Interview éditeur : Carlotta Films
Le 23/06/2009 à 15:04Par Sabrina Piazzi
Depuis les débuts de Filmsactu, nous n'avons eu de cesse de mettre en valeur le travail éditorial de Carlotta Films effectué sur le cinéma du patrimoine mondial. C'est avec une passion communicative que Vincent-Paul Boncour, directeur et fondateur de Carlotta Films, et Fabien Braule, chef de projet DVD, nous ont dévoilé quelques grands titres à venir de leur catalogue (pour la fin de l'année) qui se révèle extrêmement chargé, ainsi que leur travail acharné et quotidien. Entretien avec l'un des grands éditeurs indépendants français.
Vous êtes un peu le dernier des Mohicans en France, les derniers à avoir gardé une certaine rigueur et logique éditoriale alors que beaucoup d'éditeurs se sont dispersés ou ont tout simplement arrêté. Est-ce important d'avoir cette rigueur ?
Nous réalisons un travail sur l'Histoire du cinéma, sur le patrimoine depuis onze ans, avec d'abord une activité qui était uniquement basée sur la ressortie en salles puis ensuite sur support DVD tout en conservant cette double casquette de reprises de films de patrimoine. « Rigueur » est l'un des mots d'ordre donné depuis le début. Nous réalisons un travail qualitatif sur la ressortie des films, le matériel, la promotion, la visibilité. Nous travaillons les films de patrimoine comme des nouveautés et pas juste comme la énième ressortie de tel ou tel film. La rigueur est poussée encore plus loin sur support DVD via le contenu, l'aspect éditorial, les suppléments, les documentaires, les recherches d'éléments existants... Les titres importants de l'Histoire du cinéma sur lesquels nous travaillons, les intégrales des cinéastes, sont liés à notre passion du cinéma dès le départ.
Concernant le DVD, chez les gros éditeurs comme les Majors, on perd pour ainsi dire l'objet, la création, plus personne ne crée de bel objet, ou très peu...
C'est la seule différence que nous ressentons vis-à-vis du marché : il y a moins d'éditeurs qui effectuent un travail tout au long de l'année concernant les films de patrimoine. D'habitude c'est durant une période bien particulière, comme pour les fêtes de fin d'année. Carlotta a une actualité permanente concernant les films de patrimoine. Nous pensons qu'il y a toujours autant de travail à effectuer sur les réalisateurs avec des intégrales, même s'il y a peut-être moins de sorties qu'il y a 4 ans, véritable âge d'or du DVD. Potemkine ou Malavida ont également une belle approche qualitative. Chacun a sa propre thématique et une approche différente. Il y a encore une belle actualité du patrimoine en général, en tout cas chez les indépendants. Chez les Majors, c'est surtout lié désormais à des collections regroupant différents catalogues.
Que pensez-vous de Warner aux Etats-Unis qui a lancé 'Warner Archive' (soit le téléchargement de quelques 150 titres du catalogue de l'éditeur qui n'existent pas sur support physique DVD mais que les passionnés pourront télécharger pour 14,99$) ? Universal annonce faire la même chose prochainement. C'est comme un premier pas vers la VOD, comme un complément du marché de la vidéo, qui va contre la politique du bel objet que l'on peut avoir entre les mains et qui est restée chère à vos yeux...
Peut-être que l'idée de sortir des films qui n'auraient jamais vu le jour en DVD vaut le coup. Warner ne peut pas sortir tous les titres de son catalogue, quelque chose comme près de 6000 titres sur support physique. C'est lié à la loi et à l'évolution du marché, certains titres n'ont pas un potentiel commercial suffisant pour qu'ils sortent en DVD. Ceci étant, nous pouvons voir cette initiative de la part de Warner comme une complémentarité au support physique. Les deux peuvent coexister. Le public n'est également pas le même. C'est comme pour la location : il y a un certain public qui peut être intéressé par un film juste pour le voir donc il va le louer. Un autre type de public voudra posséder un bel objet, avoir un beau packaging.
