La restauration effectuée en 2009 porte sur le dernier montage voulu par Jacques Tati en 1978. Les procédés photochimiques et les outils numériques ont permis de retrouver la texture originale des images, des détails minutieux et la beauté tranchante du N&B. L'image est ainsi harmonisée et l'étalonnage équilibré tout en respectant l'œuvre originale et les volontés de son auteur. Les remontages successifs et les nombreuses interventions de l'auteur sur le film avaient dégradé et fragilisé les éléments originaux et il n'y a qu'à comparer les deux versions du film proposées afin de constater du travail titanesque réalisé par les restaurateurs. Sur le premier DVD, la version 1978 restaurée dite « splendide » porte bien son appellation : les contrastes sont fabuleux, le master lumineux et les scories purement et simplement éradiquées. Les séquences nocturnes sont également d'excellente facture mais nous constatons quelques moirages inévitables sur les marinières ainsi que de sensibles fourmillements aux arrière-plans. Un seul plan paraît plus altéré au moment où Monsieur Hulot repeint son canoë-kayak (36min20), le cinéaste réalisant un zoom artificiel en postproduction, la granulation est légèrement accentuée et le N&B déséquilibré. Autrement, le master apparaît lisse, sans granulation apparente, la gamme de gris est variée, les blancs étincelants et la profondeur de champ inattendue. Quand on sait à quel point le cinéaste était minutieux sur chaque élément remplissant le cadre il y a de quoi se délecter ! En ayant vu le soin apporté à la restauration de Playtime et de Mon Oncle, ce master des Vacances de Monsieur Hulot ne pouvait être que du même acabit.
Vous trouverez sur le deuxième DVD la version originale du film, celle de 1953, qui n'a certes pas été restaurée mais remasterisée, comprenant néanmoins beaucoup de poussières, une clarté parfois trop poussée aux blancs cramés, des contrastes moins denses et une sensible granulation. Voici d'ailleurs un petit comparatif entre la version restaurée du premier DVD et celle remasterisée du second DVD :
Jacques Tati accordait autant d'importance au son qu'à l'image. Ecrits comme une véritable partition à même le scénario, les dialogues et les bruitages sonores retrouvent après restauration une pureté inégalée. Les « plops » caractéristiques des nombreuses collures issus des remontages successifs à même la pellicule ont tout bonnement disparu et il suffit de comparer le mixage restauré de la version 1978 à celui de la verison 1953 pour se rendore compte à quel point on gagne en intelligibilité. Dans la version restaurée, Jacques Tati avait réorchestré la musique et refait un nouveau mixage sonore. Toute sa richesse est délivrée avec panache, le thème musical transperce littéralement les enceintes avec quelques notes cinglantes des instruments. Le brouhaha merveilleux cher au cinéaste est merveilleusement rendu bien que quelques saturations se fassent entendre par ci par là tout comme un très léger souffle conservé par les restaurateurs afin de rendre le mixage harmonieux. Les séquences de plage sont accompagnées d'une résonnance travaillée en postproduction, la bande-son du film ayant été intégralement réalisée en postsynchronisation. Le mixage de la version 1953 apparaît plus couvert avec des saturations plus accentuées, les bruitages sont moins appuyés et le souffle le plus marqué. Néanmoins même ce mixage brille souvent par sa clarté et s'avère souvent pertinent.
Le premier DVD propose la dernière version du film livrée par Jacques Tati en 1978. Par rapport à la version de 1953 (celle du deuxième DVD), le cinéaste enlève la quasi-totalité des dialogues, coupe la séquence où Monsieur Hulot fait pâle figure sur le cour de tennis, en supprime une autre où Hulot regarde un curé endormi, et enfin une dernière où le personnage est surpris par une vague au moment il souhaite faire le baise-main à une jolie touriste. La version de 1978, propose un mixage sonore différent, une nouvelle orchestration et le cinéaste y rajoute la séquence où le canoë-kayak de Monsieur Hulot se transforme en véritable monstre marin faisant peur aux baigneurs. Cette séquence, tournée en 1978 à Saint-Marc-sur-Mer, montre des raccords de costumes anachroniques et s'inspire des Dents de la mer sorti quelques années auparavant et que Jacques Tati avait adoré.
Séquence filmée en 1978 et ajoutée dans le montage original
Sur les deux DVD, les suppléments sont rapidement « présentés » par La Belle dame de l'Hôtel de la plage, que vous retrouvez également dans deux modules du même nom (1min57+2min05). Nous préférons passer rapidement sur cette insupportable prestation du comédien Michel Fau, grimé en femme, jouant une ancienne pensionnaire de la station balnéaire où Monsieur Hulot a posé ses bagages, et qui partage ses « souvenirs ». Un conseil, appuyez directement sur la touche Skip de votre télécommande afin de ne pas perdre à chaque fois deux minutes en tous points épuisantes.
DVD 1
Visite surprise d'une exposition à la Cinémathèque Française (14mn35)
A travers une épuisante déambulation d'un gamin à travers l'impressionnante exposition consacrée à Jacques Tati à la Cinémathèque française (« Deux temps, trois mouvements »), les commissaires d'exposition Macha Makeieff et Stéphane Goudet expliquent les choix artistiques réalisés afin de rendre hommage au génie du cinéaste. Une approche joyeuse et presque candide a été adoptée afin de toucher les visiteurs de tout âge en les plongeant directement dans l'univers des films à la manière d'un jeu en les mettant dans la peau de Monsieur Hulot. Divers extraits des films de Jacques Tati illustrent cet amusant documentaire tout comme un gros plan effectué sur quelques éléments de l'exposition. « La vedette est avant tout le décor » comme le disait le réalisateur en parlant de la célèbre Villa Arpel de Mon Oncle. De ce point de vue, les commissaires de l'exposition détaillent le procédé audio-vidéo présent dans l'exposition, le décor racontant l'œuvre d'un des plus grands cinéastes.
