Bien que granuleuse au cinéma, l'image n'en demeure pas moins d'une précision exemplaire en DVD, tout en conservant ce grain pellicule qui en fait toute la richesse. Les tonalités colorimétriques du film sont parfaitement respectées, assez ternes dans la première parties et froides dans la seconde. La définition se montre de haute tenue et la compression tout à fait bonne, à quelques arrières plans qui trahissent les limites du format DVD. Toute l'ambiance du film est parfaitement retranscrite ici, jusque dans les flashbacks en faux 16mm (le film a été tourné en 35). Une réussite !
La bande sonore de Martyrs a fait l'objet d'un soin tout particulier et la piste DTS 5.1 plein débit (1536 kbps) est là pour le souligner ! Usant intelligemment des 5 canaux, le mixage apporte incontestablement à l'ambiance du film en jouant sur les bruitages et la musique pour créer en fonction des scènes une atmosphère mystérieuse, agressive ou mélancolique. La toute première partie du film illustre très bien cette richesse, laissant place à la bande-originale (le flashback en 16mm), composée de cordes dont on sent presque le pincement des doigts, puis à l'ambiance pure et aux effets bien dynamiques (la scène de nuit dans l'orphelinat où la créature apparaît pour la première fois), jusqu'aux scènes se déroulant dans le présent de l'histoire du film où les coups de feu et scènes "d'action" sont diaboliquement rythmées. Une démonstration de la richesse du mixage qui se poursuit sans tarir jusqu'à la fin du film. Sans plonger dans le démonstratif gratuit, le caisson de basses s'en donne également à coeur joie et le mixage global est un pur régal pour les technophiles audiophiles !
A côté de cette piste DTS, Wild Side propose une piste Dolby Stéréo (192kbps), plus adéquate dans son équilibre entre les dialogues et les effets pour ceux qui regardent leurs DVD sur une simple TV sans système 5.1. Evidemment le mixage est un cran bien en dessous de la piste DTS, le dynamisme, la précision des effets et de la musique et la spatialisation globale du mixage étant incomparablement plus faibles. Martyrs s'apprécie pleinement sur installation 5.1, l'expérience n'est plus du tout la même !
DVD 1
Pour l'occasion, Wild Side a personnalisé son logo (sur un fond de métal rouillé) et les textes de loi (fond rouillé toujours et cris dans le fond). Deux écrans suivis par les bandes-annonces de l'éditeur que l'on peut bien évidemment passer (Southland Tales, Vinyan, Hansel et Gretel, Les Proies, Dorothy, Surveillance). Venons-en au menu lui-même, qui nous plonge dans une pièce sombre avec les lettres formant le titre accrochées par des chaînes, les différents accès du menu étant incrustés dans les lettres, le tout sur dans une ambiance sonore de basses et tout juste agitée pour recréer un sentiment de malaise. C'est sobre, efficace, un peu démonstratif peut-être mais assez amusant ! L'essentiel reste là : la navigation reste claire, simple et rapide, les transitions animées entre les différents menus se montrant suffisamment rapides.
Si le gros des bonus se trouve sur le second disque, le premier en contient néanmoins quelques uns. A commencer par les deux teasers et la bande-annonce (présentés en 16/9 et Dolby Stéréo) ainsi qu'une impressionnante galerie de 42 affiches proposant toutes les recherches avant d'arriver à l'affiche finale. La variété graphique illustre toutes les pistes qui ont été explorées, certaines s'inspirant directement des chartes de films italiens, d'autres d'inspiration plus gothique, ou encore d'autres bien plus modernes ou trashs. On trouve aussi dans le lot pas mal d'affiches qui ne retranscrivent pas vraiment l'ambiance du film, certaines étant même critiquées par Pascal Laugier lui-même en ouverture du making-of du second disque.
DVD 2
Making-of "Chroniques organiques" (1h25 - 4/3)
Avec une durée presque aussi long que le film, le making-of réalisé par Matthieu Desport (chapitré en plusieurs "livres" reprenant des titres bibliques) a pour qualité essentielle son absence totale de langue de bois : ce que nous verrons du tournage nous est montré sans aucune retenue, les acteurs, le réalisateur et toute l'équipe du film s'afférant au travail quelques soient les conditions et exprimant le fond de leur pensée face caméra. Mais attention, ce making-of possède un fort parti-pris en se consacrant à 80% à la conception des cascades et des maquillages sur le tournage, nous permettant de découvrir leurs conceptions et le travail physique des actrices encadrées par Gaëlle Gohen. Les fans de gore, de cascades et les simples curieux qui n'y connaissent pas grand-chose seront aux anges, l'ensemble formant l'un des documentaires les plus complets sur ces sujets, passionné et passionnant à regarder !
Restent alors de nombreuses images nous dévoilant parmi les moments forts la conception des décors (avec une visite à la clé des décors une semaine avant le début du tournage... pratiquement vides et donc réalisés dans l'urgence !), la préparation de quelques plans (notamment le coup de fusil contre le père de famille au début du film), ou encore une discussion sur la direction d'acteur entre Pascal Laugier et Mylène Jampanoï lors d'une pause-cigarette où l'un explique à l'autre ce qu'il attend d'elle et vice-versa. Les problèmes rencontrés au moment de l'accident de Morjana Alaoui (entraînant un arrêt du tournage pendant un mois) sont également abordés, et voir une équipe technique apprendre la nouvelle de la bouche du producteur exécutif, permet de ressentir bien viscéralement un gros moment de doute général sur un plateau.