Nous verrons bien comment la nouvelle génération va consommer, mais l'envie de posséder l'objet existe bel et bien aujourd'hui. C'est irremplaçable quelques soient les nouveaux modes de consommation qui arrivent, qui sont et qui vont être développés. Le rapport physique à l'objet est irremplaçable. Prenons l'exemple d'un coffret Ozu ou Sirk, la notion d'offrir est toujours présente ! Cela existera toujours dans le futur. Nous avons toujours une véritable croyance sur le support physique.
Quelles sont les différences entre la sortie d'un film au cinéma et la sortie d'un film en DVD ? Est-ce la même approche ?
Il y a une différence technique, une différence de diffusion mais l'état d'esprit reste sensiblement le même, à savoir l'envie de travailler et de se pencher sur un cinéaste en ressortant une salve de ses films en salles ou en DVD, réunir sous forme de coffret une grande partie ou l'intégrale de l'oeuvre d'un cinéaste. C'est la même approche cinéphilique. Après, il y a surtout des différences techniques et de matériel. Du point de vue promotionnel et de la communication, le public qui est visé pour une diffusion salle et une édition DVD est cinéphile. Mais nous souhaitons aussi ouvrir la découverte du travail d'un cinéaste à de jeunes générations, à un public qui n'en n'a jamais entendu parler. Il ne faut pas se limiter à un public d'initiés ou de connaisseurs, même si le public qui nous suit reste cinéphile.
Puis vient le choix : nous adoptons plusieurs cas de figure. Lorsqu'un film sort d'abord au cinéma puis en DVD, ou en simultané. Concernant des titres relativement exigeants comme Chung Kuo - La Chine ou Carnet de notes pour une Orestie africaine, il n'y a aucun intérêt à attendre 6 mois entre la sortie salle et DVD. Cela dépend des titres. A contrario, Mariage à l'italienne ou Signore e Signori, qui sort cet été en salles, sortent plusieurs mois après en DVD. Quelle est la meilleure communication ? Prenons l'exemple d'Ariane de Billy Wilder : ce titre ne pouvait sortir qu'en DVD et pas en salles, nous n'avions que les droits en DVD. De manière générale, nous ne nous fixons pas de règles, cela se fait en fonction des envies que nous avons.
Après vient la logique éditoriale : nous dégageons des thématiques à travers la sortie de films qui nous correspondent bien. Cela va des classiques américains ou européens en passant par la comédie à l'italienne. D'année en année nous retrouvons ces thématiques. Malgré cette logique nous ne désirons pas cloisonner nos choix. Cette année par exemple, notre travail est très orienté sur le cinéma italien comme avec Pasolini. C'est un choix de prolonger le travail effectué sur l'œuvre de ce cinéaste. Nous avions déjà quasiment tout sorti mais il demeurait le film Carnet de notes pour une Orestie africaine, qui est peut-être plus difficile en termes de potentiel commercial tout en étant très rare. Nous préférons réaliser une intégrale sur plusieurs mois ou plusieurs années à l'instar de Fassbinder vers qui nous reviendrons en 2010. Nous découvrons toujours des films plus ou moins rares, méconnus même quand nous pensons avoir fait le tour des grands auteurs.
Parlons de la restauration de films ressortant en salles : depuis des années la restauration coûte cher. Est-il viable de sortir un film en salle sur une seule copie en version restaurée ?
Pour une restauration 35mm, même numérique, aujourd'hui ce n'est pas nous qui engageons les frais car nous ne pouvons pas nous le permettre. Les Vacances de monsieur Hulot va par exemple ressortir en copie restaurée mais celle-ci est restaurée par Les films de mon oncle à qui appartiennent les ayants-droits. Ils ont géré la restauration avec des soutiens et des partenaires financiers (La Fondation Gan pour le cinéma, La Fondation Thomson et la Cinémathèque française). Nous prenons ensuite le relais en tirant cette copie neuve restaurée. Donc il y a quand même des coûts évidents. Nous ne pouvons pas seuls nous occuper de cette restauration. Ce n'est pas notre « rôle », car pour rentabiliser ce projet il faut détenir les droits en France mais également sur d'autres territoires à l'étranger.
Et concernant la restauration DVD ?
