Big City
Le 29/11/2007 à 08:59Par Michèle Bori
Intéressant. Voici le mot qui conviendrait le mieux pour décrire Big City et, très honnêtement, on n'imaginait pas dire ça un jour d'un film de Djamel Bensalah. Car si le bougre ne nous avait habitué qu'à faire sombrer ses films dans un humour de bas étage ou seul le décalage des héros par rapport à une certaine réalité arrivait à faire sourire les spectateurs les moins exigeant, il arrive aujourd'hui à nous surprendre en s'attaquant à un terrain que l'on imaginait pas sien. Et même si l'humour ne vole toujours pas plus haut que dans Il était une fois dans l'Oued, on ressort de Big City avec l'impression d'avoir assisté à une jolie prise de conscience. Non, le public n'est pas stupide. Amen.
Alors que tout au long de sa carrière, Bensalah n'a cessé de clamer haut et fort que tous ses films contenaient un sous-texte social et/ou politique (pour le Raid on cherche encore) mais sans que jamais personne ne le prenne au sérieux, il faut bien avouer qu'on ne voyait pas en quoi Big City allait se démarquer de ses précédents travaux. Mais nous avions tort, puisque, sans être foncièrement différent, le film arrive à fonctionner car le réalisateur du Ciel, les oiseaux et ta mère semble avoir enfin trouvé un public à qui s'adresser : les enfants. Oui, Big City est un film pour les petits (les tous petits presque) qui sous couvert d'un Bugsy Malone façon western, leur apprend les conséquences néfastes de l'intolérance et du racisme.
Large sujet n'est ce pas ? Bien sûr dans le même genre, pour parler du racisme aux enfants, il y a E.T., contre lequel Big City ne peut pas rivaliser ne serait-ce qu'une image. Mais si le second degré de lecture du chef d'œuvre de Steven Spielberg a échappé à votre chère tête blonde, le film de Bensalah fera peut-être l'affaire.
Et pour arriver à ses fins, Bensalah utilise une astuce aussi vieille que l'univers, puisque qu'il met des enfants dans des rôles adultes en les montrant faire les mêmes erreurs que leurs procréateurs, tout cela n'étant qu'un pretexte à créer un malaise inerant à un tel exercice. Voir un adulte habillé en toge du Klu-klux Klan, fouettant un noir en le traitant de sale nègre est déjà une chose assez choquante au cinéma. Alors imaginez un instant si c'est un enfant qui le fait. Bensalah aurait-il été influencer par un certains Trey Parker ? En tout cas il se permet d'aller assez loin dans son propos, en nous montrant la face la plus sombre de l'humanité via le regard des enfants, chose qui se révèle d'une puissance narrative rare et qui marquera à n'en pas douter les plus jeunes qui s'aventureront dans les salles obscures pour découvrir le film.
Ils seront sans doute les seuls à être touchés, puisqu'en toute logique, le film étant pensé pour les moins de 10 ans, le côté très appuyé du sous texte et de toute la métaphore contenue dans Big City passera pour de l'enfonçage de portes ouvertes pour les adultes. Nous le savons bien, nous, les grands, que l'homme peut être la créature la plus vile de la création lorsqu'il est livré à lui même. Nous avons conscience que la guerre c'est mal et que le racisme c'est pas bien. Mais grâce à Djamel Bensalah, nous avons aujourd'hui un moyen de l'expliquer à nos enfants en 1h30, de manière amusante pour eux, et un peu divertissante pour nous (ça reste du bon Bensalah dans le texte quand même, donc un minimum drôle).
Intéressant donc. Pour le reste, le film se place dans la droite lignée de sa filmographie, puisqu'on y retrouve le même humour, les mêmes têtes et les mêmes défauts, notamment des dialogues trop "écrits" et une direction d'acteurs parfois bien approximative. Si quelques enfants (le fils du maire, l'entraîneuse) s'en sortent très bien, il n'en va pas de même pour l'intégralité du casting. A sa décharge, on sait à quel point il est difficile de diriger des enfants... et Atmen Kelif, qui, lorsqu'il est laissé en roue libre (ce qui n'est pas le cas ici fort heureusement) peut vite devenir insupportable. Mais le gros plaisir du film est bien évidemment Eddy Mitchell, que l'on découvre (enfin) en cowboy alcoolique, et qui s'offre une composition à la hauteur de son amour pour le genre qu'il aborde aujourd'hui. Rien que pour sa scène finale, remplie de justesse et d'émotion rare, le film vaut le coup d'être vu. Et puis un film où Pierrot Ménès fait des courbettes ne peut être qu'une curiosité à découvrir. Rien que pour ça, chapeau Djamel !
L'ambiance western quant à elle est un peu trop proprette, puisqu'on a l'impression de se retrouver plongé dans un épisode de La Petite maison dans la prairie, avec les mêmes maisons bien construites, les mêmes costumes bien propres et les mêmes sourires figés. Par moment, le film décolle et on arrive à se rapprocher un peu plus d'un Retour vers le futur 3, surtout grâce à la musique, classique mais efficace, qui accompagne de manière naturelle les aventures de James Wayne et ses amis. D'ailleurs, Big City semble faire un clin d'œil au film de Zemeckis lorsque le héros du film essaye de sauver sa bien aimé, bloquée sur une calèche lancée à pleine vitesse vers un ravin. Pillage ou hommage, peu importe, puisque comme disait Coppola a de jeunes cinéastes en herbes : "Copiez moi, au moins vous serez sûrs de ne pas vous tromper." Puissent certains en prendre de la graine.