On se souvient de l'émerveillement provoqué par la version remasterisée sortie chez l'éditeur en 2006 : le dépoussiérage impressionnant subi par le master apportait un véritable coup de jeune au film et s'accompagnait d'un transfert au diapason. Ce dernier restituait enfin le cadre dans son intégralité et permettait une redécouverte totale du film grâce à une définition superbe et des couleurs chatoyantes. Pour cette version définitive de Blade Runner, le nouveau transfert se devait d'être au moins à la hauteur du précédent, voire d'accomplir des prouesses supérieures. Qu'en est-il finalement ? La réponse s'avère dans l'ensemble positive puisque cette édition offre encore quelques améliorations en termes de texture d'image et de contraste. Néanmoins, on émettra un léger bémol concernant le nouvel étalonnage.
Edition 2006
Final Cut - Edition Spéciale 2007
Une fois encore, le transfert s'appuie sur un master d'une propreté sans faille qu'aucune rayure ni tâche ne viennent jamais ternir, pour un rendu d'une pureté impressionnante. Le cadre se voit lui aussi restitué dans son intégralité - on gagne même quelques pixels sur la gauche et en bas de l'image -, ce qui permet d'apprécier à sa juste valeur le sens inné de la composition de l'image propre au metteur en scène. La comparaison entre les deux éditions révèle immédiatement quelques changements non négligeables sur la palette colorimétrique et la gestion des contrastes. Sur ce Final Cut, les bleus semblent avoir été intensifiés, ce qui joue incontestablement en la faveur des plans nocturnes sur la ville, absolument sublimes de bout en bout, et de tout autre plan dominé par des couleurs froides.
Edition 2006
Final Cut - Edition Spéciale 2007
Mais ce choix n'est pas sans effets pervers, comme on le constate sur les plans dominés par des couleurs chaudes où les oranges ont tendance à tirer franchement vers le jaune, voire vers le vert. Pour les décors, libre à chacun d'avoir ses préférences personnelles. Mais dès lors qu'il s'agit des visages des comédiens, force est de reconnaître que la richesse des tons offerts dans l'édition 2006 reste inégalée. Ce constat s'explique aussi par l'intensification des contrastes, qui a tendance à entraîner un appauvrissement des nuances sur les visages, si subtiles dans l'édition précédente. Cette gestion des contrastes a néanmoins pour effet positif d'offrir une profondeur de champ supérieure, un atout indéniable dans la séquence finale.
Edition 2006
Final Cut - Edition Spéciale 2007
Si la définition perd très légèrement en précision, on remarquera cependant la quasi absence de défauts de compression ainsi que la suppression des effets de grain que l'on pouvait encore déceler dans la version précédente. Ainsi, le rendu de chaque plan aérien s'avère étonnamment lisse et pur, tout en conservant une texture pellicule tout à fait plaisante.
Au final, s'il est recommandé de ne pas se débarrasser de l'édition 2006, l'ensemble reste un véritable plaisir pour les yeux et permet de découvrir ce montage final dans d'excellentes conditions.
Proposé en anglais, français et italien, le film bénéficie enfin d'un mixage Dolby Digital 5.1, succédant aux pistes Dolby 2.0 déjà hautement satisfaisantes de l'édition précédente. Il était difficile de savoir ce qu'il fallait attendre d'un 5.1 sur un film aussi ancien et là encore, l'éditeur fait des miracles. La différence est surtout frappante sur la piste anglaise, nettement supérieure à ses homologues française et italienne en termes de puissance et de profondeur.