... si le vendeur ou l'ayant-droit a des éléments restaurés et qu'il n'y a pas grand-chose à faire sur le master à part reprendre quelques poussières, dans ce cas l'exigence ne sera pas forcément la même en termes de restauration. Après il y a des masters qui demandent plus de travail notamment sur les films italiens ou japonais. Les frais de restauration sont alors engagés et nous travaillons avec des laboratoires réguliers.
C'était le cas de Chung Kuo - La Chine ?
Le cas de Chung Kuo - La Chine était costaud ! Nous avons eu énormément de mal à trouver du bon matériel. Les ayants-droits nous ont mis à disposition le matériel existant comme étant le meilleur puisqu'il est sorti tel quel en Italie. Le matériel n'était pas terrible donc nous avons travaillé en relation avec le spécialiste et collaborateur de Michelangelo Antonioni, Carlo di Carlo, qui a écrit beaucoup de livres, organisé des rétrospectives. Il nous a aidés à retrouver un bien meilleur élément en termes de master. Une copie 35mm a été tirée d'éléments trouvés en Italie à partir d'un élément internégatif existant plutôt de bonne qualité. Malgré les quelques défauts de la copie (un grain d'origine, le film a été tourné en 16mm), celle-ci est plutôt de bonne qualité comparée à la copie sortie en Italie.
Pour rester dans le cinéma italien, le Blu-ray de Salò ou les 120 journées de Sodome sort aujourd'hui au format respecté 1.85 alors que la première édition du DVD présentait le film au format 1.66...
Il n'y avait pas vraiment de problème de format à proprement parler. Tout dépend de là où a été fait le master et des territoires de projection. En France, dans les années 70 les films étaient par exemple projetés en 1.66 et aux Etats-Unis en 1.85. Les deux formats se valent. La nouvelle copie a été tirée par le British Film Institute qui a fait le choix du 1.85 qui est tout aussi recevable que le format 1.66 que nous avions sorti.
Salò a toujours été l'un de vos titres forts...
Toujours ! Lorsqu'un de nos titres marche, généralement il continue de bien fonctionner. Le premier DVD est sorti il y a 7 ou 8 ans, nous venons de ressortir cette nouvelle édition agrémentée d'un nouveau master HD qui fonctionne vraiment bien. Nous sommes toujours dans l'idée de travailler sur des films de référence, cultes...
Parlons du Blu-ray. Quatre de vos titres sont sortis en Blu-ray (Le Casanova de Fellini, One + One / Sympathy for the Devil, Salò et un titre sorti chez Bodega, Jodhaa Akbar). Cela doit engendrer de nouvelles difficultés de restauration. Tout est-il transférable sur Blu-ray ?
Tout dépend de la source. Si le master est bon, conforme aux normes actuelles, alors il n'y a aucune raison que ce dernier ne soit pas exploitable sur support Blu-ray . Et puis les techniques de restauration audio comme vidéo sont vraiment efficaces de nos jours, surtout en HD ! Nous avons aujourd'hui envie de faire vivre le support. Peu d'éditeurs indépendants tentent l'expérience, ce qui est dommage, car nous sommes persuadés qu'il y a un public qui n'attend que ça de pouvoir avoir le choix entre différents classiques tous les mois et ainsi faire les premiers pas vers le Blu-ray.
Vous avez cette même approche éditoriale que pour le DVD ?
Nous sommes encore plus exigeants ! Rien ne pardonne en termes de qualité d'images sur le Blu-Ray. Il faut travailler le support, comme le Picture-in-Picture, proposer des choses inédites en terme de suppléments. Heureusement, certains films se prêtent totalement au jeu.
Comment travaillez-vous avec Allerton Films qui s'occupe de réaliser les suppléments de vos DVD?
La structure est assez libre de proposer un certain nombre de choses. Nous ne leur imposons pas vraiment de limites et sommes ouverts à toutes propositions. Nous avons aussi pas mal de contacts de notre côté, donc les idées viennent d'eux comme de nous. Nous travaillons main dans la main, et nous y trouvons une véritable synergie et efficacité.
