Ce que pensent les hommes
Le 06/02/2009 à 15:13Par Michèle Bori
A la fois légère, un brin cynique, mais toujours drôle, cette comédie signée par les auteurs de Sex and the City use des archétypes de la comédie romantique, non pas pour leur tordre le coup, mais pour les remettre au goût du jour. Une version upgradée de Love Actually en quelque sorte, moins extrême dans les sentiments, mais sans doute plus en phase avec la réalité actuelle. Seul bémol, il manque peut-être une petite ambition cinématographique (dans la mise en scène, le rythme...) pour que Ce que pensent les hommes puisse réellement entrer dans le panthéon des meilleures comédies romantiques. Pour autant, il n'en demeure pas moins tout à fait recommandable.
A l'origine de Ce que pensent les hommes, il y a cette phrase de la sixième saison de Sex and the City, lancée par Jack Berger à Miranda : "He's just not that into you". En gros, "tu ne lui plais pas". Une phrase qui a tellement plu aux deux auteurs de la série Greg Behrendt et Liz Tuccillo qu'ils décidèrent d'en tirer un best-seller, qui deviendra par la suite le film qui nous intéresse aujourd'hui. "He's just not that into you". Pour les scénaristes du film, c'est donc la phrase que devraient s'entendre dire les femmes pour ne pas se remplir la tête de questions dès qu'un homme ne les rappelle pas ou leur envoie un texto un peu vague. Sur ce point de départ un poil facile arrive à se monter une très bonne comédie autour d'un sujet d'actualité, à savoir la difficulté de comprendre l'Autre à l'heure où les moyens de communication sont illimités. Une scène d'ailleurs est absolument représentative de cette dérive, dans laquelle Drew Barrymore (par ailleurs excellente dans le film) raconte une histoire de flirt par technologie interposée, via le répondeur de sa maison, son téléphone portable personnel, son Blackberry, sa boîte mail, son MSN et ses pages Facebook et Myspace. Etrange époque où la rencontre physique semble devenue l'aboutissement d'une relation, au lieu d'en être l'instigatrice ...
Pour traiter d'un sujet aussi large, Ce que pensent les hommes fait le choix judicieux de se tourner vers le genre du film choral. Plusieurs personnages, plusieurs cas de figure, des chemins croisés ou pas, le tout dans une comédie romantique... on ne peut s'empêcher de penser à Love Actually. Mais là où le monument de Richard Curtis optait pour une vision poétique et très romanesque, l'approche du film de Ken Kwapis penche plutôt du côté du modernisme un poil cynique dans lequel les personnages semblent avoir du mal à assumer l'héritage du culte de l'amour tel qu'on nous le vend depuis plusieurs décennies. Un aspect du film qu'il partage donc avec la série Sex and the City en dressant le portrait d'une génération à la recherche d'un idéal amoureux qui ne semble plus exister que dans les (mauvais ?) films. En ce sens, on serait tenter de dire que Ce que pensent les hommes représente exactement ce qu'aurait du être le film S&TC. Il se permet même de reprendre les saynètes de monologues face caméra utilisées dans l'épisode pilote de la série, avant d'être abandonnées dans le reste du show. De petits apartés dans lesquels des "Monsieur et Madame Tout le monde" viennent témoigner de leurs expériences personnelles, qui font bien sûr penser à Quand Harry rencontre Sally, mais qui confèrent au film un aspect "témoignage" totalement en phase avec le reste du métrage.
Comme son modèle anglais, Ce que pensent les hommes est soutenu par une brochette de comédiens assez impressionnante. On retrouvera donc, dans le désordre, Drew Barrymore, Ben Affleck, Jennifer Aniston, Justin Long, Kris Kristofferson, Kevin Connolly (Eric Murphy de la série Entourage), Jennifer Connelly, Scarlett Johansson et enfin Bradley Cooper, qui arrivera à sortir avec les deux précédentes citées... Il y en a qui ont la vie dure. Tous sont convaincants dans leur rôle respectif, en particulier Justin Long qui incarne une sorte de relecture moderne de l'archétypal tenant de bar (celui qui dans les vieux films donnait de bons conseils au héros qui cherchait à noyer son amour dans l'alcool) totalement cynique et blasé. Pas Rick Blaine de Casablanca, mais presque ! Avec une telle galerie, on frôle de peu le perfect. On regrettera juste que la mise en scène ne soit pas à la hauteur du reste, puisque l'ensemble est malheureusement très plat et sans idées. Malgré cela, on se laisse prendre par cette comédie moins inoffensive qu'elle en a l'air et qui, pour le coup, aurait tout aussi bien pu s'intituler Modern Love.