Les premières séquences du générique sont sensiblement altérées avec quelques petits fourmillements dans les arrière-plans et un grain plus prononcé que sur le reste du film. Il faut attendre la fin des credits pour passer aux choses sérieuses. Arte Editions semble avoir repris les éléments de l'édition Blu-ray éditée par Criterion début 2010. Récemment restauré, supervisé et approuvé par le réalisateur lui-même, ce master HD a été entièrement remanié avec une révision complète de la colorimétrie, de l'étalonnage mais surtout du format qui passe ainsi du 1.66 (format original) au 1.78, une décision prise par Wim Wenders. Si l'on gagne évidemment en image, les puristes risquent de monter au créneau. Il n'empêche que ce transfert HD frôle la perfection. La splendide et hypnotique photographie du chef opérateur Robby Müller retrouve ses éclats d'origine avec une prédominance des couleurs primaires, jaunes, bleus (le ciel, les carrosseries étincelantes des voitures) et surtout les rouges (omniprésents sur les costumes, les décors, les bâtiments) étant particulièrement riches et vifs, le tout étant consolidé par un encodage AVC de haute qualité. L'apport de la HD du point de vue de la clarté et des contrastes des scènes extérieures est monumental : la profondeur de champ est inouïe et le relief des buildings de Houston palpable. Si l'image demeure d'une propreté immaculée, c'est la précision des détails des paysages américains ainsi que le piqué ciselé qui laissent souvent sans voix, faisant apparaître de nouveaux éléments de la photographie qui nous avaient alors échappés, ainsi que chaque trait du visage taillé à la serpe de Harry Dean Stanton. En revanche, la définition n'est pas optimale pour les scènes se déroulant en intérieur, la netteté est moins flagrante, les noirs sont moins concis et certaines séquences tendent à clignoter quelque peu. Néanmoins, cette édition enterre bel et bien la dernière réédition DVD (déjà chroniquée par nos soins ici) qui se contentait de reprendre le même master (exagérément lumineux) de l'édition sortie en 2001. Enfin, la réussite ne serait pas (quasi) exemplaire si le master n'avait pas conservé un superbe grain cinéma qui flatte la rétine et respecte la texture du film original.
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La version originale bénéficie d'une piste DTS-HD Master Audio 5.1 spatialisant dès le premier plan les notes vibrantes et planantes de la guitare sèche de Ry Cooder. Ce mixage offre à cette mythique partition un écrin acoustique aussi doux que limpide et les latérales soutiennent ces accords avec homogénéité en évitant toute surenchère inutile. Evidemment, en dehors de la musique du film, les effets annexes sont relativement discrets mais injectent à plusieurs reprises quelques éléments participant à l'immersion du spectateur dans le road-trip de Wim Wenders. Ces ambiances se caractérisent par des poussières et cailloux crépitant sur l'asphalte, le passage voisin d'un train sur des rails encrassés, divers klaxons disséminés sur la route ainsi que d'autres bruits de circulation. Le spectateur prend véritablement place à l'arrière du véhicule de Travis et on n'en demandait pas plus au risque de dénaturer complètement le film original. Comme sur la dernière édition DVD, certaines séquences comme celles du peep-show restent axées sur les dialogues, donc sur les enceintes avant. La piste française est quant à elle proposée en DTS 2.0 d'excellente qualité et dynamique mais reposant essentiellement sur les voix (souvent diamétralement opposées à celles des comédiens), où Aurore Clément se double par ailleurs elle-même en français.
Dans un français impeccable, le réalisateur allemand évoque son film en abordant différents points. Tout d'abord, l'élément central de Paris, Texas : ses paysages, tournés dans l'ouest américain. Wim Wenders insiste sur l'idée de rendre hommage à ces paysages maintes fois vus dans les westerns de John Ford ou Anthony Mann, sans pour autant citer et faire référence aux films en question. Avec Robby Müller, son directeur de la photo, Wenders a travaillé de manière différente. Habitué au story-board, la paire a effectué pour ce film le découpage le jour même de la mise en boite des plans en fonction des paysages et des lieux dans lesquels l'équipe tournait. Le cinéaste germanique rappelle ensuite que Paris, Texas s'inspirait du roman de son ami Sam Shepard (écrivain et acteur), Motel Chronicles, et qu'il pensait lui faire jouer le personnage de Travis. Shepard déclina l'offre car Travis, c'était lui, et il ne se sentait pas de l'interpréter. Selon Wenders, il fallait un acteur méconnu qu'il trouva en la personne d'Harry Dean Stanton. Quant à Nastassja Kinski, qui avait déjà tourné avec Wim Wenders dans Faux mouvement dix ans auparavant, elle accepta d'emblée de jouer dans le film.
Venons-en au scénario, qui a été accouché dans la douleur. Au moment de débuter le tournage, seule une première moitié avait été écrite par Wenders et Shepard. Ce dernier n'étant plus disponible au moment du tournage, le réalisateur continua d'écrire au jour le jour avec l'aide du père du petit Hunter Carson, qui joue le fils de Travis dans le film. Ensuite, Wenders évoque les deux scènes du peep-show tournées comme en continuité. Enfin, le cinéaste se remémore la consécration à Cannes et l'obtention de la Palme. Personne n'avait encore vu le film, sauf lui et son monteur, et pour cause, la seule copie existante avait été sous-titrée et finalisée une heure seulement avant la projection de presse ! On pensait que seul Wong Kar-Wai en était capable ! Ne manquez pas cet entretien passionnant.
Si par rapport à l'édition DVD nous perdons le CD de la bande-originale de Ry Cooder, et une belle galerie de photos prises et commentées par Wim Wenders concernant les repérages des lieux de tournage, nous gagnons en revanche de superbes scènes coupées (22min38). Proposées avec le commentaire audio du réalisateur en option, ces séquences accompagnées du thème principal présentent entre autre un générique d'ouverture plus long, permettant d'admirer d'autres vues aériennes de Big Bend, l'endroit le plus chaud du Texas. Comme l'indique le cinéaste, les images manquantes sur certains plans ont été utilisés afin d'en tirer des photos promotionnelles, tandis que l'ensemble présente des griffures plus ou moins importantes. Parfois, vous y verrez Wim Wenders intervenant durant la prise, relancer le jeu des acteurs ou tenir le clap. D'autres scènes laissées sur le banc de montage devaient apparaître en début de film quand Travis, catatonique, se fait ausculter après avoir été retrouvé inanimé. Notons enfin une nouvelle apparition de John Lurie narguant Nastassja Kinski en lui jouant de l'harmonica de l'autre côté du miroir sans teint. Ces bouts de scènes souvent contemplatifs sont les derniers vestiges de la version de trois heures initialement prévue par Wim Wenders. Les commentaires du réalisateur s'avèrent précis, évidemment indispensables et on regrette que l'éditeur n'ait pas inclus son commentaire sur le film comme sur l'édition Criterion.
Par ailleurs, Arte Editions ne propose pas non plus les interviews inédites de l'équipe du film, dont Claire Denis alors assistante de Wim Wenders sur Paris, Texas, ainsi que d'autres documents d'archives qui manquent clairement à l'appel sur cette édition française. Il faudra vous contenter d'un mini-livret de 16 pages, repris à l'identique que celui inclus sur l'édition DVD, dans lequel vous retrouverez un extrait de Motel Chronicles, recueil de nouvelles écrites par Sam Shepard, ainsi qu'une filmographie de Wim Wenders, la fiche technique, et des extraits d'entretiens de l'équipe du film menés par Bernard Eisenschitz lors de la sortie du film en salles.
L'interactivité se clôt sur la bande-annonce (2min10).