S'il est difficile de faire la fine bouche devant un making-of aussi généreux, son déséquilibre entre l'élaboration des SFX et la dure réalité générale d'un tournage laisse tout de même un goût d'inachevé sur ce dernier point. On sent à la vision de ces images que le tournage n'a pas été facile et certaines anecdotes (les plus passionnantes) sont bel et bien là pour le prouver. Le réalisateur de ce making-of a préféré se focaliser sur les "effets spéciaux" au sens large du terme (avec un joli hommage à Benoît Lestang en guise de final), effectivement copieusement détaillés. Ceux (dont nous) qui espéraient un suivi de tournage aussi passionnant que le making-of réalisé par Laugier sur le Pacte des Loups, auront oublié qu'il n'était pas le réalisateur de celui-ci...
Anatomie de la censure (36mns57 - 16/9)
Il était bien sûr indispensable d'aborder dans ce DVD le sujet de l'interdiction aux moins de 18 ans qui menaça la sortie en salles de Martyrs... et ce documentaire rend justice au sujet en se montrant brillant. Quatre interviews sont ici montées ensemble : la première de Pascal Laugier (réalisateur de Martyrs), la seconde de Richard Grandpierre (producteur de Martyrs), la troisième de Philippe Rouyer (membre de la commission de classification des films, représentant du syndicat français de la critique de cinéma) et la quatrième de Jean-Pierre Quignaux (membre de la commission de classification, représentant de l'UNAF - Union Nationale des associations familiales). Sans que cela soit dit, il n'est pas difficile de deviner de quel côté ces deux membres de la commission se trouvaient : Philippe Rouyer a voté pour une interdiction aux moins de 16 ans, Jean-Pierre Quignaux a voté pour une interdiction aux moins de 18 ans.
La parole est donnée à chacun d'eux, les laissant tour à tour étaler leurs arguments et se répondre indirectement. Si tout le monde est à d'accord pour accorder à Martyrs que sa violence est plus psychologique que graphique, c'est également sur ce point que les interprétations divergent. Laugier et Grandpierre défendent évidemment l'existence de leur film et dénoncent qu'une interdiction aux moins de 18 ans l'aurait empêché de sortir, assimilant cette démarche à une forme de censure, sans pour autant réfuter qu'il faut un âge minimum pour voir un film (Laugier confesse même avoir vu La Dernière Maison sur la gauche sans doute trop jeune) mais en affirmant que Martyrs ne mérite vraiment pas plus qu'une interdiction aux moins de 16.
Rentrer dans les détails ici ne serait pas rendre justice à la qualité de l'argumentation des deux membres de la commission mais dans les grandes lignes Jean-Pierre Quignaux défend qu'on ne peux pas réduire Martyrs à un simple film "de genre" et qu'il beaucoup plus loin qu'un film d'horreur, affirmant qu'il faut un background théologique et philosophique pour comprendre le discours du film, un minimum que ne possède pas forcément un jeune de 16 ans. Ce à quoi s'oppose Rouyer, croyant pour sa part à la maturité acquise à l'âge de 16 ans, âge où on commence à étudier la philosophie, et affirmant que le film propose un regard sur les tortionnaires, qui peut intéresser dès cet âge là et entraîner une réflexion beaucoup plus large et intéressante à avoir
Leurs réflexions sont largement détaillées, argumentées, ponctuées de réflexions de Laugier et Grandpierre, ainsi que du réalisateur Fernando De Azevedo, qui organisa la fameuse manifestation du Vendredi 13 Juin 2008 pour défendre Martyrs, enfonçant le clou devant la caméra en développant la différence entre la censure et l'avertissement et le danger que représente l'invention de lois pour un cas particulier, sujettes à faire jurisprudence sur d'autres films (une référence à la loi passée pour la sortie de Baise-Moi).
Au final un documentaire parfait pour mieux comprendre les enjeux actuels des interdictions et le danger planant autour du cinéma sortant des comédies et genres formatés.
Maquillages (Interview de Benoît Lestang) (13mns54 - 16/9)
Difficile pour nous d'émettre un avis sur ce supplément puisqu'il a été tourné par nos soins, qu'il est disponible sur le site et qu'il se retrouve donc sur le DVD. Tournée au sein même de son atelier quelques jours seulement avant sa tragique disparition, cette interview permet à Benoît Lestang d'aborder ses relations avec Pascal Laugier sur le tournage, le défi que représentait Martyrs pour lui, et permet également de découvrir où il travaillait, quelques unes de ses créations dans sa carrière et son regard sur les effets spéciaux aujourd'hui, qu'ils soit de plateau ou même numériques. Ses propos sur la conception des SFX de Martyrs trouvent un écho bien plus développé dans le making-of présent sur le même disque, mais cette dernière interview permet d'aller plus à la rencontre de l'homme en lui-même.
Entretien avec Pascal Laugier (19mns21 - 4/3) :
Présenté en 4/3 et dans des conditions sonores peu idéales (toutes nos excuses !), ce supplément a également été tourné par nos soins pour la sortie du film en salles et est disponible sur le site. Si l'on passe donc outre le vacarme du bar où nous avions tourné cette interview, le but de cet entretien était de décortiquer le travail de mise en scène du réalisateur, les origines de ce projet qui n'a rien à voir avec son précédent film (Saint-Ange), la musique du film, les SFX (sous l'angle des intentions du réalisateur), le choix des actrices, l'ambiance sur le plateau, les réactions espérées des spectateurs, les envies et motivations de Pascal Laugier, le regard qu'il pose sur le cinéma de genre et le cinéma français, avant de se finir par quelque mot sur un projet dont il tait le titre et dont personne n'a encore parlé (ni Hellraiser, ni Dogs, ni Details).