Visite 3D (2mn)
A l'instar d'un animatic, vous aurez le droit ici à une horrible reconstitution en 3 dimensions de l'exposition évoquée dans le segment précédent.
Beau temps, vent léger (38min33)
Disponible à la carte (comprenez par chapitre) ou en intégralité, cette analyse pertinente des Vacances de Monsieur Hulot, écrite et réalisée par Stéphane Goudet manque légèrement d'entrain mais fait voir le film de Jacques Tati d'un œil nouveau en croisant habilement le fond et la forme. Nous y voyons quelques images filmées en amateur lors du tournage avec Jacques Tati dirigeant quelques uns de ses figurants. Les éléments du décor sont finement mis en relief (notamment la célèbre voiture de Monsieur Hulot) tout comme l'énorme travail sur le son et les bruitages, de nombreux croquis venant parfaire le tout. De petites anecdotes sont également de mise et les premières séquences commentées et disséquées. Ce segment se clôt sur les différences notables entre les trois montages et changements effectués sur le film par Jacques Tati tout au long de sa carrière démontrant son côté perfectionniste.
Une splendide restauration (17mn08)
A l'instar des éditions DVD de Mon Oncle et de Playtime, celle-ci ne fait pas entorse à la règle et expose tout le procédé de restauration effectué sur l'image et le son des Vacances de Monsieur Hulot. Les incontournables comparatifs avant/après démontrent tout le travail de titan réalisé afin d'offrir aux spectateurs la plus belle copie du film à ce jour tout en veillant à bien respecter les volontés originelles de l'artiste. Jérôme Deschamps, Macha Makeïeff , les responsables de la restauration avec la participation de Serge Toubiana exposent longuement les difficultés rencontrées lors du dépoussiérage avec technique certes mais surtout avec un plaisir non dissimulé devant le résultat final.
DVD 2
Oh un coquillage ! (11min35)
Faisant référence à la dame se promenant durant tout le film avec son mari, ce charmant module donne la parole à six figurants de l'époque retrouvés et partageant quelques souvenirs ainsi que leur collaboration avec Jacques Tati. C'est ainsi l'occasion de voir ce que sont devenus les lieux de tournage dont le célèbre Hôtel de la Plage de Saint-Marc-sur-Mer, appartenant désormais à la chaîne hôtelière Best Western.
Les complices de Tati à L'écran (5mn36)
De petits arrêts sur image sont ici effectués lors des apparitions amicales de certains membres de l'équipe du film (le photographe du plateau, les assistants, l'accessoiriste, le costumier) ou même un figurant appelé César Baldaccini, sculpteur de profession qui sera évidemment rendu immortel en créant le trophée en bronze des César du Cinéma.
Surprises
Sous cette appellation se dissimule quelques suppléments à ne pas louper :
Pubs (5min04)
Claudie Ossard, productrice de cinéma (Diva, 37°2 le matin, Arizona Dream, Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain) évoque tout d'abord sa rencontre avec Jacques Tati qui a accepté par générosité à réaliser quelques publicités malgré son aversion du genre. Vous découvrirez sept pubs souvent hilarantes dont cinq destinées à promouvoir le yaourt allégé Taillefine qu'il serait aujourd'hui difficile à réaliser au risque de choquer les mœurs. En effet, Jacques Tati base ses gags en opposant une femme mince et une autre corpulente dans une même situation, à vélo, en voiture... Même aujourd'hui l'humour paraît encore osé bien que toujours aussi dévastateur.
Canoë-kayak (51 secondes)
Ce court module présente via quelques croquis comment Jacques Tati a créé visuellement le gag du canoë-kayak se rompant en deux et devenant un monstre des mers.
Scène coupée (42 secondes)
Retrouvées lors de la restauration du film, ces chutes montrent une scène basée sur le comique verbal où un pêcheur se vante d'avoir appâté deux minuscules poissons.
Making of (4min56)
Lors de la préparation de son film, Jacques Tati envoie ses assistants parcourir les plages des côtes françaises à la recherche de la plage idéale. Le lieu de tournage est placé à Saint-Marc-sur-mer, entre Saint-Nazaire et La Baule. Le tournage débute le 9 juillet 1951 et ce supplément témoigne de l'ambiance du tournage par des photos et des images filmées par les badauds.
Encore elle ! (2min30)
Au secours, fuyez ! Michel Fau, toujours grimé en « belle dame de l'Hôtel de la Plage » pousse la chansonnette pendant plus de deux minutes. Dépêchez vous de sélectionner le bonus suivant !
Souvenirs de vacances (21min55)
Ils sont nombreux les metteurs en scène et artistes à avoir été influencés par le cinéma de Jacques Tati ! Tour à tour viennent témoigner : Jean-Claude Carrière, Olivier Assayas, Jean-Jacques Annaud, Patrice Leconte, Cédric Klapisch, Blanca Li et l'illustrateur de génie Jean-Jacques Sempé. Chacun se souvient d'une séquence qui l'a marqué voire inspiré, on y évoque les gags visuels et sonores, l'écriture, le procédé narratif, le sous-texte et le personnage de Monsieur Hulot. A ne pas louper !
L'interactivité se clôt sur la liste des récompenses obtenues par Les Vacances de Monsieur Hulot, ainsi qu'un lot de trois bandes-annonces (3min31, 1min29, 1min09) réalisées à l'occasion de la sortie et des ressorties du film.