Course à la mort
Le 10/09/2008 à 04:17Par Arnaud Mangin
Alléluia, le Paul W.S Anderson nouveau est arrivé... programmé pour la mi-octobre, presque en même temps que le Beaujolais. Quoi de plus normal pour le spécialiste ès piquettes dont l'étendue de la carrière s'est exclusivement résumée à un énorme quiproquo : aimer le cinéma et faire du cinéma. Avec sa Course à la mort, dont le titre français un brin ringard aujourd'hui nous rappelle la désuétude du projet, nous rappelle à quel point le garçon aime le cinéma. Ah ça pour l'aimer, il l'aime. Il ne lui rend pas bien, mais il l'aime ! Un amour gros comme ça qui plombe le septième art de scénarii dyslexiques et d'une mise en scène foireuse, comme un admirateur secret noierait sa bien aimée sous lettres et bouquets de fleurs... Avec son remake d'un classique un peu cheap de l'univers Corman et une passion clairement affichée pour The Road Warrior de George Miller comme au Rollerball de Norman Jewison, Anderson rend hommage... aux jeux vidéos ! Et ouais, on ne se refait pas.
Dans les faits, et même si le film écope d'une sale note, nous ne sommes pas déçus. Non seulement parce que le bonhomme nous gratifie d'une œuvre pas plus médiocre que ce qu'il a l'habitude de nous offrir, mais parce qu'il franchit avec Course à la mort l'inespéré statut de "Au dessus du panier". Et ouais, c'est regardable (en entier) et pas forcément plus méprisable que n'importe quel autre mauvais film. Une sorte de double effet kiss cool "C'est nul mais au moins on ne vous a pas flingué de grosse franchise" qui fait avaler le bonbon plus facilement. Même si le contexte changeant a totalement fait disparaitre le délire du film original où les pilotes remportaient des points en écransant des piétons. Ce qui permet d'apprécier beaucoup plus de choses par la suite comme le simple fait que le film est d'une réelle ringardise regorgeant du mauvais goût le plus infantile. Le nanar n'est pas loin. Toujours la faute à Anderson, qui confond également "aimer le cinéma" et "écrire un scénario", et dont la plume inspirée demeure, après 5 ou 6 scripts, le chaînon manquant entre Shakespeare et un ticket de bus. Et puis là le gamin va loin, attention. Et vas-y que ça creuse dans la reconstruction familiale "Je ne suis peut-être pas le meilleur des père, mais j'aime ma fille", dans l'effort sportif collégial "Pour gagner cette course, essaie d'être devant" (pas con, ça) et surtout dans la satire sociopolitique revendicative. Ah ouais, ça rigole plus !
Enfin si, ça rigole. Beaucoup, même. Parce qu'un Anderson qui déboule avec ses gros sabots pour nous dire que "beuark, la société va mal, la criminalité empire, la réal TV ça pue du cul, et les prisons de demain sont le Colisée du futur dont les taulards seront des gladiateurs"...Wow ! Ca nous achève pas mal. Bon, un brin en retard sur son temps (Jewison est passé par là il y a 30 ans, suivit par un nombre incalculable de réalisateurs bien plus inspirés), mais c'est un peu le théâtre de guignol qui se fout de la charité. Surtout que le César du stade en question est campé par une Joan Allen, qui a du se perdre en cherchant le plateau de Jason Bourne 4, toujours habillée de son jolie tailleur. En tout cas, elle nous fait bien marrer dans son rôle de méchante responsable de taule/directrice des programmes WebTV (???) avec son flingue sous son bureau comme le méchant Stromberg dans James Bond et son vocabulaire de charretier (on ne compte plus ses "Cock Sucker" et autres "Fucking Moron"). Un rattrapage express après toutes ces années de carrière au langage soutenu, assez déroutant au début. Enfin une peau de vache, quoi, comme tous les gens bien placés dans un film de SF qui balance... comme il y a 50 ans. D'ailleurs, pour enfoncer le clou, on aura même droit à une nuée de CRS qui déboule dans une usine métallurgiste pour tabasser des ouvriers qui touchent 300 dollars pour 60 heures de travail à la semaine... Finalement il y a un peu de Zola dans le cinéma de Paul Anderson.
Et puis les choses reviennent rapidement à la normale. Comme le dit elle-même la femme du héros "Je ne t'ai pas épousée pour ta fortune" alors que celui-ci exhibe ses muscles tatoués tandis qu'elle remonte la chemisette qui recouvrait ses hanches voluptueuses pour mieux enfourcher son cher et tendre. Zola mon cul, oui ! On nous rappelle vite à la réalité. Celle d'un cinéma bien attaqué dont l'objectif premier est d'écraser sauvagement des portoricains tatoués en envoyant de la viande numérique partout. Non mais sans blague. Passés rapidement les clichés à la con des films de prison, comme les blaireaux qui viennent emmerder le héros lors de son premier repas en crachant dedans (encore des portoricains tatoués), deux trois bourre-pifs avec des gros objets rouillés pour faire genre, on passe aux choses sérieuses. Jusque là c'était un peu chiant. C'est pas dit qu'on s'éclate comme des bossus, mais au moins il se passe des choses maintenant. A savoir des courses de voitures démontrant que le pauvre Paulo n'a décidément pas la moindre identité à revendiquer.
Après avoir foutu du Bullet Time dans ses deux précédents films parce que c'était à la mode, il cadre désormais ses scènes d'action comme un parkinsonien, puisque c'est désormais de rigueur. De quoi nous infliger quelques sérieux maux de crânes lors de poursuites généreusement longues, voire TROP longues, même si on peut y piocher, ça et là, quelques mises à mort sympa et particulièrement sadiques. Ca c'est pour le côté jeux vidéo de la chose, surexploité à outrance (tableaux de notations, présentations des personnages assis sur le capot de leur bolide alors qu'ils fixent l'objectif, boucliers, armes et autres checkpoints accessibles à ceux qui rouleront dessus), mais pas nécessairement de bon goût.
Parce que finalement, le mauvais goût, c'est typiquement ce qui caractérise le père Anderson, depuis le début de sa carrière. Le bougre a toujours des idées à la con pour plomber ses quelques bonnes, et autant de concepts sympas noyés dans une gélatineuse maladresse. Comme d'habitude, les exemples y sont légions, comme cette histoire de nanas aux décolletés pigeonnants débarquées par le bus d'une autre taule sur fond de RnB et qui serviront de copilotes aux méchants participants (parce que le public de Fast and Furious, il aime bien voir des filles avec des gros nichons dans des voitures bruyantes). Quelques démonstrations flagrantes de totale immaturité dont Anderson peine à se dépêtrer, l'empêchant de légitimer son vrai faux hommage aux bis des années 70-80 qu'il revendique tant. Ah si, un brin de lucidité fera son apparition dans tout ce bastingue, sous la forme d'une ligne de dialogue (qu'il a donc écrite lui-même) expliquant que la meilleure façon d'aimer est parfois de rester en retrait... On appelle ça un début de psychanalyse.