Cowboys & Envahisseurs
Le 23/08/2011 à 02:00Par Camille Solal
Avec Cowboys & Envahisseurs, rien de bien nouveau sous le soleil de l'Ouest Américain, juste un énième film reprenant à la lettre les codes du film de genre : ceux du western (paysages sauvages, colts, saloon, shérif, longues chevauchées au coeur de contrées désertiques, bagarres, évasion de prison,…) autant que ceux de la science-fiction (vaisseaux spatiaux, lumière aveuglante, technologie de pointe, extraterrestres monstrueux, enlèvements,...). Cependant, même si le film déçoit par son manque d'audace, on sort néanmoins de la séance avec le sentiment d'avoir été suffisamment diverti… Ou au moins dépaysé. Découvrez ci-dessous la critique de Cowboys et Envahisseurs.
Critique du film Cowboys et Envahisseurs
"Bill va mourir, ce serait mensonger de ma part d'appeler mes films Kill Bill si ce n'était pas le cas. La vraie question est plutôt de savoir comment il va mourir" racontait Quentin Tarantino lors de la promotion de son diptyque. Aujourd'hui c'est au tour de Cowboys & Envahisseurs de rendre des comptes sur son titre équivoque. Alors le dernier Jon Favreau, blockbuster original ou morceau de péloche digne des productions Asylum ?
Un homme se réveille seul en plein milieu du désert, blessé et désorienté. A peine a-t-il le temps de recouvrer ses esprits qu’il se fait attaquer par des bandits auquel il flanque une trempe avec l’efficacité d’un Jason Bourne sous anabolisants. Une gifle en guise de prologue pour mettre les choses au clair : le personnage est froid, brutal, implacable et, par-dessus tout, pas là pour rire. La preuve : c'est carnaval et Daniel Craig nous ressort le masque impassible de son James Bond. Si vous souhaitez déguster un milkshake des familles, tournez-vous donc plutôt vers Jonah Hex car ici, on ne badine pas avec les billets verts estampillés 'Hollywood', il faut que ça swingue, sbim paf boom !
Le soleil est à son zénith, le corbeau croasse, un virevoltant virevolte et notre héros parcourt l'horizon, seul. Arrivé à Absolution, une ville pauvre et austère de l’Arizona de 1873, l’homme se confronte à son passé : il s'appelle Jake Lonergan, sa tête est mise à prix pour meurtre par le Sheraf ("Tu connais pas Sheraf? C'est un groupe, ils étaient number one") et pour vol par le gang du 'dangereux' Colonel Dolarhyde (Harrison Ford). Alors que la nuit tombe sur la ville de poussières, que les pièces du puzzle s'emboitent peu à peu dans son esprit et qu'Olivia Wilde se pare de son plus beau regard halluciné, des lumières percent soudain la nuit, des hurlements enveloppent le silence, la peur devient oppressante, le chaos s’installe, les envahisseurs attaquent.
Cowboys & Envahisseurs est donc le fruit d'un pari un peu fou : faire fusionner le western et la science-fiction, deux genres cinématographiques à priori antinomiques. Si l’un prend définitivement le pas sur l’autre c’est que le réalisateur réduit les parties de science-fiction à des scènes d’action ciblées entre de longues scènes-tartines de développement de personnages. Pourtant la première scène d’attaque est justement celle qui combine le mieux les deux genres : les envahisseurs frappent de manière chirurgicale avec leur technologie de pointe alors que les cowboys se défendent tant bien que mal avec leurs simples colts, dépassés quelque part entre les chevaux paniqués, les débris de la ville et les corps qui s’élèvent dans le ciel. La mise en scène, haletante, prend même le soin de nous remémorer les meilleurs moments de La Guerre des Mondes de Steven Spielberg.
