Qui dit film de pirates dit mer et ciel azurés. Il est évident que le master a subi un petit coup de scalpel numérique car aucune scorie, dépôt ou autre poussière ne se pavanent sur l'écran. TF1 Vidéo s'arme d'une compression somme toute solide afin de restituer la belle luminosité des scènes de mer ainsi que la densité des noirs durant les séquences nocturnes. Là où le bât blesse c'est au niveau du rendu des matières, beaucoup trop lisse et trop propre notamment dans les plans larges flanqués pareillement d'un léger fourmillement. Les credits d'ouverture ne sont guère reluisants et les nuances de bleu sont aussi médiocres. Une fois passée la très longue scène d'ouverture, l'ensemble s'améliore avec des teintes bordeaux et des couleurs bois bien saturées mais à la palette de couleurs guère variée. Un manque de relief constant nous frustre quelque peu tant il est indéniable que la richesse des images nécessitait un meilleur rendu. A noter que les projections arrières (exemple à 1h08 sur le canot) sont malheureusement ratées, artificielles et contrastent indéniablement avec le reste. Enfin, une séquence se passant dans la pénombre apparaît duveteuse et granuleuse (30ème minute), la séquence du rat (34min40) étant, elle, perturbée par des couleurs plus ternes et des flous visibles sur le visage de Walter Matthau. Heureusement que Roman Polanski a opté pour le format Cinémascope qui nous permet néanmoins de profiter de la beauté des paysages maritimes et des décors naturels, incontestablement les points forts de cette édition.
La version originale nous est proposée en Dolby Digital 2.0. et 5.1. DTS. Cette dernière se révèle être une formidable surprise de par une balance frontale très acérée, des dialogues clairs et des basses percutantes au moment des (trop rares) scènes d'action. Comme pour toutes les pistes sonores disponibles sur cette édition, c'est la musique de Philippe Sarde qui est merveilleusement mise en valeur notamment par le caisson de basses, y compris au moment des scènes plus calmes, ce qui créé un décalage entre l'énergie de la bande-originale et la mollesse des situations. La piste 2.0 apparaît plus plate avec les voix des comédiens qui prédominent, les effets sont moins soutenus mais ils restent toutefois assez dynamiques. La version française (d'origine) a également été remasterisée et nous est proposée en Dolby Digital 5.1. Une fois de plus, les basses sont sérieusement mises à contribution et l'exploitation du système est totale avec un doublage vivement distillé sur la centrale, la musique soutenue par les surround et des ambiances bien balancées sur les avants (le pont du navire qui tangue et qui craque, un orage, des coups de canon). Dommage que les voix françaises ne soient pas totalement raccord avec le mouvement des lèvres des personnages car le doublage est vraiment très réussi. A noter tout de même que seule la voix française de Charlotte Lewis s'accompagne d'un écho ennuyeux et se détache des autres comme par exemple au moment de la chanson (21min30).
Suppléments (50min46)
Le bonus unique de cette édition se présente sous l'appellation « Suppléments » et se compose en réalité d'interviews récentes, réalisées en 2009, de Cris Campion, Pierre Guffroy (chef décorateur), Tarak Ben Ammar (producteur) et Hervé de Luze (monteur). A ces propos se croisent des images inédites du tournage ainsi que des extraits d'entretiens réalisés à l'époque de la sortie du film de Roman Polanski, Walter Matthau, de Charlotte Lewis, William Hobbs (superviseur des combats) et Tarak Ben Ammar à nouveau.
Le plus gros de ce module s'attarde sur tous les aléas survenus durant les divers stades de la production (retards, manque d'argent, problèmes météorologiques) jusqu'au bide retentissant du film. Outre que le scénario datait des années 70, on y apprend que Roman Polanski et son co-scénariste Gérard Brach avaient dans l'idée de créer une satire de films de pirates, que Jack Nicholson devait au préalable jouer le rôle du Capitaine Red et Roman Polanski lui-même celui de la Grenouille. Tarak Ben Ammar livre sa bataille concernant la quête des capitaux nécessaires auprès de différentes majors qui se sont finalement désistées petit à petit, laissant le producteur plusieurs fois au bout du rouleau. Hervé de Luze partage ses souvenirs en évoquant un premier montage du film estimé à 3h25 à partir duquel il a été obligé de couper, de recouper à nouveau pour livrer une version acceptable pour le studio. Des coupes qui se font selon lui bougrement ressentir à la vision du film. La part belle est faite à la construction du fameux galion du XVIIème siècle dont tout le monde (à juste titre) rend les honneurs et qui a fait la joie du réalisateur qui décidera finalement d'y tourner presque intégralement son film malgré « l'enfer de tourner un film sur l'eau ».
Roman Polanski n'apparaît que très peu à travers des interviews données au Festival de Cannes lors de la présentation du film. Cris Campion se rappelle quant à lui le casting et livre quelques anecdotes sympathiques sur le déroulement des prises de vue.
Démoli par la presse, sorti sans aucun recul de la part de son réalisateur, Pirates sort en Europe sans succès. Aux Etats-Unis, le film est présenté comme « l'œuvre du violeur Roman Polanski »... et déconcerte le public par l'utilisation abondante de termes marins qui endorment les spectateurs. Lâché par la production américaine, Pirates n'attire personne dans les salles et se voit retiré de l'affiche 5 jours après sa sortie.
Tarak Ben Ammar clôt cet attachant making of en partageant sa victoire en procès fait à Universal pour ne pas avoir respecté le contrat qui les liait et pour le désistement de la major. Un procès qui a finalement rapporté 18 millions de dollars au producteur tunisien et qui l'a depuis rentabilisé.