Pour ceux qui espéraient une remasterisation de la série, le master s'avère identique à celui de l'édition précédente, avec les mêmes qualités et les mêmes petits défauts. Parmi les qualités, majoritaires heureusement, on citera surtout une définition précise et une palette colorimétrique harmonieuse qui restitue avec fidélité les tons éthérés propres à la série. L'ambiance visuelle si particulière à Serial Experiments Lain, qui repose aussi sur des associations de lumières intenses avec des noirs profonds (sur les plans diurnes dans la rue, notamment), est joliment rendue grâce à une gestion des contrastes globalement satisfaisante. Globalement seulement car la série n'est pas exempte de quelques plans qui paraissent comme surexposés, les zones d'ombre tirant subitement vers le marron et laissant du même coup apparaître la compression, au détriment des détails. Ces plans restent minoritaires et il faut savoir qu'on les retrouve à l'identique sur l'autre édition et même sur le zone 1 sorti il y a quelques années. Il n'y a donc aucune perte de qualité, juste un regret que le tout n'ait pas été remasterisé.
Si l'image ne surprend pas, le son, lui, comporte une nouveauté de taille : une piste 5.1.
Passons vite sur les deux stéréos japonais et français déjà présents dans l'édition précédente, deux pistes qui jouent sur un mixage équilibré mais qui restent un peu timides en termes de puissance, en particulier la piste originale. La nouveauté, c'est donc la présence d'un français 5.1. Nous avouerons que nous aurions préféré un 5.1 japonais, le doublage original restant autrement plus naturel, mais il faut bien admettre que, même en français, ce nouveau mixage offre des qualités inédites. D'une puissance accrue (la différence est frappante lorsque l'on passe avec la télécommande d'une piste à l'autre), ce 5.1 exploite efficacement l'espace offert par le home cinema grâce à des arrières qui viennent joliment soutenir les effets sonores et apporter une nouvelle ampleur à la musique. Même les canaux avant font preuve d'une ouverture sonore supérieure, tandis que les voix sont logiquement redirigées vers l'enceinte centrale. Si la basse reste discrète, on appréciera la finesse du rendu des sons ambiants, pour un effet d'enveloppement tout à fait sympathique, surtout sachant à quel point l'atmosphère sonore est importante dans Serial Experiments Lain.
Dybex a fait les choses en grand pour ce 10e anniversaire de l'une des séries les plus cultes de l'animation japonaise. Le coffret est tout simplement superbe et séduira à coup sûr ceux qui cherchent à posséder un bel objet. D'un blanc immaculé, le packaging de format A4 est designé sur le modèle d'un ordinateur, puisque des branchements sont dessinés sur les côtés, tandis qu'un écran et un clavier sont représentés à l'intérieur. Presque comme si nous avions en mains le NAVI de Lain. Un packaging original qui ne sert pas uniquement à faire illusion puisque le contenu du coffret ravira les collectionneurs.
Ouvrons la boîte aux trésors...
Commençons donc par les bonus matériels, puisque ce sont les premiers que nous découvrons à l'ouverture. L'éditeur semble avoir compris comment prendre les fans de Yoshitoshi ABe par les sentiments puisqu'il nous offre une illustration exclusive réalisée par l'auteur, et joliment présentée sur un superbe support évoquant du papier à dessin. On trouvera aussi un manga inédit du même ABe. Il s'agit d'une histoire courte en noir et blanc au cours de laquelle Lain s'interroge sur la mémoire voire sur des questions renvoyant à la physique quantique.
Le character designer Yoshitoshi ABe
Trois beaux livrets accompagnent cette édition : Guide de l'utilisateur présente les titres et résumés des épisodes, Personnalisation de l'affichage nous offre des croquis de travail du character designer et mecha designer, et Autres informations reprend les illustrations connues réalisées par Yoshitoshi ABe sur le thème de Lain, pour le plaisir des yeux - au passage, un tel livret est autrement plus plaisant qu'une galerie de photos sur DVD.
Du côté des bonus vidéo, on passera vite sur les génériques sans credits et sur la version karaoke du générique du début. Ce qui nous intéresse avant tout ici, ce sont les interviews exclusives et de durée pour le moins conséquente proposées par l'éditeur.
C'est Yoshitoshi ABe (22mns43), character designer de Serial Experiments Lain mais aussi d'Ailes Grises (dont il signe aussi le scénario), NieA_7 et Texhnolyze, qui ouvre le bal. Après un retour sur ses débuts et notamment sur la manière dont il est entré dans le milieu (et a commencé à dessiner), Yoshitoshi ABe ne se montre pas avare de confidences dès lors qu'il s'agit de sa manière de travailler et du rapport qu'il entretient avec chacun de ses personnages. On apprend ainsi ce que représentent à ses yeux les plus connus d'entre eux, tels que Lain qui reste celui qu'il a dessiné le plus souvent et le plus longtemps, mais aussi Reki (Ailes Grises), personnage avec lequel il dit entretenir des affinités personnelles. Une interview riche en informations sur la carrière de Yoshitoshi ABe, permettant de mieux cerner la personnalité d'artiste de ce dessinateur hors normes.