Continuons dans les suppléments. Pourquoi y a-t-il si peu de commentaires audio sur vos DVD?
Ce n'est pas quelque chose que nous avons envie de faire au premier abord parce que cela demande un deuxième voire un troisième visionnage du film pour le spectateur. Les gens préfèrent voir un module concis de 26 minutes plutôt que de revoir un film de 1h30 voire 2 heures pour accéder souvent à la même quantité d'informations. De plus, la majeure partie des cinéastes sur lesquels nous nous penchons ne sont plus de ce monde. Cela voudrait dire qu'il faudrait faire appel à des critiques ou des historiens du cinéma et leur demander un travail considérable sur la totalité du programme. Avec le Blu-ray cela pourrait être différent. Nous avons déjà plein d'idées avec le Picture-in-Picture notamment sur L'Aurore. Sur un Blu-ray, on peut compiler des entretiens vidéos, des commentaires, des scènes coupées. C'est une approche différente de l'idée de « bonus ». L'idée du Picture-in-Picture nous plait car elle est très ludique. Avec la fluidité et la simplicité de l'interactivité sur Blu-ray, nous sommes dans une interface totalement nouvelle où le cinéphile/consommateur peut se donner les moyens à tout moment de visionner des segments et de suivre le film de manière totalement nouvelle.
Du point de vue de l'esthétique du produit, vous ne vous laissez jamais aller à la facilité...
C'est un peu notre marque de fabrique : le packaging. C'est une manière indispensable selon nous pour fonctionner. Berlin Alexanderplatz ou La Chine ne fonctionnaient pas peut-être véritablement sur le papier mais c'est tout le travail qui a été fait autour qui a créé le désir auprès du consommateur et sa curiosité. C'est certain qu'il faut avoir à la base une matière suffisamment forte pour travailler ensuite autour. L'Aurore par exemple paraissait évident pour certains mais au départ c'était loin d'être gagné ! C'est partie d'une vraie envie de le faire connaître à un public qui ne l'avait jamais vu.
L'objectif du Blu-ray a-t-il été rempli ?
Oui en terme de production mais cela a été plus difficile en terme de vente, sans être ridicule quand même ! Salo ou les 120 journées de Sodome avait par exemple déjà beaucoup été exploité. Le marché évolue. Le coût de la réalisation et de l'édition d'un Blu-ray demeure pour le moment trop délirant car il est trop élevé par rapport à ce que nous pouvons mettre en place et vendre. Nous sommes déficitaires sur le support mais nous misons sur le long terme !
Le choix de certains titres était peut-être moins « vendeur », comme le Casanova de Fellini...
Certes mais ces films sont des succès et des titres emblématiques de Carlotta qui semblent avoir un potentiel sur support Blu-ray car ils continuent de très bien fonctionner en DVD. Nous aurions pu proposer immédiatement et plus facilement des titres américains... Mais si l'on prend l'exemple de One + One, le travail effectué sur la photo et le son, la qualité du master font que le film se prêtait bien au Blu-ray. Les autres indépendants semblent être en attente vis-à-vis du marché, d'étudier son évolution. Nous nous devons d'être là pour proposer une offre.
Qu'en est-il du Blu-ray d'Assurance sur la mort qui était initialement prévu et ensuite décalé ?
On y réfléchit ! C'est un titre potentiel pour une sortie en Blu-ray, mais sans doute courant 2010. Nous l'avions en fait déjà annoncé pour les dix ans de Carlotta fin 2008 mais pour des questions de problèmes de matériel nous l'avons repoussé. Un incendie s'est déclaré dans les studios Universal et une bonne partie de leurs masters ont brûlé. De longs mois ont été nécessaires à Universal pour faire l'état de tout ce qui avait brûlé.
L'Aurore sera-t-il prévu en Blu-ray ?
Pas cette année comme nous l'avions évoqué à un moment donné. L'actualité DVD sera extrêmement riche fin 2009 et nous souhaitons proposer une édition Blu-ray de L'Aurore vraiment complète en termes de contenu. Ce qui est certain, c'est que nous proposerons les deux versions du film (la version Movietone et la version européenne). L'idée est de prendre le contrepied aux idées reçues quant à la HD, cette idée que seuls les films récents peuvent être édités en Blu-ray.