D'une pureté sonore sans précédent, ce 5.1 anglais repose sur un mixage très harmonieux qui redirige les dialogues vers la piste centrale et utilise habilement les arrières pour renforcer les sons ambiants. La composition musicale très aérienne de Vangelis bénéficie elle aussi d'une pureté et d'une ampleur inédites grâce à ce même soutien discret mais efficace des arrières, créant ainsi un subtil effet d'enveloppement. L'immersion dans l'atmosphère du film est totale. Sur les 5.1 français et italien, la différence avec les 2.0 de l'édition 2006 s'avère moins frappante mais le son bénéficie cependant d'une puissance et d'une ampleur accrues, même si la profondeur de certains bruitages tels que les coups de feu aurait gagné à être retravaillée.
Enfin, pour les sous-titres, il y a l'embarras du choix puisque ceux-ci sont proposés dans quatre langues différentes (anglais, français, italien et néerlandais) avec en prime une option italien pour malentendants.
Outre la version définitive du film voulue par le réalisateur, la principale attraction de ce premier disque n'est autre que le commentaire réalisé par le réalisateur lui-même, Ridley Scott. Il est à noter que le film lui-même peut être visionné avec ou sans l'introduction par le réalisateur, un bref discours d'une trentaine de secondes.
Le commentaire audio de Ridley Scott
Pour le plus grand plaisir des fans, le réalisateur se livre à un commentaire particulièrement riche en explications sur ses intentions au moment de la conception du film. Visiblement conscient de l'attente des fans, Ridley Scott ne se contente pas d'une suite d'anecdotes mais commente de manière détaillée ses choix artistiques. Il en profite pour rétablir certaines vérités, comme en témoignent ses propos du début sur l'emploi de la voix-off dans la première version du film. A travers ce commentaire, Ridley Scott revient sur sa collaboration avec l'équipe, sur son travail avec les acteurs (et éventuellement les apports personnels de ces derniers à leur personnage), sur les contraintes techniques et artistiques que lui ont posées certaines séquences, ou encore sur ses inspirations visuelles et narratives. Outre les commentaires d'ordres purement scénaristique et technique, le réalisateur fait allusion aux œuvres de la littérature de science-fiction qui l'ont inspiré et agrémente parfois son discours de considérations fort intéressantes sur la portée idéologique et sociologique du film. Enfin, Ridley Scott ne manque pas de livrer les impressions que lui procure le film après un quart de siècle. Certainement l'un des commentaires audio les plus riches et les plus passionnants entendus sur un DVD ces dernières années.
Le commentaire audio des producteurs et des scénaristes
Le commentaire est assuré par quatre intervenants. Se présentent tout d'abord les deux scénaristes Hampton Francher et David Peoples, puis le producteur Michael Deeley et enfin la productrice exécutive Katherine Haber. Le commentaire réalisé par cette dernière s'avère particulièrement fourni en souvenirs de tournage, qu'il s'agisse des difficultés et imprévus rencontrés lors de certaines séquences ou des rapports entre l'acteur principal et le réalisateur. Si Michael Deeley reste le moins bavard du groupe, les deux scénaristes se montrent en revanche très volubiles. La conversation entre Hampton Francher et David Peoples se révèle même assez animée puisque les deux scénaristes n'hésitent pas à se contredire l'un l'autre. Au final, un commentaire qui, sans être aussi réussi que celui de Ridley Scott, intéressera toute personne en quête d'anecdotes liées au film.
Le scénariste Hampton Francher
Le commentaire audio des designers et concepteurs des effets visuels
Un troisième commentaire réalisé par six intervenants : le concepteur Syd Mead, le chef décorateur Lawrence G. Paul, le directeur artistique David L. Snyder, et les superviseurs d'effets spéciaux photographiques Douglas Trumbull, Richard Yuricich et David Dryer. Chacun s'exprime sur son travail en apportant des éclaircissements sur l'univers visuel du film, la conception des décors ou encore des effets spéciaux, en reliant éventuellement tous ces aspects aux thématiques de l'œuvre - sur ce plan, David Dryer s'avère être le plus intéressant. Les profanes n'auront aucune raison de se laisser rebuter par la dimension technique des commentaires, ces derniers se voyant régulièrement ponctués d'anecdotes, ce qui rend l'ensemble très agréable à suivre.
