De par sa structure en mosaïque, I'm not there épouse diverses formes d'expression technique, sonores et surtout visuelles. Le N&B côtoie la couleur avec fluidité et chaque partie de l'histoire est caractérisée par un choix artistique bien déterminé. S'engageant sur un splendide N&B volontairement grumeleux et trémulant (tournage en 16mm), la séquence suivante s'affirme avec le choix d'une dominance cuivrée et herbeuse. Les images d'archives utilisées à travers le film sont évidemment plus abimées que celles tournées par Todd Haynes mais elles s'incrustent bien à l'ensemble. L'éditeur respecte les résolutions esthétiques du cinéaste, par exemple l'atmosphère froide et azurée de la partie Gainsbourg-Ledger, l'aspect glaiseux safrané pour la partie Richard Gere, en livrant une copie frôlant l'excellence, un transfert numérique délicat et une profondeur de champ épatante.
Que les possesseurs d'une seule stéréo se rassurent, les deux canaux sont amplement suffisants et, s'ils ne seront pas immergés dans le long métrage comme le permettent leurs homologues DD 5.1., le spectacle est au rendez-vous avec des dialogues incisifs et une piste musicale pimpante. Les chansons et autres parties musicales profitent assurément aux frontales des deux Dolby Digital 5.1 française et anglaise sans toutefois atteindre la perfection d'écoute attendue. Un manque de souffle et d'envergure se fait ressentir et les dialogues se font moins frappants en version originale qu'en version française même si on y perd en naturel comme c'est souvent le cas. Par ailleurs les ambiances sont finalement clairsemées bien que ne manquant pas de vigueur. Globalement les quatre pistes sonores ne manquent pas de finesse, les canaux sont bien exploités et les mixages limpides.
Démarrant son exposé dès les logos de production, le cinéaste dissèque chacune de ses images, chacun des thèmes explorés, sans temps morts et avec intelligence. Chaque aspect technique y est abordé avec une passion communicative, de la genèse de ce projet audacieux au choix du casting. Non seulement Todd Haynes s'en sort admirablement dans l'exercice pourtant casse-gueule du commentaire mais en plus il approfondit en même temps chacun de ses plans. Une déclaration d'amour à Robert Allen Zimmerman qui donne aux profanes du chanteur rock, folk, country, blues et jazz une incroyable quantité d'éléments afin de combler leurs lacunes.
Les éléments récurrents de ce commentaire sont l'éternelle renaissance de Bob Dylan, la collaboration de Todd Haynes avec ses techniciens, le choix des couleurs pour définir chaque partie (tons chauds jaunes et verts pour la première partie notamment), ses références cinématographiques (Godard avec Masculin féminin et Deux ou trois choses que je sais d'elle pour la partie Ledger/Gainsbourg, Huit et demi de Federico Fellini pour la partie avec Cate Blanchett) et ses bases bibliographiques (Chroniques de Bob Dylan). On notera également un bel hommage rendu à Heath Ledger.
Entretien avec les comédiens (17min56)
Module où les acteurs du film s'expriment sur ce que représente Bob Dylan dans leur vie et comment le chanteur s'est immiscé dans leur quotidien. On regrettera la forme du segment où les propos de Richard Gere, Cate Blanchett, Christian Bale, Charlotte Gainsbourg, Marcus Carl Franklin et Ben Whishaw se superposent. On aurait préféré un entretien séparé avec chacun des comédiens d'autant plus que les propos distillés sont assez intéressants. Le jeune acteur Marcus Carl Franklin arbore le costume de la partie Dylan/Chaplin finalement non retenue.
Lettre de Todd Haynes à Bob Dylan (document écrit)
Supplément original et non dépourvu d'intérêt puisqu'il s'agit de l'unique correspondance entre le réalisateur et le chanteur. Dès l'été 2000, Todd Haynes a envoyé à Bob Dylan un document de présentation des personnages créés pour le film. C'est dès la réception de cette lettre que Dylan a donné son accord pour que le film se fasse. Celle-ci, disponible en français et en version originale, décrit les personnages ainsi que les multiples facettes du chanteur explorées dans l'histoire de Todd Haynes.
L'interactivité finalement assez maigre, s'achève sur la filmographie de Todd Haynes, la "Dylanographie" (discographie, filmographie, DVDthèque, bibliographies), la bande-annonce du film (1min45, vostf) et le teaser/clip reprenant le clip culte de Subterranean homesick blues où tous les Dylan du film apparaissent à tour de rôle.