Y a-t-il des titres en général dont vous espériez plus et qui n'ont pas rempli vos objectifs ?
L'Argent. Malgré l'édition haut de gamme et évidemment chère, le résultat n'a pas été à la hauteur de nos espérances. Bien sûr, par rapport au fait que c'est un film français muet des années 20, cela reste honnête mais pas suffisant par rapport au travail humain et financier qui a été effectué derrière. Nous avons été un peu déçus aussi par Les Aventures du prince Ahmed qui n'a pas fonctionné comme il l'aurait dû. Le succès dépend du public, de l'accessibilité de l'oeuvre en tant que telle, si celle-ci est l'œuvre d'un cinéaste plus ou moins connus...
Cette année, après Mariage à l'italienne, Chung Kuo - La Chine et Carnet de notes pour une Orestie africaine, le cinéma italien sera encore à l'honneur...
Nous sommes en plein dedans et nous nous attaquons actuellement au cinéma de genre avec la salve de trois titres de Mario Bava qui sortent le 24 juin : Les Vampires, La Baie sanglante et Duel au couteau. Cela part toujours d'une envie de faire des choses différentes, d'un intérêt cinématographique évident pour ces films là.
Le cinéma italien a le vent en poupe depuis quelque temps chez les éditeurs...
Même en salles où beaucoup de comédies italiennes ressortent. Nous concernant, Mariage à l'italienne avait bien marché l'été dernier en salles, le film a bien été apprécié du public.
Il y a encore beaucoup de travail à faire sur le cinéma italien et notre envie de travailler sur de grands auteurs de référence comme Antonioni, Fellini ou De Sica reste très forte. Pour le cinéma américain par exemple, le travail reste difficile en France car beaucoup de titres appartiennent aux grandes Majors qui sortent des titres tout au long de l'année à des prix attractifs. C'est une réalité du marché. C'est pour cette raison que le cinéma italien est un très bon créneau et qu'il reste encore de nombreuses choses à faire, beaucoup de grands classiques ou de grands cinéastes à faire connaitre...
Comme Dino Risi dont il existe finalement peu de films en DVD, par rapport à la soixantaine de longs métrages qu'il a réalisé...
Entre autre. C'est aussi le cas de Vittorio De Sica qui est finalement assez peu édité en France mais heureusement ça arrive petit à petit ! Nous faisons actuellement un travail sur un cinéaste peut-être moins célèbre mais très connu dans le milieu du cinéma des années 60 : il s'agit de Pietro Germi et de son film Signore e signori, qui a gagné la Palme d'or en 1966. Le film ressortira au cinéma cet été puis en DVD l'année prochaine. Rien ou quasiment rien n'existe sur ce cinéaste. Le film est un grand classique des années 60 qui n'était quasiment pas ressorti depuis !
Peut-on espérer d'autres films de Douglas Sirk d'ici la fin de l'année ?
C'est la suite presque logique : nous sortirons quatre films du cinéaste, période allemande années 30, vers la fin de l'année. Ce sont quatre œuvres peut-être moins conséquentes mais plus difficiles. Ces films requièrent une véritable curiosité, ils demandent une cinéphilie plus poussée que de s'intéresser uniquement aux grands mélodrames plus connus des années 50. Avec Douglas Sirk, c'est le prolongement du travail sur un auteur, un cinéaste.
D'autres sorties de DVD à nous glisser ? Bugsy Malone ?
Il y aura Le Petit fugitif d'ici la fin de l'année, dans le courant du mois de novembre. Quant à Bugsy Malone, les droits d'exploitation en DVD appartiennent à TF1 vidéo, nous ne le sortirons donc pas en DVD.
Côté cinéma asiatique, des titres sont-ils prévus ?