DVD 2 - Dangerous Day, le documentaire retraçant l'histoire du film
Pour la première fois, Blade Runner se voit consacrer un vrai making of. Le résultat est largement à la hauteur des espérances puisque le documentaire s'étale sur 3h34 et revient de manière détaillée sur l'historique du projet, de la préproduction à la postproduction. Afin de permettre de retrouver chaque partie le plus facilement possible, un chapitrage a été intégré à la navigation. A noter que ce documentaire n'est disponible qu'en langue anglaise mais qu'il s'accompagne d'un énorme choix de sous-titres (incluant bien entendu le français).
On débute donc par le récit détaillé de la genèse du projet par Ridley Scott lui-même et l'équipe de production du film. Au travers d'extraits d'interviews entrecoupés d'images d'archives de l'époque, on apprend ainsi notamment que le réalisateur avait tout d'abord refusé le scénario de Hampton Frencher, intitulé Dangerous Days, avant qu'un événement tragique de sa vie privée ne le pousse indirectement à reconsidérer son choix. Après une longue partie consacrée à l'évolution du scénario, la suite du récit s'attarde sur le choix du casting, notamment sur l'arrivée inattendue de Harrison Ford sur le projet après que Dustin Hoffman eut longtemps été considéré, mais aussi la première rencontre entre Ridley Scott et Rutger Hauer. Comédiennes et comédiens en profitent pour livrer leurs impressions à la première lecture du scénario.
Un chapitre entier est ensuite dédié à l'univers visuel du film, s'attardant longuement sur la conception des décors urbains, des véhicules et des accessoires. Les extraits d'interviews du réalisateur Ridley Scott, du chef décorateur Lawrence G. Paul et d'autres membres de l'équipe intervenus sur la conception visuelle sont illustrés par de nombreuses photos d'archives et croquis originaux.
C'est ensuite l'ambiance tendue du tournage qui se voit consacrer un chapitre à travers les souvenirs des uns et des autres, des souvenirs qui n'ont pas toujours l'air très heureux si l'on en croit les témoignages a posteriori des comédiens et des producteurs. Ponctué par des extraits vidéo du tournage, le documentaire revient ainsi sur les difficultés rencontrées lors du tournage de certaines séquences intimistes, les nombreux risques pris par les cascadeurs ou encore la pression mise par les producteurs suite à des retards accumulés sur le planning.
Le chapitre consacré aux effets visuels revient de manière très précise sur les procédés utilisés dans la création les décors, le travail sur les maquettes, mais aussi sur les contraintes posées par la gestion de la lumière... Les superviseurs d'effets spéciaux ne sont pas avares de précisions très techniques qui parleront surtout à ceux qui possèdent quelques connaissances dans le domaine, même si les propos sont régulièrement illustrés par des extraits du film. Une partie très intéressante est enfin consacrée aux réactions des studios suite au premier montage du film, les extraits d'entretien revenant sur les passages ayant subi les plus grands chamboulements. Les interviews s'attardent aussi longuement sur l'ajout de la voix off - dont on entend d'ailleurs des essais n'ayant jamais été utilisés, et l'on découvre avec amusement les réactions de personnalités extérieures à l'équipe telles que Frank Darabont ou Gillermo Del Toro qui avouent être attachés à cette voix off... Enfin, après l'accueil décevant reçu par le film à sa sortie en salles, un accueil que plusieurs critiques tentent d'analyser en le reliant au contexte historique et cinématographique de l'époque, on finit par la résurrection du film en 1991 à travers la fameuse version director's cut.
Au final, Dangerous Days est un making of très complet et particulièrement dense, fourmillant d'anecdotes et d'informations sans jamais verser dans un quelconque discours promotionnel. Et pour ceux qui n'auraient toujours pas compris si Deckard est ou non un Répliquant, la réponse est subtilement donnée dans ce documentaire...