Suite à cette attaque, les protagonistes s'engagent dans une chevauchée fantastique dont tous sortiront grandi (même ceux qui sont destinés à mourir, promis). Les minutes défilent et, pour notre plus grand plaisir, le déroulement s'accroche à un flou scénaristique osé dans lequel quelques flashbacks bien étranges reviennent au héros avec parcimonie. Pourquoi ces enlèvements ? D'où vient Jake Lonergan ? A quoi sert son bracelet ? Et surtout, pourquoi diable est-ce qu'Olivia Wilde est habillée comme une mormone ? Les questions sans réponses s'accumulent ainsi dans l'esprit du spectateur avec une telle densité qu'on en vient à se demander si le film va nous livrer clés en main l’intégralité des réponses attendues ou s’il poussera le vice de son concept jusqu’à rendre ses personnages désarmés et impuissants face à ces attaques dont ils pourraient très bien ne jamais percer les mystères. Et avec Damon Lindelof (Lost) parmi l’équipe de scénaristes (si si, il y a bien plusieurs scénaristes) on pouvait légitimement penser que pour une fois Goliath allait flanquer une raclée à David avant d’arpenter victorieusement (avec ses nouvelles chaussures rouges à paillettes) la fameuse route de briques jaunes balisée par les blockbusters Hollywoodiens.
Hélas le récit explose littéralement en vol après LE twist facile du film bombardé lors d'un feu de camp indien tellement cliché qu’on le croirait tout droit sorti d’une BD de Tintin. S’ensuit alors une longue séance d’explications, sorte de Q&A pour neuneus qui euthanasie tout intérêt jusqu’au générique de fin, rendant les séquences suivantes vides, mièvres, mollassonnes et sans autre enjeu dramatique que le fait de savoir si les gentils vont réussir à bouter les vilains monstres hors de leur planète. Pour ce grand final, la team de scénaristes pousse même le bouchon un peu trop loin Maurice puisqu'ils assènent, à qui veut l'entendre, leur indiscutable laïus de "l’homme est bon, l’envahisseur est mauvais" en transformant, pour l'occasion, de 'méchants personnages' en valeureux combattants héroïques et solidaires. Une fraternité soudaine aussi désespérante qu’imbuvable en somme.
Même si le concept n'est pas poussé aussi loin que chacun a pu, à loisir, le fantasmer dès l'annonce du projet (un cowboy dans l'espace?) et malgré tous les errements scénaristiques du troisième acte, Cowboys & Envahisseurs divertit. Difficile de vraiment savoir pourquoi tant les carences de ce projet d'envergure sont bien plus nombreuses que ses fulgurances (l'idée du bracelet qui symbolise le fardeau, la croix que Lonergan se doit de porter sur le chemin de sa rédemption). Peut-être sommes-nous tout simplement touchés par la volonté sincère d'un Jon Favreau qui n'a pas souhaité rendre son actrice principale sexy afin que le spectateur s'intéresse plus aux émotions de son personnage qu'à ses fesses... Moui, bon et sinon maintenant Jon, blague à part tu peux nous le dire... Tu t’es bien amusé lors du tournage de la scène avec Olivia Wilde nue que tu cadres comme un vitrail d’église ?
Finalement, pour gagner sa place sur le podium des blockbusters estivaux, il ne suffit pas seulement d'afficher un titre 'cool' (souvenez-vous du très mauvais Des Serpents dans l’Avion !), il faut aussi du jeune (Ok !), du sexy (Ok !) et du rêêêêve comme dirait ce bon vieux Alfred Duler ! Et si on ne demande pas à Jon Favreau de nous anesthésier le cervelet comme le fait Michael Bay avec cette formule, le réalisateur aurait cependant gagné à emplir son film d'idées originales et de magie visuelle dignes de son postulat de départ. Dommage, la générosité était pourtant là. Et si ce n'était celle de ses acteurs, c'était au moins celle, inébranlable, de ses financiers.
Critique de Cowboys & Envahisseurs publiée le 31 juillet 2011.