Pour tout vous dire, nous ne savons pas encore vraiment. Il y a encore pas mal de choses à explorer ! Kon Ichikawa est prévu pour Août. Sinon nous n'avons pas d'autres sorties de prévues en 2009 en DVD. Nous avons quand même sorti beaucoup de titres asiatiques en DVD ces dernières années : Ozu, Mizoguchi, Yoshida, Oshima... Entre le travail que nous avons réalisé et celui des autres éditeurs, un grand nombre de cinéastes asiatiques ont déjà été approchés. Les auteurs dits « classiques » fonctionnent mieux et il est clair que les plus anciens sont plus difficiles en termes d'approche.
Comment voyez-vous le marché du cinéma asiatique aujourd'hui ? Les sorties DVD ont littéralement explosé il y a deux ans puis le marché asiatique s'est quasiment écroulé immédiatement !
Il y a eu un phénomène de mode qui est vite arrivé à saturation. Trop de titres sont sortis en même temps. Il y avait un surchoix pour le public à un moment donné.
Quelle est la solution alors aujourd'hui pour subsister ? De se concentrer sur certains auteurs?
Il faut y aller au compte-goutte, continuer dans sa logique...
Vous avez fêté l'année dernière les dix ans de Carlotta Films. Comment voyez-vous la prochaine décennie ?
Nous continuerons notre travail sur le DVD, le Blu-ray, les sorties en salles. Vue la rapidité de l'évolution, il faudra s'attendre à tout. Il faut maintenir l'envie, avoir toujours une répercussion sur le public. On parle de plus en plus de patrimoine grâce aux supports existants. Le patrimoine est plus présent qu'il n'était auparavant. Nous avons bien vu cette année à Cannes : il n'y a jamais eu autant de répercussion sur les ressorties. Il y a toujours aujourd'hui un véritable intérêt, une existence réelle pour le cinéma du patrimoine, pas uniquement un coté poussiéreux ou « Cinémathèque ». Nous souhaitons en tout cas garder notre indépendance !
Pensez-vous que le DVD a encore de belles années devant lui ?
Oui ! Ne serait-ce que pour la notion de cadeau. Tout le monde n'est pas encore disposé à passer à la Haute Définition. Cela demande beaucoup d'organisation, de changer de lecteur, d'écran, et pour les puristes, changer d'amplis.
L'entretien touche à sa fin... Pour faire saliver un peu plus le public, pouvez-vous nous donner les grands titres DVD de votre catalogue à venir ?
Il y aura L'Oeil du serpent qui va sortir dans une belle édition. Cela va nous permettre de travailler sur Ingmar Bergman. Nous allons consacrer un coffret à la période dite « Historique » de Roberto Rossellini datant du début des années '70. Il s'agit de quatre films-fleuve d'une durée moyenne de 2 à 4 heures : Blaise Pascal, Augustin d'Hippone, Cosme de Medicis et Descartes. Cela va faire partie des grosses sorties DVD de cette fin d'année. Le coffret sera constitué de 5 DVD comprenant des heures d'entretiens, des documents. Nous compilerons tout ça de manière à faire quelque chose de conséquent. Nous vous promettons une belle restauration et des couleurs hallucinantes. Cela sera une découverte totale pour le public car il s'agit de films très peu diffusés en France ou vus seulement à l'époque de l'ORTF !
Nous travaillerons ensuite autour de Federico Fellini avec un beau coffret prévu pour le mois de novembre. Concernant Le Petit fugitif dont nous avons déjà parlé, nous développerons entre autre l'aspect pédagogique du film. Puis viendront sept films d'Allan Dwan allant du western au film d'aventures en passant par le film noir. Cela va demander un gros travail éditorial. Pour finir nous pouvons vous annoncer les titres prévus dans le prochain coffret Douglas Sirk dédié à sa période allemande : La Habanera, Paramatta, bagne de femmes, La Fille des marais, Les Piliers de la société. Concernant Bodega films, nous pouvons d'ores et déjà vous annoncer la sortie du DVD des Enfants de Don Quichotte et de Donne-moi la main, le superbe premier long-métrage de Pascal-Alex Vincent dans une édition très complète et supervisée par le réalisateur.
Propos recueillis par Sabrina Piazzi et Kevin Prin
Un grand merci à Vincent-Paul Boncour et Fabien Braule pour leur disponibilité.
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