Beginners
Le 13/06/2011 à 13:23Par Stéphane Joseph
CRITIQUE DE BEGINNERS
Alors qu'il doit encaisser le coming out de son père de 75 ans, atteint d’un cancer et proche de la fin, Olivier n'a pour confident que son chien - un compagnon à quatre pattes qui, comble de l’insolite et du loufoque, s’avère être capable de parler tout en étant philosophe et compris par son maître. On aime ou on n’aime pas... Le portrait triste du personnage principal, dressé via une magnifique introduction en voix off et photos d’antan, nous fait comprendre que le film ne sollicitera que très peu nos zygomatiques. Et c'est Ewan McGregor qui y joue (à merveille) le rôle de ce personnage solitaire trouvant l’espoir d’une échappatoire à sa vie sinistre en la personne d’Anna, aussi séduisante que déprimée par son passé. Mélanie Laurent entre donc en scène et incarne malgré elle la première fausse note du réalisateur. Car la rencontre charmante des deux personnages (censée symbolisée la guérison), joue la carte du muet et des mots posés sur un calepin. Un délice pour le spectateur sur deux minutes, une indigestion quand elles sont dépassées (et c’est malheureusement le cas). Dès lors on s’angoisse de voir que Beginners démarre sur une utopie - celle qui nous fait croire que deux âmes en peine peuvent s’élever vers les cieux d’une renaissance affective.
Pour autant, on ne peut que reconnaître la tendresse et l’honnêteté qui découle de la majeure partie du film, entre la tendresse d'une relation et l’abattement lié au deuil d’un père. Ainsi, le père, tenu par un Christopher Plummer au sommet, nous emmène dans ses derniers instants de vie à travers des flash-back plus savoureux les uns que les autres.... Une sorte de voyage temporel photographique : subtil et sublime. Et c’est bel et bien là que se trouve toute la réussite du film. Car en guidant de main de maître ces personnages à travers sa fresque tragico-sentimentale, Mike Mills mêle parfaitement la mort à l’amour, la névrose à l’espoir et la mélancolie au burlesque. Beginners tire de ses défauts de mise en scène simpliste, une paradoxale puissance émotionnelle à laquelle il est difficile d’être imperméable. L’histoire d’amour entre Oliver et Anna, tantôt à son paroxysme tantôt coulée par leurs situations parentales désastreuses respectives, se laisse alors suivre avec délice, grâce notamment à des dialogues léchés (le chien y est pour quelque chose). Dommage que quelques poncifs un peu regrettables et la mollesse du rythme alourdissent bien inutilement le propos. Le film n’a pas la puissance d’un Lost In Translation, ni la justesse du traitement de l’homosexualité d’un Harvey Milk, mais sera sans conteste l’une des réussites de cette année. Comment se guérir des blessures du passé avec les rencontres du présent ? Une question dans laquelle des dizaines de films se sont noyés, mais Beginners est un rescapé qui a bel et bien le mérite d’être savouré.
Critique de Beginners publiée le 03 juin 2011.