Ce nouveau master restauré HD présenté dans son format respecté 1.66, impressionne par sa propreté ainsi que par ses couleurs naturelles et tranchées. L'éditeur frôle le sans-faute technique même si les séquences en basse lumière déséquilibrent l'ensemble avec un léger voile granuleux visible lors des déplacements de la caméra (58min45, 1h16), dénaturant sensiblement la palette chromatique et altérant les détails. Cependant, le master demeure de fort bonne facture : les scories ont été purement et simplement éradiquées, à part évidemment sur les images d'archives intégrées au montage, les contrastes sont denses, les gros plans précis, les scènes enneigées sont immaculées et la palette colorimétrique froide originelle (gris, acier, bleu) est remarquable. L'éditeur offre une fois de plus un transfert brillant du film d'Helma Sanders-Brahms soutenu par une compression efficace.
La musique signée Jürgen Knieper, pianiste et compositeur allemand ayant collaboré avec Wim Wenders, tient une place capitale durant la première partie du film. Le mixage s'avère magnifique de fluidité et de précision, la bande-originale, dynamique et précise, perce sans mal les enceintes avec des notes de piano littéralement cinglantes. Les dialogues sont percutants, le souffle inexistant et les séquences de bombardement issues des archives de la guerre en couleurs sont saisissantes.
Entretien avec Helma Sanders-Brahms (11min20)
La cinéaste revient longuement sur la genèse de son film, récit autobiographique doublé du portrait sombre de son pays, l'Allemagne. Une dimension personnelle renforcée par la présence d'Anna Sanders (Anna dans le film), la véritable fille de la réalisatrice. Helma Sanders-Brahms évoque le casting, les personnages, l'usage des images d'archives entremêlées avec la fiction, ainsi que le poème de Bertolt Brecht ouvrant et donnant son titre au film. Datant de 1933, le poème annonçait le destin de l'Allemagne par ces vers : « Ô Allemagne, mère blafarde ! Comment tes fils t'ont-ils traitée pour que tu deviennes la risée ou l'épouvantail des autres peuples ! ». Dans la dernière partie de cet incontournable entretien, la cinéaste se souvient de l'accueil de son long métrage. Lors de sa présentation en compétition à la Berlinale, elle est tout simplement ovationnée. Quelques mois plus tard, les projections presse sont catastrophiques. Les journalistes sifflent le film. Lors de sa sortie en Allemagne, la presse s'acharne définitivement sur la réalisatrice et les cinémas déprogramment très vite Allemagne, mère blafarde. Finalement, le film est merveilleusement bien accueilli dans le reste du monde, surtout au Japon et en France où le film est d'abord présenté triomphalement au Festival du Film de Femmes de Sceaux en 1980, pour rester 72 semaines à l'affiche.
Froide figure (26min48)
Marielle Silhouette est Maître de Conférences à Paris IV. A travers une longue et technique approche du film, notre interlocutrice démêle les différents modes de figuration utilisés par Helma Sanders-Brahms dans Allemagne, mère blafarde à savoir la poésie, le théâtre, le chant, la danse et la sculpture. Entre réalité et fiction, le film est disséqué dans le fond (l'Histoire de l'Allemagne, l'histoire de la cinéaste, la figure de la mère) et dans sa forme (l'usage des images d'archives) mais certains arguments font évidemment redondance avec ceux déjà entendus lors de l'entretien d'Helma Sanders-Brahms avec l'évocation de la réception du film en Allemagne lors de sa sortie ou le préambule caractérisé par le poème de Brecht.