on excepte le commentaire audio, une seule piste nous est proposée. Un seul DTS "normal", plein débit, presque timide qui arrache bien comme il faut, où il faut et quand il faut, mais qui nous prive d'un DTS HD Master Audio qu'on attendait pourtant de pied ferme. A mixage égal, avec des surrounds qui font virevolter tout et n'importe quoi aux quatre coins de la pièce et surtout un caisson de basse en roue libre, c'est l'intégralité du métrage qui y aurait gagné, comme cette fusillade finale qui nous encourage à pousser nous mêmes un peu le volume pour retrouver la même furie que lors de l'expérience en salle.
Beaucoup, beaucoup de choses à se mettre sous la dent dans ce Blu-Ray qui décide d'entrée de jeu de proposer un contenu plus complet que le DVD traditionnel. Comme nous l'expliquerons, les petits plus relèvent essentiellement du cadeau pas forcément indispensable, mais qui vont encore et toujours dans le sens de ce que veut proposer le réalisateur : un produit destiné aux fans du cinéma de genre. C'est peut-être aussi pour ça que le Commentaire audio, plutôt traditionnel, ne restera pas comme le plus mémorable ici. D'abord parce que Xavier Gens se perd lui-même dans le "trop de choses à raconter", perdant en cours de route autant d'informations qu'il n'en révèle, mais aussi parce que Karina Testa joue un peu moins le jeu en n'ayant finalement pas grand-chose à dire. La présence de la comédienne empêche le discours de devenir trop monocorde mais se révèle pourtant d'un intérêt limité. Seule le dernier acte du film, où on ne voit pratiquement qu'elle, l'inspire un peu plus. Très anecdotique, finalement.
Ils se prêteront également au jeu des commentaires sur les scènes coupées (6min41 en tout) avec un peu plus de conviction, cette fois-ci. Le confort derrière le micro s'étant désormais installé. On regrettera que lesdites scènes ne proposent pas également la bande son originale, mais le réalisateur arrive judicieusement à faire le tour du propos. En particulier sur une séquence assez barrée dont on comprend aisément la suppression. Notons d'ailleurs qu'une vidéo faisant défiler une galerie de polaroïds (13min27) est également commentée par les deux collaborateurs. Pas très enrichissant sur un plan informatif, mais très sympa à suivre. C'est d'ailleurs ce bonus-là qu'il faut écouter jusqu'au bout pour connaître le pseudo de Karina Testa dans World Of Warcraft. Avis aux amateurs. Toujours au rang des pièces commentées, un comparatif de storyboards (8min36, en tout) permet à Xavier Gens d'expliquer la manière dont il a préparé quelques plans complexes en amont.
Et puis tant qu'à savoir vraiment les choses, autant se retourner vers un petit making of (26min01) fait maison, emballé rapidement pour se calquer sur une featurette américaine, mais qui a l'énorme avantage de ne pas être une featurette américaine. Comprenons par là que les choses sont plus ou moins naïvement survolées mais qu'on ne bascule pas encore dans le commercial à tout prix. Du coup, le documentaire est à l'image du film et de son réalisateur : ça s'adresse gentiment aux geeks fans de films d'horreur et se focalise essentiellement sur la déconstruction technique des scènes les plus emblématiques. On se montre un peu redondant avec le commentaire, mais au moins on montre des choses, bien que brièvement. Sympatoche lorsque l'on veut savoir comment exploser une tête, découper un mec à la scie circulaire, et autres signes d'attention du même tonneau.
Le Blu-Ray propose quelques cadeaux de rigueur qui permettent de situer les choses pour ceux qui ne savent pas qui est Xavier Gens. Tout d'abord son épisode de Sable Noir, Photographik (30min20). Probablement le meilleur de la série, déjà avec Maud Forget dans le rôle principal. Un court qui dévoilait à quel point le réalisateur semblait rapidement avoir tout compris du cinéma de genre avec ses ficelles, ses qualités, son rythme et même ses petites incohérences dont il use avec malice. Parce qu'il condense en 30 minutes et avec succès un mélange de genres constamment aguichant sans jamais sombrer dans un traitement vulgaire. Une histoire de fantômes comme les affectionne plus particulièrement Hollywood depuis quelques années, à la croisée des chemins du thriller d'intrusion familiale, du polar faussement infantile, de la terreur (parce que par moments, ça fout vraiment les jetons) et tout simplement du film d'action. Le tout absorbé aussi simplement qu'un claquement de doigts.
C'est plus pour le fun, mais on a ensuite droit à notre émission de chevet, Opération Frisson de Yannick "Grosse bouzasse" Dahan qui reprend temporairement forme ici à travers un montage (22min42) de deux émissions consacrées à Frontière(s). La première est la chronique de janvier dernier, lors de la sortie du film en salles. La seconde, un numéro spécial de 2006 directement sur le tournage. Si l'on sait à quoi s'attendre, à savoir pas mal de superlatifs un brin surfaits (sur les connotations politiques du film pas super fines) parce que Gens est avant tout un super pote, ainsi que son sempiternel plaidoyer du cinéma de genre français étouffé par les œuvres d'auteurs masturbatoires, le Yannick Show est toujours plaisant à voir. D'autant plus que son interview du réalisateur aborde le sujet d'une façon plus posée et intelligente. Un bon point.
Une interactivité assez riche et divertissante qui s'achève avec quelques teasers au sens de l'humour décapant, une galerie d'affiches superposables à même le menu ou le film, 8 petites vidéos skyblog (quelques secondes en tout) pas très claires et accompagnées d'aucune explication ainsi qu'un module rigolo baptisé Bande annonce de films d'école (4min32). Il s'agit en outre d'un montage des films amateurs de Xavier Gens dans des formats plus ou moins esthétiques et qui dévoilaient déjà tout l'intérêt du jeune homme pour les films d'horreur.