Le producteur Akihiro Kawamura
La seconde interview donne la parole à Akihiro Kawamura (24mns21), producteur exécutif chez Geneon Entertainment Inc. Après quelques explications concernant sa fonction précise, Kawamura revient sur la genèse de la série, plaisantant au passage sur la difficulté de vendre un tel produit alors qu'il ne comprenait lui-même rien au scénario lorsque celui-ci lui a été présenté. Kawamura nous parle aussi longuement de l'implication de Yasuyuki Ueda, insistant sur les qualités de visionnaire de ce dernier. Il apporte aussi son point de vue de producteur sur l'évolution du marché, les enjeux de Geneon Entertainment, la visibilité de plus en plus large des séries de la société, la diffusion des séries sur Internet. Davantage axé sur les enjeux commerciaux, cet entretien vient judicieusement compléter les deux autres interviews.
L'entretien le plus long est celui de Yasuyuki Ueda (40mns11), créateur et producteur de Serial Experiments Lain à qui l'on doit aussi Ailes Grises et Hellsing. Sans aucune langue de bois, Ueda s'exprime aussi bien sur son parcours, très atypique puisqu'il n'a été que tardivement initié à l'animation, que sur des questions concernant la série elle-même. Il révèle notamment sa surprise de découvrir la facilité avec laquelle il a fait accepter le projet alors que celui-ci parlait tout de même - selon ses propres termes - d'"une fille qui veut se débarrasser de son corps". Ueda rend aussi hommage à l'apport du scénariste Chiaki Konaka, qui s'est énormément documenté sur les maladies mentales, les rapports entre le corps et l'esprit, les religions ou encore les ovnis, et parle de sa collaboration avec Yoshitoshi ABe. Sont aussi abordées des questions plus spécifiques telles que la conception du NAVI et les inspirations du côté des Men In Black pour les agents. Enfin, et toujours sans langue de bois, Ueda livre son opinion personnelle sur d'autres animes (Evangelion mais aussi Gundam ou encore Amer Béton) et sur les enjeux liés à l'animation japonaise aujourd'hui.
Le réalisateur Yasuyuki Ueda
Le tout dernier bonus - mais pas des moindres - n'est autre que le CD Cyberia Mix. Pour le situer dans son contexte, il faut savoir qu'il existe trois CD de Serial Experiments Lain. Le premier présente tout simplement les musiques d'ambiance telles qu'on peut les entendre dans la série. Le second regroupe les titres rock écrits et interprétés par Reiichi "Chabo" Nakaido. Le troisième, Cyberia Mix (présent dans ce coffret) nous offre des versions remixées de musiques présentes dans le premier CD mentionné. Excepté les deux versions de Duvet, nous retrouvons donc ici l'intégralité de Cyberia Mix tel qu'il était sorti il y a quelques années et dont le titre fait référence au café où se rendent à plusieurs reprises Lain et ses amies. Un album très hi-tech qui vient compléter de manière originale les deux autres. L'ensemble trouve un juste équilibre entre des morceaux très accessibles (Prayer, INFANITy world, K.I.D.s ou encore Cloudy, With Occasional Rain), des titres minimalistes mais envoûtants (island in video casset) et d'autres que les fans harcore de techno sauront davantage apprécier ("s"peED, Professed intention andreal).
Le jeu amusant, quand on possède l'album des musiques de Lain consiste bien sûr à tenter de repérer les musiques qui ont servi de base à ces titres remix. Quelques exemples :
- Invisible File est un remix de "Kuzureru Bi Ko (Scent of Crumbling Beauty)"
- Prayer est un remix de "Kyodai Rein (Enormous Rain)",
- K.I.D.s utilise alternativement "Kid's System" et "Hachôhûgetsu" comme fond musical,
- Antidepressant 044 est une version rallongée de Cyberiatekusuchua 5a et Cyberiatekusuchua 5b réunis,
- INFANITy world débute par un extrait de "Hitori Bocchi 1b (Solitude 1b)",
Etc.
Ci-dessous, la liste des titres :
01 - "s"peED
02 - professed intention and real intention
03 - antidepressant 044
04 - psychedelic farm
05 - invisible file
06 - prayer
07 - island in video casset
08 - K.I.D.S
09 - cloudy, with occasional rain
10 - INFANITY World
Parmi ces titres, notre préférence va vers l'excellent Prayer, qui hante la playlist de l'auteure de ces lignes depuis des années, mais aussi vers le très entraînant K.I.D.s et le très ambiance Island in Video Casset...