Le master a été restauré en 2005 par la Cinémathèque de Bologne à partir de trois matériaux distincts. Certaines scènes ont été tournées par Pier Paolo Pasolini en 16 mm, support fragile et plus délicat que le 35 mm, et d'autres en 35 mm pour le projet initialement baptisé Notes pour un poème sur le Tiers monde, réduites dans Carnet de notes pour une Orestie africaine au 16 mm. Enfin, les images d'archives de la guerre du Biafra (26min55) ont été dupliquées et réduites pour être insérées dans le film, ce qui implique griffures, scories diverses et picotis. Le travail de restauration a été difficile en raison de l'hétérogénéité des matériaux utilisés, et l'ensemble gonflé en 35 mm. Un blow up (ou agrandissement) a été effectué et cause quelques défauts, notamment au moment des scènes tournées avec les étudiants africains à la faculté de Rome (16min48, 55min48) où le grain est très prononcé. Certaines scories ont échappé à la restauration, comme des poussières sur les bords du cadre, mais en règle générale les images sont exceptionnellement nettes. Ce sont les images tournées par Pier Paolo Pasolini qui s'en sortent le mieux, avec des contrastes honorables et une belle luminosité. Documentaire oblige, la caméra du cinéaste virevolte souvent mais la compression numérique n'est jamais prise en défaut et l'ensemble demeure précis et propre, restituant avec élégance la beauté et les détails des visages chers au cinéaste. Présenté dans son format 1.37. respecté, Carnet de notes pour une Orestie africaine renaît indubitablement sous nos yeux.
Comme l'indique le livret annexe au dvd, la restauration sonore a été plus difficile dans la dernière partie, très endommagée. A partir d'une bande négative en 16mm, un tirage positif sonore (toujours en 16mm) a été effectué afin de réaliser une nouvelle restauration en son numérique puis imprimé à nouveau sur une nouvelle bande négative 35mm. En dépit de cette restauration, la bande-son se maintient étouffée tout du long et la voix-off de Pier Paolo Pasolini se montre perturbée, comme si elle avait été enregistrée près d'une fontaine d'eau. La musique d'accompagnement est plus fluide mais des craquements sont perceptibles à de nombreuses reprises. Les séquences enregistrées à la faculté nécessitent de bien tendre l'oreille afin de discerner les propos des étudiants, notamment quand ils s'expriment en français, les sous-titres n'apparaissant évidemment pas. A noter également un décalage entre le son et l'image constaté à la 57ème minute. L'intermède free-jazz sature fortement et la voix affûtée d'Yvonne Murray manque de précision. Ajoutez à cela un souffle chronique qui finit par taper sur les nerfs. Une belle déception.
Notes pour un film sur l'Inde (33min)
Une légende hindoue raconte comment un maharadjah donne son corps aux tigres pour calmer leur faim. Souhaitant adapter cette histoire dans le contexte de l'Inde moderne, Pier Paolo Pasolini part y faire des recherches, caméra à la main, pour vérifier si cette idée de film est réalisable. Ce film de 1968 proposé par Carlotta est le seul master existant à ce jour. Proposé dans une version acceptable, cet essai filmé est un complément parfait au Carnet de notes pour une Orestie africaine et demeurait inédit à ce jour. Le N&B est satisfaisant (malgré des griffures et des scories abondantes au début) et la bande-son s'en tire mieux que celle du long métrage. Nous vous conseillons de lire L'Odeur de l'Inde qui narre les souvenirs de la découverte du pays par le cinéaste à la fin des années 60, puis de visionner ces Notes pour un film sur l'Inde, complétant parfaitement l'émotion distillée tout au long du livre.
Poétique de l'inachèvement (25min33)
Hervé Joubert-Laurencin, maître de conférences, spécialiste du cinéma italien et auteur de Pasolini, portrait d'un poète en cinéaste, est le locuteur de ce passionnant module où les traces du processus réflexif chronique de Pier Paolo Pasolini sur son propre travail est amplement analysé à travers ses divers Carnet de notes. Le fond et la forme anti-conventionnelle du film se croisent habilement et Hervé Joubert-Laurencin dresse un tableau saisissant des différentes consonances plus subjectives et personnelles relevées dans les "Appunti". On regrette que les vingt minutes du film coupées après sa première présentation à Cannes en 1970 n'aient pas été retrouvées, Pasolini ayant effectué ces coupes pour réduire le film à 70 minutes pour sa diffusion à Venise à l'occasion de la Journée du Cinéma italien en 1973.
Entretiens dirigés par la Cinémathèque de Bologne (50min)
a) Dacia Maraini (9min28)
Ecrivaine, scénariste (Les mille et une nuits de Pasolini), ex-femme d'Alberto Moravia et amie de Pasolini, Dacia Maraini a accompagné le cinéaste en Afrique pour son Carnet de notes pour une Orestie africaine et partage avec émotion ses souvenirs liés à cette expérience.
b) Gian Vittorio Baldi (6min53)
Ayant déjà officié en tant que producteur avec Pier Paolo Pasolini sur Porcherie en 1969, Gian Vittorio Baldi avait également produit Carnet de notes pour une Orestie africaine. Si cette intervention fait redondance avec tout ce qui a déjà été évoqué au cours des précédents suppléments, l'aspect technique est ici plus développé ainsi que le refus des distributeurs de diffuser le film à la télévision et au cinéma à l'époque.
c) Gato Barbieri et Stefano Zenni (9min29)
Gato Barbieri est le musicien de jazz du film de Pasolini, rendu également célèbre grâce à sa composition du Dernier tango à Paris. L'intérêt tourne court puisque Gato Barbieri ne parle en tout qu'une minute de son expérience créatrice sur le film, laissant rapidement la place au musicologue Stefano Zenni. Ce dernier dresse le parcours de Gato Barbieri, saxophoniste argentin, appelé par Pier Paolo Pasolini pour apparaître dans le film Carnet de notes pour une Orestie africaine, caractérisant ainsi un pendant musical à la structure inclassable et anticonformiste du film. Les chanteurs Yvonne Murray et Archie Savage sont également évoqués.
d) Massimo Fusillo (23min33)
Spécialiste de littérature comparée, Massimo Fusillo propose une analyse complexe et brillante du film, en établissant un lien avec la traduction du texte de L'Orestie que l'écrivain et cinéaste réalisa en 1960 sous la demande de Vittorio Gassman qui désirait mettre en scène la tragédie d'Eschyle au Théâtre Populaire. Un choix jugé peu académique à l'époque et qui fut sévèrement critiqué, un poète traduisant un autre poète. Massimo Fusillo développe les choix effectués par Pier Paolo Pasolini, à savoir une traduction dicible et communicable au public dont il se préoccupait. La beauté formelle et l'aisance de l'écriture étant en revanche accueillies assez positivement par les professionnels. Dans une seconde partie, notre interlocuteur se penche sur le film proprement dit et donne son avis sur la structure et le fond abordé.Inclus dans le splendide coffret dvd, un livret exclusif de 52 pages, recueil de textes critiques sur et par Pasolini, adapté de celui créé par la Cinémathèque de Bologne pour l'édition dvd italienne du film. Vous y trouverez une présentation de Giuseppe Bertolucci, un texte sur la restauration, des textes de Pier Paolo Pasolini sur l'Afrique, des notes effectuées pour la transposition de L'Orestie en Afrique, une critique du film par Alberto Moravia, une bio-filmographie et la bibliographie de Pier Paolo Pasolini.